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» quelque prouvées qu'elles puissent être, n'inculpent et » ne peuvent inculper que quelques-uns des individus qui » la composent. Ce décret est formellement contraire aux dispositions de l'acte constitutionnel, qui ont ordonné » et réglé la formation de cette garde, et qui ne vous » ont attribué ni autorité, ni inspection sur elle; ces dispositions ne sont ni moins solemnelles, ni moins » obligatoires que les autres, parce qu'elles ont toutes » été également adoptées et consacrées par le vœu de » le grande majorité de la nation. C'est à ce vœu que » vous avez juré, comme moi, d'être inviolablement » fidéles: d'après cet engagement qui m'est commun avec » vous, il est de mon devoir de vous déclarer que le » licenciement que vous avez ordonné, ne peut pas être » et ne sera point exécuté; il est du vôtre de réparer » votre erreur par la prompte révocation de ce décret. » Si vous pouviez balancer un moment à prendre ce parti, » Vous usurperiez un pouvoir que la constitution ne vous » a point délégué ; vous feriez prévaloir votre volonté sur » celle de la nation, et dès-lors il ne seroit plus possible » de vous considérer comme ses représentans. Si parmi » les officiers et les soldats que la constitution attache » auprès de ma personne, il en est quelques-uns contre lesquels vous ayez des dénonciations graves et appuyées » de preuves, vous êtes sans doute autorisés à les décréter » d'accusation: vous ne l'êtes pas supposer coupables > ceux contre lesquels il n'existe ni dénonciation ni preuves; » hâtez-vous donc de rentrer dans les bornes de vos pou»voirs ; je suis si loin d'y porter la moindre atteinte, que » pour en assurer l'exercice dans ce moment même, et einpêcher qu'aucun coupable ne puisse se soustraire par » la fuite à l'exécution de vos décrets, j'ai fait rassembler » ma garde; je vais la passer en revue et elle restera sous

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» les drapeaux, jusqu'à ce que vous ayez statué définiti »vement sur les dénonciations dont il s'agit.

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J'aurois eu soin de garnir les tribunes d'un nombre considérable de gens affidés qui auroient vivement applaudi le discours du roi, et repoussé toutes les motions contraires

par des huées et par les murmures les plus violens. Des pamphlets et des placards affichés la veille avec profusion, des émissaires intelligens répandus dans les groupes, dans les cafés et dans les faubourgs, auroient préparé les esprits à la démarche du roi, en présentant le décret de licenciement de la garde sous son véritable point de vue, et de la manière la plus propre à irriter le peuple contre l'assemblée.

Il eût été indispensable de faire arriver en même-temps sur les hauteurs de Passy, les trois mille Suisses qui étoient à Courbevoie, pour les passer aussi en revue. Ces Suisses réunis à ceux qui étoient de service au château, et la garde du roi sous le commandement d'un officier aussi habile et aussi courageux que M. d'Hervilly, auroient composé au besoin une force suffisante pour tenir en respect la garde nationale, réprimer ou diriger la populace toujours prête å se ranger du parti qui montre le plus de vigueur, et faire tourner entièrement contre l'assemblée et les jacobins, le mouvement qui auroit eu lieu, selon toutes les apparences, si le roi avoit adopté cette mesure'; l'issue en auroit été d'autant moins à craindre, que les dispositions des officiers et des soldats étoient telles qu'on pouvoit le desirer; leur licenciement les avoit tous si vivement irrités et animés, qu'il n'y en avoit pas un seul qui ne brûlât du desir d'en tirer

Vengeance.

J'eus l'indiscrétion de faire part au roi de toutes ces idées, sans réfléchir qu'elles ne pouvoient qu'augmenter, sans aucune utilité, les regrets qu'il avoit d'avoir sanctionné le décret de licenciement. Ce monarque infortuné étoit déjà

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si à plaindre, qu'il y avoit vraiment de la barbarie à ne pas lui épargner tout ce qui pouvoit aggraver ses peines; sa réponse me fit appercevoir de mon tort, je me le suis bien reproché depuis. « Vous savez bien qu'il n'est pas possible, » m'écrivit sa majesté, de revenir sur ce qui est fait ; j'en ≫ suis assez fâché; que voulez-vous que je fasse, environné » comme je suis, sans avoir personne sur qui je puisse » compter » Cette affreuse vérité ne fut que trop prouvée par les événemens qui suivirent de près le licenciement de la garde, et qui renouvelèrent bien amèrement les regrets qu'avoit le roi, d'avoir si fort précipité la sanction de ce décret; mais par une fatalité qui sembloit attachée à sa destinée, et qui n'étoit jamais plus remarquable que dans les circonstances les plus critiques, les démarches sur lesquelles il auroit dû et pu ne se décider qu'après y avoir mûrement réfléchi, et sur l'avis des personnes les plus dignes de sa confiance, étoient toujours celles sur lesquels il prenoit le plus brusquement son parti; et cette précipitation inutile lui fesoit ordinairement adopter les plus funestes, tandis que sa longue indécision sur les inesures dont le succès dépendoit de la célérité et de l'à-propos, les rendoit presque toujours plus nuisibles qu'utiles.

NOTE 2°.

Sur le général Miaczenski.

Peu de jours après que Dumouriez eut eté nommé ministre de la guerre, un gentilliomine polonais, nommé Miaczenski, maréchal-de-camp au service de France, et alors employé dans l'armée du Nord, me fit demander très-mystérieusement un rendez-vous entre onze heures et minuit,

"par un ancien commis de l'intendance de Paris, nommé Rosambourg. Il me dit que Miaczenski avoit à m'entretenir d'objets de la plus grande importance, et me sollicita très-instamment de le recevoir; j'y consentis. Il étoit près de minuit quand il entra chez moi; il débuta par s'excuser de m'avoir fait attendre, et me dit qu'étant informé trèspositivement que ma maison étoit espionnée, il s'étoit promnené près de trois-quarts d'heure dans ma rue, et ne s'étoit arrêté à ma porte, que quand il avoit été assuré de n'être remarqué par personne. Il me demanda ensuite, avec l'air de la plus grande inquiétude, si mon cabinet ne communiquoit pas à quelque pièce d'où l'on pût entendre ce qui s'y disoit, et après avoir été rassuré sur cet objet, il me dévoila le secret important qu'il avoit à me confier; je me gardai bien de l'interrompre, parce que l'air de faussété et de bassesse que je croyois appercevoir dans sa physionomie, me prévenoit assez fortement contre lui, pour me rendre très-circonspect; je craignois que cet homme ne fût un espion de Dumouriez lui-même, ou un agent du comité des recherches. Il me parla d'abord de sa naissance èt de sa fortune, des motifs qui l'avoient attaché au service, d'une contestation très-grave qu'il avoit eue avec M. de Vergennes, et dans laquelle il avoit fait imprimer un mémoire très-volumineux qu'il laissa sur mon bureau, après m'en avoir lu quelques passages, pour me proùver qu'il n'étoit ni un aventurier, ni un homme suspect. « J'ai

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l'honneur d'être parent de la reine, ajouta-t-il; c'est à » cet avantage que je dois mon avancement dans l'armée; » aussi leurs majestés n'ont-elles pas de serviteur plus fidèle » et plus zélé que moi; c'est uniquement pour leur être » utile que je suis resté en France, que je me suis fait em»ployer dans l'armée, que j'ai circonvenu ce coquin de » Dumouriez, que je suis parvenu à obtenir toute sa con

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» fiance, et à être regardé par lui comme son meilleur

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ami, parce qu'il n'y a pas d'autre moyen de me mettre » à portée de surveiller de près cet intrigant, beaucoup plus dangereux qu'on ne peut le croire, quand on ne >> connoît pas son caractère ambitieux et iminoral. Je passe » tous les matins une ou deux heures tête-à-tête avec lui » dans son cabinet; il est très-bavard; il n'a rien de caché » pour moi; et si vous en étiez curieux, je pourrois vous » tenir très-régulièrement au courant de tous ses projets, » de tous ses plans, de tous ses secrets quelconques. J'ignore, lui répondis-je, à quoi cette connoissance pourroit me servir, et je vous avoue que je n'y mets pas le moindre intérêt ; mais n'allez-vous pas bientôt rejoindre » l'armée ? — Oui, monsieur, et c'est précisément ce dont j'avois à vous entretenir, parce que c'est-là que je puis » rendre au roi des services de la plus grande importance. » Je dois coinınander l'avant-garde; comme je connois le >> pays mieux qu'aucun des officiers-généraux qui y commandent, et qu'ils ont la plus grande confiance en moi, je suis certain qu'ils n'hésiteront pas à faire prendre à » l'armée la position que j'indiquerai: or, j'en connois une » qui paroît la plus avantageuse de toutes, et dans laquelle » je puis néanmoins, sans craindre de me compromettre » le moins du monde, faire telles dispositions, que le général ennemi en étant instruit et venant m'attaquer par le côté que j'indiquerois, notre avant-garde ne pourroit pas éviter d'être taillée en pièces ; et il en résulteroit » une telle déroute dans l'armée, que tout ce qui ne reste»roit pas sur le champ de bataille, seroit nécessaireinent » fait prisonnier. · Vous arrangeriez sans doute vos dispositions, de manière à être du nombre des derniers.» Oh! sûrement, monsieur. Vous n'avez aucune inquiétude sur le succès de cette opération? Pas la

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