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moire sur l'emploi qui devoit être fait de cet argent dont une grande partie devoit être envoyée à Paris, pour. récompenser, ou acheter les services de plusieurs mem-. bres de l'assemblée nationale et du club des jacobins,. pour payer des avocats, des écrivains, des pamphlets, des journalistes, des frais d'impression, d'affiches, etc. 3°. que la troisième liasse contenoit un grand nombre de lettres originales adressées à Raymond par ses cor-. respondans à Saint-Domingue, et les minutes de ses réponses; une de ces lettres lui annonçoit l'envoi de près d'un million, en attendant mieux; et on voyoit par une de ses réponses, que Brissot avoit reçu pour gratification ou remboursement d'avances par lui faites, environ 300,000 liv., Condorcet 150,000 liv., l'abbé Grégoire 80,000 liv., Pétion 60,000 liv.; qu'on n'avoit pu, rien faire accepter à Robespierre, qu'il n'en servoit pas, la cause avec moins de zèle, etc. etc. etc.

La demoiselle n'avoit pas eu le temps d'en lire davantage; mais c'étoit plus qu'il n'en falloit pour augmenter mon desir d'avoir ces pièces entre mes mains. Je demandai au chevalier de Langle, s'il croyoit qu'il fût possible de me procurer pour huit jours la communication de ces pièces, en les demandant pour quelqu'un qui écrivoit l'histoire des troubles de Saint-Domingue; il me rẻpondit qu'il croyoit qu'il ne seroit pas très-difficile d'y engager la demoiselle, en lui donnant ou en lui prêtant une somme de cent louis dont elle avoit le besoin le plus pressant dans ce moment-là, pour payer ses dettes. Je craignis que l'offre d'un don de cent louis ne donnât å la demoiselle, des soupçons nuisibles au succès de cette négociation; je chargeai en conséquence le chevalier de Langle de lui offrir, à titre de prêt, une somme de mille écus, que je lui remettrois à elle-même en retirant ces

pièces, aussitôt qu'elle me feroit avertir par lui, qu'elle étoit disposée à me les remettre. Elle accepta avec em pressement ma proposition, et me fit dire qu'elle espéroit terminer cette affaire avant la fin de la semaine. J'avois promis aussi mille livres de gratification au chevalier de Langle, s'il réussissoit dans sa négociation, et il en avoit déjà touché une partie. Malheureusement Raymond partit deux jours après pour Auteuil, avec le projet d'y passer l'été, et sans que sa maîtresse eût trouvé l'occasion de s'introduire dans son cabinet. Elle se flattoit de l'en faire revenir d'un jour à l'autre, et de remplir les conditions de notre marché. Le chevalier de Langle à qui j'avois achevé de payer la gratification que je lui avois promise, m'entretenoit aussi dans les mêmes espérances, mais la catastrophe du 10 août arriva sans qu'elles eussent été réalisées.

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No. Ier.

Correspondance de MM. de Montmorin et de Bertrand, ministres d'état, sur le comité autrichien.

Lettre de M. de Montmorin à M. de Bertrand.

ON vient de remettre à ma porte, monsieur, il y a deux heures, et sans billet d'envoi, un imprimé ayant pour titre : Dénonciation et plainte rendue par M. Bertrand de Moleville, ministre d'état, contre le sieur Carra. La lecture de cet imprimé m'a fait chercher le n°. du Journal des Débats de la société des amis de la constitution, qui y est cité; j'ai trouvé que mon nom y étoit accolé au vôtre, dans le même article et pour le même objet. Ainsi, l'orateur des jacobins a rendu nos causes absolument communes, et je ne m'en plains pas. On m'avoit déjà dit plusieurs fois que, de temps en temps, il étoit question de moi dans les séances de cette société, ainsi que dans les journaux qui sont à ses ordres; mais je ne m'étois pas même informé à quelle occasion ces messieurs m'honoroient de leur attention. Le mépris et le silence me paroissoient tout ce qu'il y avoit de plus convenable à opposer à de semblables attaques; mais si la plainte que je viens de lire, est véritablement rendue par vous, je m'empresserai de m'y joindre,

et je m'applaudirai que cette circonstance me mette à portée de coopérer avec vous à détruire aux yeux des hommes, même les plus crédules, une fable aussi absurde que celle de ce prétendu comité autrichien, à laquelle il est évident, pour tout homme raisonnable, qu'on ne cherche à donner de la consistance dans ce moment, que pour détourner les yeux du public de nos malheurs, et pour couvrir les fautes de ceux qui nous les ont attirés.

Veuillez donc bien, monsieur, m'éclairer sur ce que je dois croire relativement à l'imprimé dont je viens de vous parler, et recevoir avec amitié les assurances bien sincères de l'inviolable attachement que je vous ai voué depuis long-temps et pour la vie.

Paris, ce 14 mai 1792.

Signé MONTMORIN.

Réponse de M. de Bertrand à M. de Montmorin.

Il est très-vrai, monsieur, que j'ai rendu contre le sieur Carra la plainte dont vous avez reçu un exemplaire imprimé. Le motif qui m'a déterminé à cette démarche vous étant commun avec moi, puisque vous êtes désigné, ainsi que moi, par le sieur Carra, comme membre du prétendu comité autrichien, je crois que le parti que j'ai pris est aussi celui qu'il vous convient de prendre, avec d'autant plus de raison, qu'ayant été bien plus long-temps que moi au conseil, et plus à portée de juger à quel point l'imposture atroce qu'on renouvelle aujourd'hui étoit dépourvue de toute espèce de fondement, votre témoignage doit naturellement être d'un plus grand poids que le mien, pour constater que ce comité désigné, tantôt sous le nom de comité autrichien, tantôt sous celui de comité des Tuileries, n'a jamais existé que dans l'imagination de ces scé

lérats profonds et féroces, qui, trop lâches pour cotti inettre les attentats qu'ils méditent, mettent toute leur espérance dans les insurrections populaires, et inventent tous les jours de nouveaux moyens pour les provoquer. On renouvelle aujourd'hui les dénonciations et les motions contre ce comité chimérique, parce que les coupables auteurs de nos désastres espèrent se soustraire à l'animadversion générale, en imputant à ce comité les funestes effets de leur impèritie ou de leurs machinations. Cette manoeuvre est d'autant plus atroce, que la supposition de ce comité est trop grossièrement absurde pour que le roi puisse s'en expliquer sans blesser sa dignité, et que les factieux argumentent de son silence, comme d'un aveu formel de l'existence de ce prétendu comité. C'est principalement cette considération qui m'a déterminé à dévoiler ce systême d'imposture et d'horreur; autant jusqu'ici le peuple a été facile à tromper, autant il s'indigne aujourd'hui des excès auxquels l'ont porté ceux qui l'égarent. Il ne s'agit donc plus que de démasquer ces monstres; et lorsque l'occasion s'en présente, il faut la saisir avec empressement; c'est ce que vient de faire l'assemblée nationale. Aussitôt qu'elle a reconnu que les lâches, qui, les premiers, avoient crié à la trahison dans les malheu reuses affaires de Mons et de Tournai, étoient les véritables traîtres à la patrie, et les seuls auteurs de nos désastres, elle a ordonné qu'ils fussent poursuivis comme tels, et les a dévoués à l'indignation publique. Il est temps aussi d'imprimer enfin le sceau de la calomnie et de la trahison sur le front de ces scélérats qui dénoncent sans cesse ce prétendu comité autrichien, sans citer la moindre preuve de son existence, parce qu'en lui attribuant les malheureux résultats de leurs manoeuvres criminelles, ils se flattent d'échapper à la punition qu'ils n'ont que trop

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