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rapport. Peu de jours après, nous publiâmes séparément, M. de Montmorin et moi, notre réponse à ces deux discours, et nous en démontrâmes si complètement l'imposture et l'absurdité, que depuis ce moment, aucun journalistę ni motionnaire n'osa plus reparler du comité autrichien, dans la crainte d'être discrédité par les risées de ses lecteurs ou de ses auditeurs. Les comités auxquels cette affaire avoit été renvoyée, jugèrent que le parti le plus prudent qu'ils pussént prendre, étoit de la laisser dans l'oubli, et dèslors les poursuites ordonnées de la part du roi à l'accusateur public devinrent sans objet.

Tel fut définitivement le sort de cette fable ridicule dont on s'étoit servi jusqu'alors avec tant d'avantage pour rejeter sur les royalistes, sur la cour et sur la famille royale elle-même, les crimes et les désastres produits par la révolution. Le rôle qu'on a fait jouer à ce comité imaginaire, m'a paru rendre indispensables les détails dans les quels je suis entré à ce sujet.

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CHAPITRE XIX.

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Mission secrète donnée à Mallet-du-Pan. Manoeuvres des jacobins pour préparer la déportation des prêtres non-assermentés. Lettre du roi à la municipalité et au directoire du département. Dénonciation contre la garde constitutionnelle. - Alarmes de l'assemblée; elle se constitue en permanence. Rapport de Pétion sur l'état de la capitale. L'assemblée décrète le licenciement de la garde du roi. Le duc de Brissac est conduit à Orléans. Le roi veut écrire à l'assemblée; les ministres refusent de contre-signer sa lettre. Consigne donnée à l'hôtel des Invalides, dénoncée à l'assemblée. Complots imaginaires dénoncés par Chabot. - J'adresse au roi le plan de Buob, pour neutraliser les tribunes de l'assemblée.

La déroute de Mons et de Tournai avoit signalé l'ouverture de la campagne, et n'avoit encore eu d'autres suites que quelques affaires de postes, dans lesquelles les troupes autrichiennes avoient toujours eu l'avantage. Le maréchal de Rochambeau avoit définitivement abandonné le commandement de son armée, et sa retraite avoit déterminé celle d'une grande partie des anciens officiers. Le nombre de ceux qui émigroient devenoit de jour en jour plus considérable; on vit même des régimens entiers passer du côté de l'ennemi.

« Quelqu'affligeantes que soient ces nouvelles, » disoit, à cette occasion, le ministre Servan, » dans la séance du 14 mai, on doit s'en consoler, » en pensant que ce ne sont que les traîtres qui » ont déserté. C'est peut-être un bonheur auquel » il falloit s'attendre; car rien n'est plus heureux » pour les troupes que de les voir se purger des >> immondices qu'il pourroit y avoir. Loin de nous » décourager, par la perte de ces forces appa»rentes, les amis de la liberté doivent se roidir » contre les obstacles, et prendre un nouveau

courage... Vous prescrirez, sans doute, les » peines qui doivent être infligées, non-seule>ment aux officiers qui sont passés chez l'étran»ger, mais même, j'ose le dire, à ceux qui ont » eu l'infamie de donner leur démission au mo» ment de l'attaque. »

Loin de partager cette sécurité patriotique, le roi voyoit, avec la plus profonde douleur, la France engagée dans une guerre injuste et sanglante, que la désorganisation de ses armées sembloit la mettre dans l'impossibilité de soutenir, et qui exposoit plus que jamais nos provinces. frontières à être envahies. Sa majesté redoutoit, par-dessus tout, la guerre civile, et ne doutoit pas qu'elle n'éclatât à la nouvelle du premier avantage remporté sur les troupes françaises par les corps d'émigrés qui fesoient partie de l'armée autrichienne. Il n'étoit que trop à craindre, en ef

fet, que les jacobins et le peuple en fureur n'exer çassent les plus sanglantes représailles contre les prêtres et les nobles restés en France. Ces inquiétudes, , que le roi me témoigna dans la correspondance journalière que j'avois avec sa majesté, me déterminèrent à lui proposer de charger une personne de confiance de șe rendre auprès de l'empereur et du roi de Prusse, pour tâcher d'en obtenir que leurs majestés n'agissent offensivement qu'à la dernière extrémité, et qu'elles fissent précéder l'entrée de leurs armées dans le royaume d'un manifeste bien rédigé, dans lequel il seroit déclaré « que l'empereur et le roi de Prusse, for »cés de prendre les armes par l'agression injuste » qui leur avoit été faite, n'attribuoient ni au roi, » ni à la nation, mais à la faction criminelle qui » les opprimoit l'un et l'autre, la déclaration de » guerre qui leur avoit été notifiée; qu'en consé» quence, loin de se départir des sentimens d'a» mitié qui les unissoient au roi et à la France, » leurs majestés ne combattroient que pour les » délivrer du joug de la tyrannie la plus atroce » qui eût jamais existé, et pour les aider à réta» blir l'autorité légitime violemment usurpée, » l'ordre et la tranquillité, le tout sans entendre >> s'immiscer en aucune manière dans la forme » du gouvernement, mais pour assurer à la nation » la liberté de choisir celui qui lui conviendroit » le mieux ; que toute idée de conquête étoit bien

» loin de la pensée de leurs majestés ; que les pro» priétés particulières ne seroient pas moins res>pectées que les propriétés nationales; que leurs » majestés prenoient sous leur sauve-garde spé≫ciale tous les citoyens paisibles et fidèles; que » leurs seuls ennemis, comme ceux de la France, » étoient les factieux ét leurs adhérens, et qué » leurs majestés ne vouloient connoître et coin» battre qu'eux, été, etc. s Mallet-du-Pan, dont be roi estimoit les talens et l'honnêteté, fut chargé de cette mission. Il y étoit d'autant plus propré, qu'on ne l'avoit jamais vu au château, qu'il n'avoit aucune liaison avec des personnes attachées à la cour, et qu'en prenant la route de Genève, où on étoit accoutumé à lui voir faire de fréquens voyages, son départ ne pouvoit faire naître aucun soupçon. Comme il eût été trop imprudent de lui donner des lettres de créance, et que cependant il étoit absolument nécessaire de le mettre en état de justifier auprès de l'empereur et du roi dé Prusse qu'il étoit envoyé par le roi, je proposai à sa majesté de l'adresser au baron de Breteuil, et je donnai pour motif à cette proposition, les pou voirs ou les instructions qu'on m'avoit dit que cet ancien ministre avoit reçus de sa majesté. Dans sa réponse à cet article, le roi écrivit à la marge ! « Point du tout, il n'en a plus; vous pouvez adres» şer Mallet-du-Pan, de ma part, au maréchal ❝ de Castries, avec les précautions que vous pro

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