Page images
PDF
EPUB

nommé Amyot, dont le zèle et la fidélité étoient à toute épreuve. J'en chargeois aussi quelquefois M. Bernard de Marigny, qui n'avoit quitté le commandement de Brest que pour se rapprocher des dangers qui menaçoient le roi, et partager avec tous les fidèles serviteurs de S. M. l'honneur de lui faire un rempart de sa personne. C'étoit toujours M. de M.... qui alloit chercher les réponses du roi, à l'heure indiquée par sa majesté. Celle qu'il me rapporta ce jour-là étoit conçue en ces termes : « Il n'est malheureusement plus temps » de faire ce que vous proposez; les ministres » m'ont assuré que la fermentation du peuple » étoit si violente, qu'il n'étoit pas possible de s différer la sanction du décret, sans exposer la

garde et le château aux plus grands dangers. » J'ai sanctionné, bien malgré moi; mais le mal » est sans remède. »

Il n'en restoit plus, sans doute, après la sanction de ce décret; j'en fus d'autant plus consterné, que j'étois fermement convaincu que, malgré la défection des ministres dans cette circonstance, il étoit possible d'en tirer un parti trèsavantageux, et peut-être entièrement décisif contre l'assemblée, si le roi, qui ne pouvoit voir dans ce décret qu'une preuve certaine d'un complot atroce qui menaçoit également sa personne et la royauté, avoit pu se déterminer à une démarche énergique, qui pouvoit seule sauver l'une

et l'autre (1); et ma lettre auroit pu produire cet effet, si le roi l'avoit reçue avant la sanction.

Je ne dois pas passer sous silence une dénonciation qui survint au milieu des débats qui précédèrent ce décret, et qui, quoiqu'étrangère à la garde du roi, fut accueillie avec transport par les factieux, comme une preuve des complots dont ils l'accusoient d'être l'instrument. Des soldats invalides se présentèrent à la barre, dans la journée du 29, et rapportèrent qu'il avoit été ordonné la veille à tous les commandans des postes de l'hôtel de se replier, dans le cas où un corps armé, soit de la garde du roi, soit de la garde nationale, viendroit se présenter. Les officiers qui avoient donné cette consigne, ayant été mandés, confirmèrent le rapport des soldats. « Le moment est » venu, s'écria Couthon épouvanté, où l'assem» blée doit déployer un grand caractère. Il existe » une grande conspiration, dont le centre est, » nous le savons tous, au château des Tuileries. » Carnot, digne émule de Couthon en lâcheté, comme en jacobinisme, jacobinisme, prétendit aussi que le moment étoit arrivé de se presser plus que jamais autour de la constitution, qui seule pouvoit tout sauver. Il avouoit qu'elle ne permettoit pas de licencier la garde du roi; mais vous pouvez, ditil, la suspendre provisoirement, en le prévenant,

(1) Voyez à la fin du volume la note ire.

par un message, de vos soupçons, que sans doute il partagera; mais cette demi-mesure fut rejetée avec indignation; et, en attendant l'arrivée du gouverneur des Invalides, qui avoit été mandé, les factieux, convaincus, avec raison, qu'il n'y avoit pas plus d'irrégularité à licencier la garde du roi qu'à la suspendre, continuèrent de voter pour le licenciement.

Le gouverneur des Invalides (M. de Sombreuil) parut à la barre, et subit l'interrogatoire le plus détaillé sur la consigne qu'il avoit donnée. Sa déclaration portoit en substance, que les vases sacrés avoient été volés la veille dans la sacristie des Invalides, et qu'on avoit jeté les hosties sur l'autel; que cet évènement lui avoit fait un devoir de redoubler de surveillance, et de prendre des précautions extraordinaires; qu'ayant entendu dire qu'on craignoit des troubles pour la nuit suivante, il avoit dit aux officiers, qu'en cas de mouvement, l'hôtel des Invalides ne pouvant opposer aucune résistance à personne, devoit être un asile pour tous, et qu'on devoit y recevoir indifféremment la garde nationale, la gendarmerie ou la garde du roi; que tels étoient les propres termes de la consigne qu'il avoit donnée de son chef, sans en avoir reçu l'ordre de personne.

Ce fut, sans doute, avec les intentions les plus louables que M. de Sombreuil s'abstint de faire une déclaration plus franche et plus exacte. Il ne

voulut pas dire que signe extraordinaire qu'il avoit donnée, étoit d'assurer un asile à la portion de la garde du roi qui étoit casernée à l'École militaire, et qu'on assuroit devoir être attaquée pendant la nuit, par un attroupement populaire très-nombreux. Il craignoit que cette explication, donnée dans un moment aussi critique, ne rendit la garde du roi encore plus défavorable; mais cette réticence officieuse lui fut bien plus nuisible par les soupçons qu'elle fit naître. M. de Sombreuil ne prit pas garde qu'en n'expliquant pas plus clairement comment la garde du roi, étrangère à la police de Paris, et n'ayant aucun service à faire hors du château, pouvoit être attendue dans la nuit à l'hôtel des Invalides, il laissoit croire qu'elle ne devoit s'y rendre que pour l'exécution de quelque grand complot; et cette conjecture, sur laquelle les orateurs du côté gauche insistèrent avec force, contribua, plus que tout autre motif, à faire rendre le décret de licenciement.

le véritable motif de la con

Pour mieux faire sentir la justice prétendue de ee décret, et l'importance dont il étoit que son exécution n'éprouvât aucun retard, l'ex-capucin Chabot promit effrontément à l'assemblée nationale et à la nation entière, les preuves authentiques de l'existence d'une grande conspiration contre la liberté et la constitution dans le sein même de la capitale. Il lut à cet effet, dans la

séance du 4 juin, un très-long rapport, dans lequel il présenta, comme autant de faits positifs, toutes les calomnies absurdes qui se débitoient sur le projet d'enlèvement du roi, sur celui de dissoudre l'assemblée, sur la fabrication d'armes, les cocardes blanches, les rassemblemens de nobles et de prêtres, etc., etc., etc.; mais les preuves prétendues authentiques qu'il rapporta à l'appui de ces assertions, se réduisoient à des délations faites par des gens inconnus, à des lettres anonymes, ou à des lettres signées, dont les dénonciations étoient fondées sur des conjectures ou sur de simples ouï-dire. Quelques-unes de ces dénonciations inculpant M. de Lafayette et les autres généraux, et tendant à provoquer l'insurrection des soldats contre leurs officiers et celle du peuple, contre une partie des membres de l'assemblée, plusieurs voix s'élevèrent pour demander Chabot fût censuré et envoyé à l'Abbaye. Interrompu à chaque instant par des huées, par des éclats de rire, ou par des injures, il parvint néanmoins à achever son rapport, et l'assemblée renvoya gravement à ses comités les pièces qui v étoient énoncées, à l'exception de celles qui etoient relatives aux officiers, et que le décret déclara dignes du plus profond mépris.

que

Dans ces circonstances, il me parut d'autant plus important d'employer, sans délai, les moyens les plus efficaces pour affoiblir l'influence des

« PreviousContinue »