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» à l'égard des colonies. J'accuse M. Montmorin » d'avoir continuellement, pendant tout le temps » de son existence ministérielle, trahi la nation, » sacrifié ses intérêts à ceux de la maison d'Au» triche; favorisé les préparatifs des princes ré» belles; caché à la nation le concert des puis» sances dont elle étoit menacée, et cherché à lui » inspirer la plus dangereuse sécurité.... J'accuse » M. Bertrand d'avoir contribué à augmenter les » désastres de la colonie de St.-Domingue, en se » refusant à l'exécution du décret que l'assem» blée nationale a rendu au mois de décembre » dernier ; je l'accusé d'avoir frauduleusement » caché à l'assemblée des pièces officielles impor » tantes, dans la crainte, sans doute, qu'elles ne » déterminassent la révocation du décret du 24 >>> septembre. >>

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Je ne m'arrêterai pas à réfuter ici ces nouveaux chefs d'accusation, hasardés contre moi sans la moindre preuve; j'observerai seulement qu'ils n'avoient pas le moindre rapport au comité autrichien, que par conséquent il ne pouvoit jamais en résulter le plus léger indice sur son existence. Cette observation s'applique également à toutes les autres impostures alléguées dans ce rapport, qu'une partie de l'assemblée et les tribunes interrompirent plusieurs fois par les cris: au fait!

Ce ne sont là que des mots. vos preuves?

Où sont done

Brissot, voulant sans doute éviter les mêmes interpellations, multiplia et généralisa si fort les idées qu'on devoit attacher aux mots comité autrichien, que tout acte quelconque qui n'étoit pas dans le sens de la révolution, pouvoit être attribué à ce comité. « Qu'entend-on, dit-il, par » comité autrichien? C'est une faction d'enne» mis de la liberté, qui, tantôt au nom du roi » qu'ils trompent, tantôt dirigeant son ministère, » ont constamment trahi le peuple et sacrifié » les intérêts de la nation à ceux d'une famille. » L'asservissement de ce comité à la maison » d'Autriche est son signe principal; et sous ce » rapport, il n'est qu'une branche du parti qui » domine la France. Les intrigues de ce parti » datent du funeste traité de 1756; traité que » nous devons à la perfidie du ministre Kaunitz... » C'est M. de Merci qui dirigeoit le cabinet de » France, lorsque le peuple a renversé la Bas» tille; c'est lui qui le dirige encore à présent. » Voilà ce qu'on a appelé le comité autrichien; » c'est en d'autres termes le conseil clandestin » qui jusqu'ici a favorisé tous les projets des > ennemis extérieurs de la constitution. Voulez> vous connoître les traits caractéristiques de ce >> comité ? les voici :

» 1°. Dévouement absolu à ce qu'on appelle la » prérogative royale;

» 2o. Dévouement absolu aux intérêts de la » maison d'Autriche;

» 30. Point d'alliance avec l'Angleterre ni avec » la Prusse, quels que faciles et quelqu'avanta» geuses qu'elles fussent;

» 4o. Indulgence envers les émigrés rebelles, » sans adhérer cependant à toutes leurs vues; » 5o. Opposition à la guerre contre la maison » d'Autriche, après l'avoir provoquée ;

» 6o. Enfin, projet d'établir les deux chambres. » Si je prouve que tous ces traits s'appliquent » au ministère dont le règne vient d'être détruit; » si je prouve qu'il a constamment trahi les inté» rêts de la révolution, qu'il a tout sacrifié à la » famille royale...., j'aurai prouvé, je crois, » que l'on a eu raison d'accuser cet ancien mi»nistère d'avoir formé, avec quelques députés » de l'assemblée constituante, un comité que » l'on peut appeler autrichien, puisqu'il servoit » si bien la maison d'Autriche. Des conspira» tions de ce genre ne s'écrivent pas; et quoi» qu'on ne puisse douter de leur existence, il est » quelquefois difficile d'en trouver la preuve » matérielle... Cependant je ne m'étendrai pas » plus long-temps dans des généralités, je vais » dénoncer les ministres, leurs correspondances » en main. »

Il est certain qu'après ce préambule, et sur

tout en fesant adopter de pareilles définitions l'orateur prenant au hasard les lettres des ministres, pouvoit hardiment dénoncer les plus sages comme criminelles, et trouver des preuves de l'existence du comité autrichien dans celles qui exprimoient des espérances ou des voeux pour la cessation de l'anarchie, pour la conservation du gouvernement monarchique, et pour qu'on rendit au roi le pouvoir et l'autorité nécessaire pour gouverner. Tels furent, en effet, les délits contre-révolutionnaires que Brissot reprocha à M. de Montmorin, et dont il trouva la preuve dans quelques passages des lettres de ce ministre qu'il eut l'imprudence de lire à l'assemblée, et qui, malgré la perfidie de ses commentaires, discréditèrent entièrement sa dénonciation. La seule de ses assertions qui pût faire soupçonner l'existence d'un comité autrichien, consistoit dans l'influence prétendue dirigeante du comte de Merci sur le ministère de France; mais l'orateur n'appuya cette supposition d'aucune preuve, d'aucun indice quelconque.

Quant à moi, Brissot ne se contenta pas de répéter les calomnies mille fois réfutées, et les injures grossières que le club des jacobins de Brest et son digne organe Cavelier, rapporteur du comité de marine, avoient vomies contre moi; il m'accusa aussi d'avoir voulu donner au roi seul la suprématie des colonies au préjudice de la

souverameté de la nation, et d'avoir concerté avec les assemblées coloniales ce coupable projet, auquel se lioient les troubles de St.- Domingue, qui, selon lui, n'étoient rien moins qu'étrangers aux vues du comité autrichien. Enfin, il me reprocha mes adieux au ministère (1), qui sembloient annoncer, dit-il, de grandes espérances à la contre-révolution. Il conclut, comme Gensonné, à ce que M. de Montmorin fût décrété d'accusation, et à ce que l'assemblée se fit rendre compte de ma conduite.

Ces déclamations calomnieuses, dénuées de tout fondement raisonnable, loin de remplir l'engagement solemnellement pris de constater irrévocablement l'existence du comité autrichien, manifestoient évidemment, au contraire, l'impossibilité absolue de donner la moindre consistance à ce fantôme. Aussi le discours de Brissot n'eut-il pas plus de succès que celui de son collègue. Néanmoins, le parti jacobin parvint, après quelques débats, à faire décréter que l'un et l'autre seroient imprimés et distribués trois jours avant la discussion,, ainsi que les pièces certifiées véritables qui y étoient citées, et que le tout seroit renvoyé aux comités réunis des douze, de surveillance et diplomatique, pour en faire leur

(1) Ce fut ainsi qu'il désigna mon compte rendu à

l'assemblée.

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