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et Chabot, membres de l'assemblée et du comité de surveillance, étoient de véritables instigateurs de la dénonciation faite contre nous aux jacobins.

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Ce n'étoit pas seulement dans les clubs, dans les journaux, ou dans les groupes du PalaisRoyal et des Tuileries que les prétendus complots du comité autrichien étoient dénoncés; ces impostures atroces étoient aussi répétées avec emphase dans l'assemblée. « Les ennemis du nou» veau régime, disoit l'énergumène Isnard » ( séance du 15 mai), ulcérés par leurs défaites, » bercés par l'espérance, enhardis par l'impunité, » travaillent tous, depuis long-temps, à la contre» révolution; et c'est de tant d'efforts, variés ou » réunis, que résulte l'état où nous nous trou» vons. Je crois que l'appui caché de ce parti » malveillant, fut et doit être la cour....... J'en»tends par ce mot redoutable, non-seulement » Louis XVI, mais sa famille, sa femme, son » conseil secret, et toute la race courtisanne et » nobiliaire, parce que c'est cet ensemble de gens » qui profite de la royauté autant que le roi lui» même; or, cette cour le séduit et l'égare. On » lui dit que son intérêt exige qu'il ménage tous » les partis, qu'il favorise secrètement l'aristocra » tie, parce que si elle triomphe, il redeviendra » tout-puissant, et qu'il doit agir pour le peuple » en apparence, afin que s'il est vainqueur, il lui » reste la couronne constitutionnelle. Le roi,

» ainsi trompé, applique quelques veto funestes, » protège l'aristocratie, et laisse agir un comité » secret, qui, sans le consulter, travaille sans » relâche au succès du plan de contre-révolution » profondément combiné..... Delà la guerre que » nous allons peut-être avoir contre le roi de » Prusse et contre les autres puissances de l'Eu» rope, le rassemblement des émigrés et le recru» tement qui se fait en France pour leur armée, » la désertion de nos officiers, l'insubordination » et la défection d'un certain nombre de nos sol» dats; delà ce qui s'est passé à Mons et à Tour» nai, les assassinats commis, etc., etc., etc. »

Après avoir ainsi développé les maux et les dangers de la patrie, il proposa, comme le seul remède qui pût la sauver, un projet d'interpellation nationale à faire au roi par le corps législatif. Cet écrit, dont chaque ligne contenoit une insulte plus ou moins grossière pour le roi, est digne, à tous égards, de figurer parmi les monstrueuses productions du délire de la démagogie la plus forcenée. Je ne souillerai pas ma plume à le rapporter, même par extrait; je me contenterai de dire que l'assemblée, qui en avoit impudemment applaudi les premières phrases, ne voulant pas, ou n'osant pas en entendre la lecture jusqu'au bout, ajourna cette infâme motion, força l'orateur, par des murmures redoublés, à descendre de la tribune, et passa à l'ordre du jour,

Cependant le juge de paix (Larivière ) continuoit avec zèle la procédure criminelle commencée sur la plainte de M. de Montmorin et sur la mienne. Les députés Merlin, Bazire et Chabot, entendus en témoignage, avoient déposé que l'assertion faite par Carra, relativement au comité autrichien, étoit exacte, et confirmée par une foule de notes et renseignemens, dont le comité de surveillance étoit en possession. Le juge n'ayant pas le droit d'exiger des témoins des déclarations ou des explications plus amples que celles qu'il leur plaisoit de donner, et ne voyant dans les dépositions des trois députés que des indications vagues de preuves prétendues existantes au comité de surveillance, ne savoit trop comment statuer sur notre plainte, et ne me dissimula pas son embarras. Je lui représentai avec force que cette affaire étoit trop majeure, pour qu'il pût en abandonner la poursuite, sans se compromettre trop gravement; qu'on lui reprocheroit avec raison d'avoir négligé des indications, qui, quoique vagues sur la nature des preuves, étoient aussi positives qu'elles pouvoient l'être sur leur existence; et que le seul parti qu'il eût à prendre, étoit de se faire autoriser, par le bureau central des juges de paix, à aller rendre compte à l'assemblée, de l'état de la procédure, et à lui demander un décret qui ordonnât au comité de surveillance de remettre, dans le plus prompt délai, au tribunal de la police, tous

les titres, notes et renseignemens qu'il pouvoit avoir relativement au comité autrichien. Il ne vit heureusement aucun inconvénient à cette démarche, et ses collègues au bureau central, l'approuvèrent si fort, qu'ils se décidèrent tous à accompagner Larivière à la barre de l'assemblée,

afin

que la demande qu'il avoit à former, étant faite en leur nom, éprouvât moins de difficultés.

Cette affaire prenant ainsi la marche la plus sûre pour atteindre le but que je m'étois proposé, je ne pouvois que m'applaudir de l'avoir engagée, et je jouissois d'avance de la satisfaction qu'éprouveroient le roi et la reine, en voyant confondre et anéantir pour jamais une imposture qui depuis long-temps les tourmentoit et les inquiétoit, d'autant plus que leurs majestés ne pouvoient pas s'abaisser à la réfuter.

La députation du bureau central des juges de paix se rendit à l'assemblée le 18 mai, et Larivière y présenta sa demande sous le point de vue le plus propre à en faire sentir toute l'importance. Elle fut d'abord accueillie par de grands applaudissemens, et convertie en motion par un des membres du côté gauche, qui n'étant point initié dans les mystères du comité des jacobins, croyoit de bonne foi, comme un grand nombre de ses collègues, à l'existence du comité autrichien, et à la réalité de ses complots.

Les membres du comité de surveillance, vive

ment alarmés de cette motion, la combattirent avec la plus grande chaleur. « C'est un piège, » dirent-ils, qu'on veut tendre à l'opinion pu» blique...... La plupart des dénonciations qui » existent au comité de surveillance sont données » par des personnes attachées au service du roi ou » de la cour, et qui perdroient leur place et peut» être même la vie, si on divulguoit les rensei»gnemens qu'elles ont fournis...... Ces rensei» gnemens n'ayant rien d'authentique, ne peu» vent pas faire preuve devant les tribunaux, ni >> motiver un décret d'accusation; mais ils nous » servent à suivre la trace des complots qu'ils

indiquent; nous avertissons le public qu'ils exis» tent, et leur publicité est le plus sûr moyen de » les faire avorter. » Ils concluoient en conséquence à ce que l'assemblée passât purement et simplement à l'ordre du jour.

Un des membres de ce comité qui conservoit encore quelques principes d'honnêteté et de justice (1), s'éleva avec force contre ces viles et odieuses manoeuvres. « Vous m'avez nommé au » comité de surveillance, dit-il, et je rends trop » justice à mes collègues, pour croire qu'ils » veuillent faire de ce comité un tribunal d'in» quisition qui feroit frémir la France.... Au » surplus, le comité de surveillance est absolu

(1) Dumolard.

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