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voir qu'il ne donneroit aucune suite aux engagemens inconsidérés pris par le roi ; cependant il ne pouvoit brusquer ce changement, et pour se dispenser de suivre les clauses d'un traité récent, il a été obligé de cominencer par garder de grands mėnagemens. Voilà pourquoi cette cour pas encore repris ses communications avec nous; mais les égards qu'elle témoigne à notre chargé d'affaires à Stockolm, la perinission donnée à nos navires, d'arborer dans les ports le pavillon national, la disgrace des trois ministres qui nous étoient les plus opposés, la lenteur de ses armemens de terre et de mer, 'tout nous annonce qu'elle gardera une stricte neutralité.

Depuis long-temps le Danemarck n'a d'autre politique que de rester spectateur immobile des querelles qui agitent l'Europe: cette modération assure sa paix et sa prospérité. Le ministère danois est trop éclairé pour changer aujourd'hui de systême; nous pouvons donc être sûrs de sa neutralité, puisque la justice, son intérêt et son expérience la lui commandent également.

La cour de Sardaigne montre des intentions évidemment hostiles. L'accueil qu'elle fait aux émigrés, l'intérêt qu'elle prend au sort des princes, l'éclat qu'elle a fait en dernier lieu au sujet d'un ministre patriote, ses préparatifs de campagne, enfin l'arrivée prochaine d'un corps de dix mille Autrichiens qui doivent se rendre après la moisson à Tortonne, son acquiescement au concert des princes, tout annonce qu'il est instant de se mettre en garde contre cette puissance.

Lorsque l'on connoît les dispositions de la Sardaigne, il est inutile de parler de celles de la cour de Madrid; elle a, comme ses voisines, rompu les négociations avec la France, favorisé les émigrés; aujourd'hui elle développe toutes ses forces.

L'influence qu'a perdue le pape dans la France, la destruction du clergé, la prise de possession d'Avignon par la France, et plus encore la cessation du paiement des annates, nous ont fait de la cour de Rome une ennemie irréconciliable. Le pape a fait les plus vives réclamations contre la réunion d'Avignon; il s'est adressé à toutes les cours, même à la Russie, pour les faire appuyer. Il n'a voulu recevoir aucun agent français, sous quelque titre diplomatique que ce fùr. Ainsi, nous pouvons nous considérer comme dans un état de rupture déclarée avec le pape, qui attend vraisemblablement que l'attaque méditée ait lieu, pour joindre aux armemens concertés des rois, les foudres qu'il tient en réserve dans le Vatican.

La république de Venise a fait déclarer aux cours de Vienne et de Turin, qu'elle persistoit dans ses anciens principes de neutralité. Cependant, quoiqu'elle ait fait la paix avec la régence de Tunis, elle n'a pas encore désarmé ; au contraire, elle paroit vouloir feriner le golfe Adriatique aux vaisseaux français. Alors elle protégeroit évidemment l'Autriche, puisqu'elle mettroit en sûreté les ports de Fiume et de Trieste, situés dans ce golfe.

Gênes, Florence et Neufchâtel conserveront la neutralité.

L'Espagne a páru s'éloigner de nous sous le ministère de M. Florida-Blanca ; c'est lui qui avoit provoqué la fameuse cédule contre les Français, et les mauvais traitemens de tout genre qu'on leur fesoit subir, même aux négocians. Mais depuis sa retraite et l'avènement de M. d'Aranda, ces persécutions se sont ralenties; le ministre de France a fait entendre ses justes réclamations; elles ont été accueillies en plus grande partie, ét il est permis de croire que les lenteurs et les réponses évasives de cette cour viennent d'une autre cause; en effet, la conduite vague qu'elle avoit tenue

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jusqu'ici, paroissoit s'approcher de la neutralité, plutôt que d'un système de rupture. Il n'est pas probable que nous en obtenions les secours stipulés par le traité, secours que nous lui avions offerts au milieu des embarras d'une révolution; mais ce n'est pas peu de chose que d'être parvenu à renouer le fil des négociations.

Les rapports politiques entre la France et le Portugal sont depuis long-temps pea importans. Notre ainbassadeur a été autorisé par le gouvernement, à déclarer qu'il desiroit avec ardeur, le bonheur et la tranquillité de la France.

La Suisse est partagée d'opinions; le dernier conseil tenu à Fraun-Feld, prouve que les malveillans ne l'empor teront pas. Nous pouvons sur-tout compter sur les cantons de Bâle, Zurich, Lucerne, la république du Valais et une partie des Ligues-Grises. Genêve, toujours d'intelligence avec Berne et Turin, peut, malgré ses protestations, nous donner de l'inquiétude. Sous les prétextes les plus frivoles, elle a introduit sur son territoire les troupes sardes; elle rétablit ses casernes et ses murs; trois mille homines de troupes sardes sont déjà postés à Carouge et quelques autres villages à une très-petite distance de la ville. Ces mesures sont d'autant moins à dédaigner, que depuis cette ville jusqu'à Lyon le pays est ouvert. Il est donc important de veiller à ce que les Genevois n'ouvrent pas leur ville à nos ennemis; et nos agens ont déjà fait à cet égard les remontrances les plus énergiques.

De toutes les puissances, l'Angleterre est celle dont l'amitié convient le plus aux Français régénérés et libres. L'alliance qui les uniroit assureroit à jamais leur prospérité et leur élévation, et toutes les puissances se ligueroient en Vain contre elles. Depuis la révolution, les deux peuples, en s'estimant davantage, paroissent se rapprocher ; mais

par la note qui en donne l'assurance, il ne paroit pas que le ministère soit jusqu'ici disposé à renouveler up traité; il inet encore dans ses communications la plus grande ré, serve. Ce qui doit nous avertir d'avoir l'attention la plus scrupuleuse à ne lui donner aucun ombrage, à lui rendre une justice prompte dans les affaires particulières, à mettre une grande rigueur dans l'exécution du traité de commerce, et à lui faire la manifestation franche de notre vœu pour une alliance.

Jusqu'ici la neutralité a été le système suivi par les étatsgénéraux des Provinces-Unies; mais les renforts de troupes autrichiennes et prussiennes dans les Pays-Bas, donnant å la garantie de ces provinces une nouvelle force, il est à craindre que cette neutralité ne devienne illusoire, et que la Hollande ne fournisse des secours secrets à nos ennemis, soit en leur donnant les régimens, allemands qui sont à son service, soit en leur fournissant des arines et des munitions de guerre, soit en en empêchant l'exportation pour la France, comme cela a déjà eu lieu. Il ne s'agit que de conserver, à l'égard de cette puissance, la mesure de justice et d'énergie qui convient à une grande nation.

Il est des puissances qui sont à l'abri de toute influence contraire à notre révolution: telle est l'Amérique. Une identité de situation, une conformité de principes, le inéine amour de la liberté feront toujours de ces nations deux peuples d'amnis et de frères. Malheureusement les distances et les bornes de la population ne permettent pas d'es pérer, ni même de demander aucune assistance militaire; mais elle nous rend un service non moins précieux, et en nous donnant des secours dont nous avons besoin pour les colonies, elle acquitte suffisainment la dette de la recons Boissance et de la fraternité.

La Pologne, exposée aux mêmes dangers que la France,

déploie la même énergie. Ces dangers, en la rapprochant de la France, pourroient servir de base à une alliance sincère et durable; mais les distances semblent s'y opposer. Il faudroit, pour en profiter, un intermédiaire qui fût favorable à l'une et à l'autre puissance, et à l'aide duquel elles pussent entretenir des communications. Cet intermédiaire, allié fidèle de la Pologne et de la France, sera le Turc. Il est vrai qu'on a eu l'impolitique de laisser refroidir et sa haine contre les deux puissances impériales, et son amitié envers la France; mais il sera facile de les ranimer, car jamais le Turc n'oubliera les sacrifices qu'il a faits pendant la dernière guerre.

Telle est donc, en un mot, notre situation politique. Nous avons beaucoup d'ennemis, peu d'alliés sûrs, trèspeu d'amis; mais la réunion qui s'est opérée peut produire cet heureux effet, d'augmenter nos forces, et de nous donner les moyens de résister à la ligue des puis

sances.

No. IX.

Adresse de l'assemblée nationale à l'armée française.

Braves guerriers, l'assemblée nationale vient de proclamer le danger de la patrie; c'est proclamer la force de l'empire, c'est annoncer que bientôt la jeunesse française se portera sous les drapeaux de la liberté: vous l'instruirez à vaincre ; vous lui montrerez le chemin de la gloire. Au signal du danger de la patrie, vous sentez redoubler votre ardeur. Guerriers, que la discipline en dirige les mouvemens; elle seule garantit la victoire. Ayez ce courage calme et froid que doit vous donner le sentiment de vos forces.

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