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quartiers de la ville, l'acte du corps législatif qui déclaroit la patrie en danger, La lecture en étoit faite par un officier municipal, après un roulement de tambours qui donnoit au peuple le signal du silence. Pendant la marche, la musique n'exécuta que des airs majestueux et sévères adaptés à la circonstance,

On avoit dressé, dans les principales places publiques, de vastes amphithéâtres, terminés par des tentes ornées de banderoles tricolores, de guirlandes de feuilles de chêne et de couronnes civiques. On voyoit aux deux côtés de ces tentes une pique surmontée d'un bonnet rouge. Sur le devant de l'amphithéâtre, une table posée sur deux caisses de tambours servoit de bureau pour recevoir et inscrire les noms des citoyens qui se proposoient pour marcher aux frontières, et auxquels on délivroit sur-le-champ leur certificat d'enrôlement. Tous ceux qui se présentoient étoient admis sans aucune distinction d'âge, de taille, ni de profession. Ces enrôlemens patriotiques continuèrent pendant près d'une semaine. On voyoit chaque soir l'officier municipal, épuisé de chaleur et de fatigue, descendre de l'amphithéâtre, son registre sous le bras, et se rendre à l'hôtel-de-ville, accompagné des enfans de la patrie qui composeient sa récolte du jour, et dont la grotesque phalange se mettoit en marche le lendemain pour la frontière ou pour le camp de

Soissons. Partons pour la gloire, chantoient-ils

sur toute la route. Il en partit ainsi plusieurs milliers (1): à peine en est-il revenu un sur

cent....

.. Quelques-uns de ces misérables citoyens soldats, qu'on avoit vus deux jours auparavant dans les rues recevoir l'aumone ou décroter les souliers des passans, se croyant sans doute assez illustrés par leur enrôlement, pour figurer à la barre de l'assemblée, s'y présentèrent au moment de leur départ, et demandèrent au nom de la patrie qu'ils alloient sauver, la destitution du pouvoir exécutif, ou que du moins aucun ordre n'en émanât directement, qu'il ne fût auparavant communiqué au corps législatif, L'assemblée applau dit à leur zèle, et leur accorda les honneurs de la séance. Elle avoit fait le même accueil, quelques minutes auparavant, auparavant, à une bande de fédérés qui, se disant les organes de la très-grande majorité des citoyens des quatre-vingt-trois départemens, étoient venus répéter cette même demande que quelques-uns de leurs camarades avoient formée quelques jours auparavant. « Délibérez, disoient»ils dans leur insolente harangue, délibérez, » séance tenante, l'unique moyen de remédier à » nos maux; suspendez le pouvoir exécutif. La » constitution vous autorise à le juger. Or, vous

(1) Environ quinze mille.

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> ne pouvez le faire sans avoir le droit de le sus» pendre. Convoquez les assemblées primaires > afin de connoître, d'une manière immédiate et » certaine, le voeu du peuple. Faites nommer » une convention nationale pour prononcer sur » certains articles prétendus constitutionnels. Il » n'y a pas un instant à perdre...... Craignez » d'attirer sur vos têtes une effrayante respon»sabilité. Si vous donniez à la nation une preuve » d'impuissance, il ne lui resteroit qu'une res» source, celle de déployer toute sa force et d'é» craser elle-même ses ennemis. »

Les membres du côté droit avoient beau s'in

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digner et demander la censure de ces pétitions inconstitutionnelles qui se reproduisoient à chaque séance, revêtues d'un grand nombre de signatures, elles étoient toujours applaudies par la majorité de l'assemblée, et renvoyées à la commission des douze, pour être employées au besoin à constater le vœu général de la nation. C'étoit certainement celui de tous les clubs de jacobins et par conséquent celui de tous ces démagogues forcenés qui, excitant par-tout et dirigeant à leur gré tous les mouvemens d'une partie du peuple, ou plutôt de la populace, croyoient, dans leur délire, constituer à eux seuls la nation toute entière, moins les aristocrates qu'ils regardoient comme ses ennemis.

Qu'avoit donc fait le roi, à cette époque, pour

mériter d'être l'objet d'une animosité aussi violente? et quel nouveau reproche avoit-on à lui faire avec fondement? Aucun, non aucun ; et j'affirme ce fait important sans craindre d'être démenti. Je ne ferai point ici le dépouillement fastidieux des motions et des pétitions révoltantes dont retentissoient chaque jour la tribune et la barre de l'assemblée. Je me bornerai à dire qu'on ne peut pas en citer une seule qui contienne un fait vraiment reprochable; elles se réduisent toutes à des declamations indécentes, à des conjectures à des soupçons, à des inculpations vagues, absurdes ou dénuées de toute espèce de preuves. Les plaintes sans cesse renaissantes sur la prétendue négligence du pouvoir exécutif dans le complètement de l'armée, dans l'approvisionnement des garnisons, dans l'armement des volontaires nationaux, etc., etc., étoient toutes étrangères au roi et ne concernoient que les ministres qui en étoient responsables. On peut bien croire que s'il eût existé le moindre indice contr'eux, ils eussent été décrétés d'accusation. Ces déclamations et les reproches tant de fois renouvelés à l'occasion du refus fait par sa majesté de sanctionner les deux décrets relatifs aux prêtres nonassermentés et à la formation d'un camp de vingt mille hommes, étoient évidemment inconstitutionnels et sans objet. En effet, depuis environ six semaines aucune nouvelle dénonciation de trou

bles religieux n'étoit parvenue à l'assemblée; ils avoient tous été prévenus par l'exécution plus exacte des lois existantes, et il étoit généralement reconnu que le camp formé à Soissons, par ordre du roi, étoit beaucoup plus avantageusement situé pour protéger la capitale et pour renforcer nos armées en cas de nécessité, que ne l'auroit été celui que l'assemblée vouloit établir aux environs de Paris. La patrie avoit été déclarée en danger par un décret rendu le 11 juillet, après plusieurs jours de délibération, et proclamé avec la solemnité la plus imposante; mais en supposant que ce danger existât réellement, l'assemblée pouvoit d'autant moins en accuser le roi, que douze jours après avoir rendu ce fameux décret, elle ignoroit encore complètement en quoi consistoient les dangers qu'elle avoit proclamés. Ce fait, très-remarquable, sans doute, est irrévocablement constaté par l'unanimité avec laquelle elle adopta dans la séance du 23 juillet, la motion faite en ces termes par Lasource, l'un des membres les plus ardens du parti de la Gironde.

« Je demande que vous renvoyiez à la com» mission des douze, la question posée en termes » si précis, qu'elle ne puisse pas divaguer dans » son rapport, et voici la rédaction que je vous » propose: Quels sont les dangers de la patrie? "Quelles sont les causes de ces dangers? Les » moyens employés jusqu'à présent sont-ils suf

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