Page images
PDF
EPUB

n'y fût délibéré qu'après que la discussion sur l'affaire du juge de paix seroit terminée, et cette motion obtint la majorité des suffrages. Il seroit aussi long que fastidieux de rendre compte de cette délibération où la constitution ne fut pas moins violée que la justice; car, quand même il eût été démontré que le juge de paix avoit excédé les bornes de ses pouvoirs, l'assemblée n'auroit pas été moins incompétente pour y statuer, parce que l'acte constitutionnel (art. 27, chap. 5, tit. 3) en attribuoit exclusivement la connoissance au tribunal de cassation, sur la dénonciation du ministre de la justice. Cette objection, plusieurs fois répétée par quelques députés du parti constitutionnel, ne fut réfutée que par des cris ou par des injures; et après six heures de débats les plus violens, le malheureux Larivière fut décrété d'accusation comme s'étant rendu coupable d'attentat contre la dignité de la représentation nationale, en fesant exécuter un mandat d'amener contre les trois plus vils scélérats qu'il y eût dans l'assemblée. Ceux qui dans ce moment composoient les tribunes, et qui pouvoient à bon droit se considérer comme plus spécialement représentés par Merlin, Bazire et Chabot, approuvèrent ce décret par de grands applaudissemens, et par les cris de vive l'assemblée nationale (1).

(1) Larivière avoit exactement observé dans cette pro

Cette délibération étant consommée, la discussion auroit dû s'ouvrir sur la lettre du roi, et la motion en fut faite. Les membres du côté gauche n'osèrent pas la combattre, mais ils manoeuvrerent assez adroitement, pour empêcher qu'elle fût mise aux voix. « Je ne m'oppose pas, dit Gen» sonné, à la motion qui vient d'être faite; mais » si l'assemblée veut m'entendre, je demande au» paravant la parole pour dénoncer le comité au» trichien. » Cette demande fut accueillie par les plus vifs applaudissemens, et appuyée par Brissot, qui promit de rapporter dans le plus court délai, sur l'existence de ce comité, des preuves

cédure toutes les formes prescrites par les nouvelles lois; mais il y avoit mis une rigueur et un éclat, qui ne pouvoient que déplaire à l'assemblée. Il s'étoit si fort exagéré l'importance de cette affaire, qu'il croyoit de très-bonne foi que la contre-révolution en seroit la conséquence immédiate, s'il parvenoit à démasquer la perfidie des plans et des manoeuvres des jacobins. Quelques propos indiscrets qui lui étoient échappés, n'annonçoient que trop que tel étoit son but ; et ce fut-là le véritable motif de son décret d'accusation. Il fut envoyé à Orléans, et subit le sort des prisonniers de la haute-cour nationale, qu'un détachement des brigands de Paris alla arracher des prisons, pour les conduire à Versailles, où ils furent tous massacrés le 8 septembre 1792, à l'exception de quelques domestiques et d'un officier d'artillerie, nommé Loyauté, qui eut le bonheur de se sauver malgré ses blessures.

assez fortes

pour faire retomber sur la tête des coupables les coups qu'on vouloit porter à l'assemblée nationale.Voici comment cette promesse fut remplie :

Dans la séance du 23 mai, le président annonça avec emphase, que l'ordre du jour appeloit la discussion sur l'engagement pris par MM. Brissot et Gensonné, de dévoiler et de constater l'existence d'un comité autrichien à Paris. Aussitôt une motion d'ordre rappela à l'assemblée l'impassibilité et la justice qui devoient présider à cette délibération. «La France et l'Europe entière, dit l'ora»teur, vont nous reconnoître digne du poste » éminent que nous occupons, par le calme im» posant dans lequel nous saurons écouter et pro» noncer sur les plus grands intérêts de la patrie. » Il invita aussi le président à recommander le silence aux excellens citoyens qui composoient les tribunes, et cette recommandation leur fut faite. Gensonné prit alors la parole, et divisa son rapport en deux parties. Dans la pemière, il s'attacha à prouver que l'accusation et la poursuite des délits qui compromettoient la sûreté de l'état, étant exclusivement attribuées, par la constitution, au corps législatif, et leur jugement à la haute-cour nationale, la lettre du roi à l'assemblée, et l'ordre donné à l'accusateur public, près le tribunal criminel de Paris, au sujet du prétendu comité autrichien, étoient tout à-la-fois injurieux au corps

législatif, attentatoires à la constitution, et dangereux pour la sûreté publique.

Cette longue discussion n'eût pas été déplacée, si l'existence de ce comité autrichien et ses prétendus complots eussent été constatés, parce que la sûreté de l'état eût réellement été compromise; mais elle ne pouvoit certainement pas l'être par une supposition aussi absurde qu'atroce, hasardée par quelques journalistes, ou par quelques. orateurs de clubs, à l'instigation de la faction qui les salarioit, et qui avoit imaginé cette calomnie, comme un moyen révolutionnaire d'un grand effet contre le roi et contre toutes les personnes qui lui étoient dévouées. Les individus désignés à la fureur du peuple, comme membres de ce comité, ou compris à ce titre dans une liste de proscription, avoient incontestablement le droit de poursuivre leurs calomniateurs devant les tribunaux ordinaires, car c'étoit le seul moyen qu'ils eussent de se soustraire à l'assassinat. S'ils se fussent pourvus devant l'assemblée, comme faussement accusés de menacer la sûreté de l'état, elle leur auroit répondu, avec raison, que toute plainte particulière en calomnie, étoit hors de sa compétence; qu'elle ne pourroit prendre connoissance de celle qu'ils lui adressoient, qu'autant que la réalité du comité autrichien et de ses complots, seroit constatée par des preuves suffisantes. Or, voici,à quoi se réduisoient celles que Gensonné

présenta dans la seconde partie de son rapport.

» Si une conviction morale pouvoit suffire, » dit-il, je ne crois pas qu'il y ait un seul homme » en France, qui, connoissant la profonde cor» ruption de la cour, et la conduite qu'elle a » tenue depuis l'époque de la révolution, puisse » conserver le moindre doute sur l'existence » de ce comité....... N'est-ce pas à l'influence de >ce directoire secret, qu'on est forcé d'attribuer >> les ménagemens qu'on a toujours eus pour les » révoltés, et les faveurs qu'ont obtenues ceux » qui se sont montrés les ennemis les plus ardens » de la liberté publique ? Comment expliquer au» trement la bizarrerie de notre situation politi» que? Comment croire qu'une coalition de puis»sances étrangères, formée dans le principe » en faveur du roi des Français, existât encore » aujourd'hui, si ce directoire n'avoit pas fait » naître des doutes sur ses véritables intentions? » Comment pourroit-on enfin, sans cette suppo»sition, se rendre compte de la guerre actuelle, » des motifs qui l'ont déterminée, de l'obstina» tion des révoltés et de l'insolence des contre» révolutionnaires? C'est déjà beaucoup, qu'in» dépendamment de tous les faits particuliers » qui attestent l'existence de ce comité, les cir >> constances générales, notre situation politique, » la nature et la force des choses établissent sur

« PreviousContinue »