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ligue qui menace également la paix, la liberté, le bonheur de l'Europe; et de détourner sur-tout de toute accession à ce projet, ceux de ses alliés qu'on pourroit vouloir y entrainer, ou que même on seroit parvenu à y entrainer déjà par la crainte, la séduction, et les divers prétextes de la plus fausse comme de la plus odieuse politique.

Signé le ministre plénipotentiaire de France,
CHAUVEL IN.

Copie de la note adressée par lord Grenville à M. Chauvelin, en réponse à la sienne du 18 juin 1792.

A Whitheall, le 8 juillet 1793.

Le soussigné secrétaire d'état du roi a eu l'honneur de mettre sous les yeux de sa majesté, la note que M. Chauvelin lui a adressée le 18 juin.

Le roi reçoit toujours avec la même sensibilité de la part de sa majesté très-chrétienne, les assurances de son amitié et de ses dispositions pour le maintien de cette heureuse harmonie qui subsiste entre les deux empires, Sa majesté ne refusera jamais de concourir à la conservation ou au rétablissement de la paix en Europe, par des moyens propres à produire cet effet, et compatibles avec sa dignité et avec les principes qui dirigent sa conduite. Mais les sentimens qui l'ont déterminée à ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures de la France, doivent également la porter à respecter les droits et l'indépendance des autres sour verains, et sur-tout ceux de ses alliés, et sa majesté a cru que dans les circonstances actuelles de la guerre déjà coinmencée, l'intervention de ses conseils ou de ses bons offices, ne pourroit être utile, à moins que d'être desirée par toutes les parties.

Il ne reste donc au soussigné que de réitérer à M. Chauvelin l'assurance des voeux que sa majesté forme pour le retour de la tranquillité, de l'intérêt qu'elle prendra toujours au bonheur de sa majesté très-chrétienne, et du prix qu'elle attache à son amitié et à la confiance qu'elle lui a témoignée.

Signé GRENVILLE.

No. XII.

Lettre de Dumouriez à l'assemblée nationale.

Monsieur le président, comme j'ignore s'il existe un ministre de la guerre; comme de deux généraux d'armée, l'un est en route pour la Moselle, ou à Paris ; l'autre est presque sur la même route; comme me trouvant commandant par interim, je crois devoir vous rendre compte, ainsi qu'au pouvoir exécutif, de faits qu'on peut ou grossir ou diminuer; comme on a l'air de regarder les frontières des PaysBas comme indifférentes, parce que du systême offensif on est tombé dans un systême défensif absolu, sous le prétexte que toutes les forces de nos ennemis sont passées sur les frontières du Rhin, de la Meuse et de la Moselle; comme enfin, il se trouve qu'avec deux armées redoublées, et se croisant à une vingtaine de lieues d'ici, il ne se trouve pas même sur les frontières de quoi exercer une défensive honorable, je crois devoir rendre à l'assemblée nationale le même compte que j'envoie à M. Lafayette, qu'on m'a annoncé comme général en chef depuis la mer jusqu'à la Meuse. Le 12, M. le maréchal Luckner in'a laissé cominandant une division de son armée, composée de six bataillons de gardes nationales, de deux escadrons de cava

lerie et d'un régiment de chasseurs à cheval, avec laquelle je dois partir le 20 pour me rendre à Metz. Il m'a laissé en même-temps le commandement de toutes les troupes de l'armée du Nord, jusqu'à l'arrivée de M. Arthur-Dillon, lieutenant-général, qui doit cominander l'armée du Nord sous les ordres de M. Lafayette. Sous ce double rapport, je me trouve dans deux positions très-différentes. Comme lieutenant-général de l'arinée du maréchal Luckner, je ne dois m'occuper que de mes six bataillons et de mon prochain départ. Comine commandant de l'armée du Nord, quoique pour un interim très-court, je dois veiller sur la tranquillité du pays.

A mon arrivée dans cette armée, M. le maréchal Luckner in'a donné le commandement de son aile gauche, et par conséquent du camp de Maulde, et de tous les postes intermédiaires entre Lille et le camp de Famars. J'ai représenté plusieurs fois, et dernièrement aux deux généraux réunis, que cette gauche étoit trop foible, que le poste d'Orchies ne pouvoit pas tenir contre un coup de main; que SaintAmand étoit dans le même cas; que le camp de Maulde étoit très-bien choisi pour un corps de sept å huit mille hommes, mais qu'il étoit très-imprudent de l'occuper avec deux ou trois mille. Cela pouvoit être supportable tant qu'on occupoit le camp de Famars avec quinze mille hommes; mais on devoit s'attendre que, dės que ce camp seroit levé, réduit à trois mille hommes, insuffisans pour soutenir même cette position, éloignée de quatre lieues du camp de Maulde, l'un de ces deux camps, peut-être tous les deux, seroient attaqués et repliés, de même que les foibles postes d'Orchies et de Saint-Amand.

Ce que j'avois prévu et prédit est arrivé. Le maréchal étant parti le 12, le 14, jour de la fédération, les Autricliens ont fait une petite insulte en avant du camp de

Famars, pour attirer mon attention sur ce foible camp, mais en même-temps ils ont porté leurs principales forces, sur Orchies.

J'avois visité cette petite ville trois jours avant d'être appelé à Valenciennes; j'y avois mené un ingénieur, et j'avois donné des ordres pour la mettre à l'abri de l'insulte. Sa garnison étoit composée d'un détachement de soixante hommes du régiment ci-devant Beaujolais, commandée par M. Desinaretz; d'un bataillon de la Somme, de cinq cents hommes; de trente dragons, et de deux pièces de canon. Cette ville est assez grande; elle a des murs crénelės, un double fossé, et de longs faubourgs. Comme on n'avoit pas eu le temps de la mettre en état de défense, les Autrichiens, au nombre de six mille hommes, avec plusieurs ♦ pièces de canon et des obusiers, se sont avancés à la faveur des bleds, et l'ont attaquée brusquement à deux heures du matin. Nos braves soldats ont soutenu une attaque de deux heures à trois postes différens, avec un courage et un sangfroid admirables. Ils se sont battus de rue en rue, et ont fait une retraite très-honorable sur Saint-Amand, n'ayant perdu que huit hommes, dont quatre volontaires de la Soinme, et quatre citoyens massacrés dans leurs maisons; ils ont été forcés d'abandonner une pièce de canon. Les Autrichiens ont laissé vingt-un morts, et ont emmené onze charriots de blessés..

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A sept heures du matin les ennemis ont évacué Orchies, que le général Marassé, commandant à Douai, a fait occuper par quatre cents hommes de sa garnison. Lè matin, neuf heures, j'en ai eu l'avis à Valenciennes : j'ai regardé ce succès des Autrichiens comme l'avant - coureur d'une attaque du camp de Maulde. Il s'agissoit de rétablir la communication de Lille et Douai avec Valenciennes, de reprendre Orchies, de soutenir Saint-Amand et Mar

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chiennes, et sur-tout d'empêcher l'enlèvement du camp de Maulde, que j'apprenois, par des avis que je garde, devoir être attaqué par la gauche, et en même-temps par derrière, les ennemis se préparant à passer l'Escaut entre Condé et Maulde. J'ai sur-le-champ quitté le camp de Famars avec ma division; j'ai marché à Saint-Amand, d'où j'ai renvoyé à Orchies la garnison qui l'a si vaillamment défendue ; j'ai rétabli toutes les communications; j'ai renforcé le camp de Maulde, et j'ai placé des postes le long de l'Escaut, entre Maulde et Condé. Si je dois être attaqué, ce sera principalement dans cette partie et sur Saint-Aınand. En réunissant mes deux camps, j'ai à-peu-près sept mille homines très-bien postés, et bien disposés à se défendre mais j'ai devant moi douze à quinze mille hommes, qui, sachant les marches et contre-marches de nos armées, bien persuadés que ma petite armée est la seule ressource de ce pays-ci, peuvent tenter de m'attaquer. Les troupes sont pleines d'ardeur et de confiance, et je réponds qu'elles se battront avec le courage d'hommes libres. J'ai mandé un premier courrier ina position à M. Lafayette, pour l'engager à presser l'arrivée de la division qui doit me remplacer. Je vais faire venir les braves Belges, et trois bataillons de volontaires que je tire des garnisons de Gravelines, Aire et Béthune, qui sont en arrière et sans danger; je porterai ce camp à-peu-près à dix mille hommes pour avoir une défensive active, et qui pourra devenir offensive, les circonstances ou les opinions changeant.

par

La bravoure et la constance du général Beurnonville sont d'autant plus louables, qu'en partant, l'état-major de M. Luckner a absolument négligé de lui donner aucun avis, ni les premiers besoins; moi-même j'ai été laissé sans instructions, sans commissaires des guerres, sans argent. Je trouvai tout par la confiance du pays et de l'armée. Il est

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