Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

» ment étranger à l'affaire présente; il n'a fait » aucune dénonciation; c'est à MM. Merlin, » Bazire et Chabot à soutenir devant les tribu»naux celle qu'ils ont faite : voilà les principes » de la justice et de la morale; je demande qu'ils » soient observés indistinctement à l'égard de » tous les citoyens; qu'on laisse les tribunaux » agir et rendre justice à tous, et que ce soit par » ces motifs, les seuls dignes de l'assemblée, » qu'elle se décide à passer à l'ordre du jour. »

[ocr errors]

Cette motion, généralement applaudie par les membres du côté droit, termina la discussion, et l'assemblée passa à l'ordre du jour. Larivière crut pouvoir en conclure qu'elle vouloit laisser un libre cours à la justice, et décerna en conséquence le même jour un mandat d'amener contre Merlin, Chabot et Bazire. Il se flattoit d'obtenir par leur interrogatoire les déclarations qu'ils n'avoient pas voulu faire dans leur déposition; mais moins occupé de conduire cette affaire avec prudence, que de lui donner le plus grand éclat, et de rendre ainsi plus remarquable le rôle qu'il y jouoit, il employa pour l'exécution du mandat d'amener les formes les moins respectueuses pour l'assemblée, et les plus offensantes pour ces trois députés. Il les envoya chercher le lendemain par des gendarmes nationaux, à cinq heures du matin, sous prétexte de leur laisser la liberté de se rendre à l'assemblée à l'heure ordinaire de ses séances. Il

ajouta à ce premier tort celui de rester dans son lit jusqu'à ce que ces messieurs fussent arrivés, et par conséquent de les faire attendre sans nécessité.

Merlin et Chabot, dans leur interrogatoire, protestèrent de nullité contre toute procédure relative au comité autrichien, et refusèrent, avec autant d'insolence que d'obstination, de répondre à toutes les questions que leur fit le juge. Ils soutinrent que ce qu'ils avoient dit au journaliste Carra tenoit à l'exercice de leurs fonctions de représentans du peuple ; que par conséquent, ils ne pouvoient, aux termes de la constitution, être recherchés, accusés ni jugés en aucun temps pour ce qu' 'ils avoient dit, écrit ou fait en cette qualité. Bazire, pâle et tremblant de peur, subit son interrogatoire, et prouva jusqu'à l'évidence, par ses réponses, que les prétendus titres, notes et renseignemens du comité de surveillance, relativement au comité autrichien, se réduisoient à de simples conjectures qu'aucun indice n'appuyoit.

Larivière, fidèle à la constitution, regarda sa mission comme terminée, et écrivit au président de l'assemblée une lettre, par laquelle il demandoit d'être admis à la barre, pour rendre compte de l'état de la procédure, et mettre le corps législatif à portée de statuer sur le silence de deux des accusés, et sur les aveux du troisième, s'il y avoit lieu à accusation; mais lorsque cette lettre arriva il étoit déjà dénoncé. Les trois députés accusés

avoient été entendus, et s'étoient plaints avec amertume de la rigueur et de l'indécence des formes que le juge de paix s'étoit permis d'employer à leur égard. Un attentat aussi grave contre la dignité de la représentation nationale, ne pouvoit qu'exciter l'indignation et le courroux de l'assemblée; aussi fut-il décidé sur-le-champ qu'il ne devoit pas être admis à la barre, et la discussion s'ouvrit en même-temps sur la question de savoir s'il y seroit traduit comme accusé, ou mandé pour rendre compte de sa conduite. Après d'assez longs débats, il fut décidé qu'il seroit mandé. Il se présenta avec une grande assurance, et justifia sa conduite, à l'égard des députés, par les dispositions de la constitution et des décrets, qui n'établissoient aucune différence dans la manière de mettre à exécution les mandats d'amener à l'égard de quelque personne que ce fût, et qui n'avoient point laissé aux juges la faculté d'introduire des formes différentes de celles qui avoient été décrétées. Cet hommage rendu à l'égalité des droits, lui obtint les applaudissemens des tribunes et d'une partie de l'assemblée; mais les doutes qu'il laissa appercevoir sur l'existence du comité autrichien, dans le compte qu'il rendit de la déposition de Bazire, indisposèrent si violemment la majorité, qu'il ne tint à rien qu'il ne fût décrété d'accusation; et ce ne fut qu'après des débats très-vifs et très-tumultueux, que l'assemblée dé

VIII.

2

créta le renvoi de cette affaire au comité de lé¬ gislation, pour en faire son rapport incessamment. Malgré ce décret, et sans le révoquer, la discussion fut reprise le lendemain, à l'ouverture de la séance, quoique le comité de législation n'eût pas été entendu. Toutes les réclamations contre cette irrégularité, furent étouffées par les clameurs et les huées les plus indécentes.

Au milieu de ce tumulte, le ministre de la justice entra dans l'assemblée, et demanda la parole sur un objet qui avoit rapport à la discussion. «Le roi vient de m'appeler, dit-il, pour m'an» noncer la résolution qu'il a prise de dénoncer » aux tribunaux les calomnies qui se répandent » depuis quelques jours, avec une licence qui » n'a plus de frein, sur l'existence d'un prétendu » comité autrichien. Peut-être sa majesté auroit» elle dédaigné ces rumeurs mensongères, si elles » n'avoient existé que dans ces libelles que vous » avez justement voués à la vengeance des lois; » mais comme elles sont parvenues au corps lé»gislatif, elle craint que prenant quelque con»sistance dans le sanctuaire des lois, elles n'ob» tiennent l'effet qu'on en desire, celui de désor→ »ganiser l'armée et l'état; elle m'a chargé en » conséquence d'informer le corps législatif du » parti qu'elle a pris de dénoncer aux tribunaux » les auteurs de cette calomnie. Elle veut que le » fantôme avec lequel des imposteurs cherchent

» à effrayer le peuple, soit enfin dissipé, et qu'au » moyen d'une procédure juridique et légale la > nation soit pleinement convaincue de la loyauté » de ses démarches, de son attachement à la cons»titution, et de sa persévérance dans le serment » qu'elle a fait de la défendre.»

En finissant ce discours, le ministre remit une lettre du roi adressée au président, et conçue en

ces termes :

« J'ai chargé le ministre de la justice de vous » faire part de l'ordre qu'il vient de donner de » ma part à l'accusateur public, au sujet du pré> tendu comité autrichien. Je souhaite que cette » affaire soit parfaitement éclaircie, et j'espère » que l'assemblée nationale prendra le parti de >> communiquer au tribunal les renseignemens » que plusieurs de ses membres ont dit avoir sur » cette affaire. Elle sentira aisément l'inconve»nance qu'il y a de recevoir de pareilles dénon»ciations, de n'en laisser percer que ce qui peut > entretenir les soupçons dans le public, et de » m'en laisser ignorer les auteurs. »

Le roi, vivement touché de la situation critique où se trouvoit Larivière, par l'excès d'un zèle trèslouable sans doute, mais trop inconsidéré, s'étoit flatté d'opérer par cette démarche une diversion qui lui seroit avantageuse; mais à peine la lecture de la lettre de sa majesté fut - elle achevée, que plusieurs voix s'élevèrent pour demander qu'il

« PreviousContinue »