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» que j'espère parvenir toujours à tromper l'es» pérance coupable des factieux. Je me fie sans » réserve aux citoyens de Paris, à cette garde » nationale qui s'est toujours respectée, et dont » les détachemens employés sur nos frontières » viennent de donner une nouvelle preuve de » leur excellent esprit. Elle sentira que son honneur exige en ce moment qu'elle redouble de » zèle et de vigilance. Entouré d'elle, et fort de » la pureté de mes intentions, je serai toujours » tranquille sur tous les évènemens qui pourront » arriver; et quelque chose que l'on fasse, rien » n'altérera ma sollicitude et mes soins pour le » bien du royaume.

» Signé LOUIS. »

Dans la lettre d'envoi qui accompagnoit la copie de celle que le roi avoit écrite à la municipalité, sa majesté se bornoit à recommander au directoire du département de redoubler de vigilance et de soins pour le maintien de la tranquillité publique dans un moment où la méchanceté des bruits qu'on affectoit de répandre ne pouvoit que faire suspecter de mauvaises intentions.

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Aussitôt après la lecture de ces deux lettres, le directoire en ordonna l'impression et l'affiche, ainsi que nous l'avions prévu. Elles furent publiées le lendemain dans la plupart des journaux, et excitèrent contre Pétion un cri d'indignation presque général. Ses amis épuisèrent en vain pour

- le justifier tous les lieux-communs révolutionnaires sur son zèle, sur son patriotisme, etc., etc.; sa lettre aux citoyens, insérée dans tous les papiers publics, ne produisit pas plus d'effet. Il eut beau dire que la chaîne ascendante et la chaîne descendante établies par la constitution entre les autorités constituées, le dispensoient de prendre les ordres du roi; que le commandant avoit commis une grande indiscrétion en se désaisissant d'une lettre confidentielle qui lui étoit adressée, que l'officier qui l'avoit remise au roi 'avoit eu manifestement de mauvaises intentions. L'opinion qui prévalut, fat que la conduite de Pétion étoit celle d'un scélérat, ou celle d'un sot, et celle qu'il a tenue dans plusieurs autres circonstances a suffisamment prouvé qu'il - étoit l'un et l'autre.

Le parti prudent et énergique que prit le roi dans cette occasion ne fit échouer qu'à son égard - les dernières manoeuvres des jacobins'; car elles eurent le succès le plus complet relativement au décret qu'ils avoient proposé contre les prêtrès non-assermentés, et ils se flattèrent que son exé>cution auroit bientôt purge la France de cette classe nombreuse de prêtres fidèles, aussi inébranlables dans leur attachement à la royauté, que dans leurs principes religieux, et par conséquent ennemis irréconciliables de la faction qui vouloit renverser et le trône et l'autel.

Peu de jours après, une imprudence de l'inten ́dant de la liste civile fit perdre au roi tout le fruit de l'avantage qu'il venoit de remporter sur les jacobins, et rendit sa situation plus critique que jamais. Un libelle affreux contre la reine (1) venoit d'être publié à Londres, en deux volumes, et un libraire de Paris en avoit reçu un grand nombre d'exemplaires. M. de Laporte en fut informé assez à temps pour faire acheter la totalité de l'édition, avant qu'il n'en eût été vendu un seul exemplaire. Les trente ballots dont elle étoit composée ne furent malheureusement pas transportés dans son hôtel, où il eût été trèsfacile de les détruire plus secrètement que par-tout ailleurs. Ils furent envoyés dans deux charrettes à la manufacture de Porcelaine de Sèvres, pour y être brûlés, et M. de Laporte s'y rendit luimême, pour s'assurer de la fidélité avec laquelle cet ordre seroit exécuté. L'appareil mystérieux et les précautions qui accompagnèrent cette opération, alarmèrent si vivement le patriotisme des officiers municipaux de Saint-Cloud, qu'ils s'empressèrent d'en rendre compte à l'assemblée, par une adresse où les principales circonstances de ce fait étoient rapportées avec la plus grande inexactitude (2).

(1) Les Mémoires de madame de Lamothe.

(2) Le nombre des ballots qui étoit de trente, étoit porté

Cette adresse donna lieu ou plutôt servit de prétexte à des conjectures alarmantes que les factieux les plus effrontes de l'assemblée appuyè rent à l'envi par leurs déclamations et par leurs impostures.

Merlin soutint que si on ne donnoit pas l'assemblée les éclaircissemens les plus satisfesans sur ce fait, elle seroit autorisée à croire que les papiers qu'on avoit brûlés étoient les archives du comité autrichien. Il demanda en conséquence que le ministre de la justice fût chargé de faire informer sur les faits dénoncés... Chabot, moins difficile, trouvoit ces faits suffisamment constatés, et vouloit que sans autre information, l'adresse de la municipalité de St.Cloud fût ajoutée aux dénonciations particulières et aux pièces probantes qu'il prétendoit avoir entre ses mains, au nombre de cent quatre-vingtdeux. Il annonça qu'on y appercevoit toutes les traces du complot formé de dissoudre l'assemblée nationale, et déplora qu'en différant le rapport auquel ces pièces étoient relatives, on eût laissé à M. de Montmorin le temps de partir pour l'Angleterre. Il cita impudemment, à l'appui de cette assertion, un prétendu procès-verbal

dans cette adresse à cinquante-deux, et on y avançoit aussi faussement, pour rendre leur brûlement plus suspect, qu'un prêtre y avoit présidė,

de la municipalité de Boulogne-sur-Mer ( 1 ). L'assemblée se détermina néanmoins à mander sur-le-champ M. de Laporte à la barre, pour être interrogé. Il rendit avec autant d'exactitude que de simplicité, un compte très-détaillé des faits, tels que je les ai rapportés, et son récit fut confirmé en tout point par les dépositions du libraire, du directeur et des ouvriers de la manufacture de Sèvres, qui furent mandés et entendus après lui.

Cette affaire se seroit terminée là, si l'agitation violente, et les soupçons qu'elle avoit excités, n'eussent pas été entretenus par une dénonciation évidemment calomnieuse contre la garde du roi, mais qui n'en eut pas moins les suites les plus funestes. Bazire demanda à être entendu dans la séance du lendemain, pour prouver la nécessité indispensable, selon lui, de dissoudre la garde du Roi, et de l'organiser constitutionnellement, attendu que parmi ceux qui la composoient, il n'y en avoit pas un cinquième qui fût constitutionnellement eligible; qu'on y voyoit des prêtres réfractaires, des hommes revenus de Coblentz et leurs domestiqués. « Je dénoncerai, ajouta-il, » l'esprit contre-révolutionnaire qu'on cherche à

(1) M. de Montmorin, qui n'avoit pas quitté Paris depuis quelques mois, adressa, le même jour, une lettre à l'assemblée, pour réclamer contre l'assertion de Chabot.

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