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surde, mais inconstitutionnel, l'assemblée décida qu'elle ne pouvoit prononcer qu'après le roi, sur l'arrêté du département de Paris, et passa, d'une voix unanime, à l'ordre du jour. Voici sous quel rapport ce motif étoit contraire à la constitution.

L'arrêté du département ne se bornoit pas à suspendre provisoirement le maire et le procureur de la commune; il les renvoyoit devant les tribunaux, comme prévenus d'avoir favorisé, par leur désobéissance à la loi, et par leur négligence, les attentats commis contre la personne du roi, dans la journée du 20 juin. Cet arrêté étoit donc un véritable décret d'accusation, sur lequel le roi ne pouvoit statuer sans corroborer l'accusation, ou sans l'annuller, et par conséquent sans exercer en partie les fonctions du pouvoir judiciaire dans sa propre cause; fonctions qui lui étoient interdites dans tous les cas par l'article 1er. du chapitre 5 de la constitution; mais la cabale puissante qui soutenoit Pétion, vouloit le sauver à tout prix, et tous les moyens qui tendoient à ce but lui parurent légitimes; le plus prompt et le plus sûr étoit de faire annuller l'arrêté du département par le conseil, et elle se flatta d'intimider assez les ministres pour qu'aucun d'eux n'osât proposer un autre avis. Les manoeuvres de cette cabale firent bientôt oublier la vive impression qu'avoit faite la motion de l'abbé Lamourette et les sermens d'union et de fraternité qui l'avoient

suivie. Des députations de presque toutes les sections de la capitale vinrent lire à la barre de l'assemblée, des pétitions séditieuses, tendantes à obtenir que le vertueux Pétion et le procureur de la commune fussent promptement et honorablement réintégrés dans leurs fonctions.

Brissot, qui lors du serment d'union et de paix, prêté par l'assemblée, dans la séance du 7, avoit demandé le temps d'effacer de son discours tout ce qui pouvoit rappeler des divisions que ce serment venoit d'éteindre, n'en supprima que les personnalités qui pouvoient blesser ses collègues; mais ce conspirateur déhonté ne retrancha rien des déclamations violentes, ni des inculpations atroces qu'il s'étoit permises contre le roi, contré les ministres et contre la cour. On peut en juger par les traits suivans:

« La patrie est en danger, dit-il, parce qu'on » a paralysé nos forces; et à qui doit-on cette » funeste léthargie? A un seul homme, que la > nation a fait son chef, et que des courtisans » perfides ont fait son ennemi. Je dis que, frapper » sur la cour des Tuileries, c'est frapper tous les » traîtres d'un seul coup; car cette cour est le » point où tous les fils de conspiration aboutis"sent. La nation est le jouet de ce cabinet; c'est» à-dire, de quelques intrigans qui y dominent. » Voilà où il faut porter des coups vigoureux; » tout demi-moyen décèle un esprit foible. Il faut

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> appliquer des caustiques sur les parties gangré» nées, et ne pas s'occuper gravement d'égrati» gnures aux jambes, lorsque l'abcès est à la > tête......... Il n'est pas douteux qu'il a existé un » plan de conspiration, dont le noyau est à la » cour, et qui embrasse plusieurs administrations » de département, et des chefs de nos armées ; que

tous les dangers intérieurs et extérieurs sont le » fruit de cette conspiration....... Le pouvoir exé» cutif est coupable de la protection accordée » aux émigrés, des lenteurs de la guerre, de » l'abandon du Brabant, du remplacement des » ministres patriotes par des créatures de ces in» trigans, qui s'opposoient à la guerre, de l'inac» tion du général Lafayette, du paralysement du » corps de Luckner, de son silence sur la marche » des Prussiens. Voulez-vous jeter les yeux sur » l'intérieur ? vous y reconnoîtrez les effets de >> cette même conspiration. Au-dehors, on vouloit » la paix ; au-dedans la guerre, parce que l'anar»chie sert les projets du despotisme. Rappelez» vous la protection donnée aux prêtres, les pro» clamations qui avoient pour objet de discrédi» ter l'assemblée, le trait d'audace du juge de » paix Larivière, la conduite de cette garde » contre - révolutionnaire, qui subsiste encore » malgré votre décret, puisqu'on la paie tou» jours............ Voyez la comédie jouée par le mi»nistre de l'intérieur, relativement à l'arrêté

» inconstitutionnel du département de la Somme, » qu'il a fait imprimer aux dépens de la nation, » et qu'il auroit dû casser; et cette proclamation, » non moins inconstitutionnelle, sur les évène» mens du 20 juin: quel en est le motif?...... De » quel droit cette proclamation calomnieuse » contre le peuple de Paris, a-t-elle été publiée et » envoyée par milliers à nos armées ?..... Si le roi » est coupable, il faut le dire avec franchise....... » Toute composition avec le pouvoir exécutif, » seroit un crime. Vous n'avez pas le droit de » remettre la peine, quand un grand délit a été » commis contre la liberté du peuple......... Vous » devez être inflexibles comme la loi. Si la consti»tution offre quelques dispositions vagues ou » douteuses, il est une règle infaillible l'inpour »terpréter constitutionnellement, c'est le salut » public. La constitution dit que si le roi rétracte » son serment, il est censé avoir abdiqué; mais » entend-elle par là une rétractation orale ou » écrite; et un roi qui, sans rétracter son serment, » le violeroit, ne seroit-il pas dans le même cas? » Un roi qui notifieroit par écrit son opposition » à des entreprises inconstitutionnelles faites en » son nom; mais qui ne s'y opposeroit en réalité » que foiblement, ou point du tout, seroit-il dans » le cas de la constitution? Il doit s'y opposer par » un acte royal, spontanée. Le roi a-t-il fait cet » acte formel? Où est-il? Est-ce sa déclaration

» de guerre? Elle n'est pas un acte purement » royal. Est-ce sa dernière proclamation, relative » à un marché fait en son nom par les princes? » Elle n'est pas signée de lui; il ne l'a pas notifiée » lui-même; il l'a seulement fait notifier par son » ministre; et l'on sait que depuis long-temps, » les cours étrangères ne s'en rapportent qu'à ce » qui est écrit et signé par le roi....... Quand j'ai »proposé cette question, ce n'a pas été sans » quelque trouble, et cet examen a été pénible » pour mon cœur; mais il faut bien la décider, » et vous devez charger votre comité de l'exami»ner avec soin; l'insouciance seroit un crime. Le » roi est venu au milieu de vous. Il a juré la réu»nion; cependant je n'ai pas vu qu'il ait encore » sanctionné le décret sur le mode de constater » le danger de la patrie.

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» Je demande donc, au nom du roi, que sa » conduite soit examinée; et, qu'après avoir dé» claré que la patrie est en danger, vous discu << tiez l'article de la constitution, qui veut que, » dans le cas où le roi ne s'opposeroit pas formel» lement aux entreprises formées en son nom » contre la constitution, il sera censé avoir abdi» qué.......... Il faut définir ce que la constitution » entend par ces mots: Acte formel, rétracta»tion du serment. Il faut savoir si c'est une » opposition formelle, ou une simple formalité, » afin qu'il ne soit pas possible, à l'avenir, d'ar

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