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créta le renvoi de cette affaire au comité de législation, pour en faire son rapport incessamment. Malgré ce décret, et sans le révoquer, la discus-sion fut reprise le lendemain, à l'ouverture de la séance, quoique le comité de législation n'eût pas été entendu. Toutes les réclamations contre cette irrégularité, furent étouffées par les clameurs et les huées les plus indécentes.

Au milieu de ce tumulte, le ministre de la justice entra dans l'assemblée, et demanda la parole sur un objet qui avoit rapport à la discussion. « Le roi vient de m'appeler, dit-il, pour m'an» noncer la résolution qu'il a prise de dénoncer » aux tribunaux les calomnies qui se répandent » depuis quelques jours, avec une licence qui » n'a plus de frein, sur l'existence d'un prétendu » comité autrichien. Peut-être sa majesté auroit» elle dédaigné ces rumeurs mensongères, si elles » n'avoient existé que dans ces ces libelles que vous » avez justement voués à la vengeance des lois; » mais comme elles sont parvenues au corps lé»gislatif, elle craint que prenant quelque con >sistance dans le sanctuaire des lois, elles n'ob» tiennent l'effet qu'on en desire, celui de désor»ganiser l'armée et l'état; elle m'a chargé en » conséquence d'informer le corps législatif du » parti qu'elle a pris de dénoncer aux tribunaux » les auteurs de cette calomnie. Elle veut que le » fantôme avec lequel des imposteurs cherchent

» à effrayer le peuple, soit enfin dissipé, qu'au > moyen d'une procédure juridique et légale la › nation soit pleinement convaincue de la loyauté » de ses démarches, de son attachement à la cons»titution, et de sa persévérance dans le serment » qu'elle a fait de la défendre.»

En finissant ce discours, le ministre remit une lettre du roi adressée au président, et conçue en

ces termes :

« J'ai chargé le ministre de la justice de vous » faire part de l'ordre qu'il vient de donner de » ma part à l'accusateur public, au sujet du pré» tendu comité autrichien. Je souhaite que cette » affaire soit parfaitement éclaircie, et j'espère » que l'assemblée nationale prendra le parti de » communiquer au tribunal les renseignemens » que plusieurs de ses membres ont dit avoir sur » cette affaire. Elle sentira aisément l'inconve»nance qu'il y a de recevoir de pareilles dénon»ciations, de n'en laisser percer que ce qui peut > entretenir les soupçons dans le public, et de » m'en laisser ignorer les auteurs. »

Le roi, vivement touché de la situation critique où se trouvoit Larivière, par l'excès d'un zèle trèslouable sans doute, mais trop inconsidéré, s'étoit flatté d'opérer par cette démarche une diversion qui lui seroit avantageuse; mais à peine la lecture de la lettre de sa majesté fut - elle achevée, que plusieurs voix s'élevèrent pour demander qu'il

n'y fût délibéré qu'après que la discussion sur l'affaire du juge de paix seroit terminée, et cette motion obtint la majorité des suffrages. Il seroit aussi long que fastidieux de rendre compte de cette délibération où la constitution ne fut pas moins violée que la justice; car, quand même il eût été démontré que le juge de paix avoit excédé les bornes de ses pouvoirs, l'assemblée n'auroit

pas

été moins incompétente pour y statuer, parce que l'acte constitutionnel (art. 27, chap. 5, tit. 3) en attribuoit exclusivement la connoissance au tribunal de cassation, sur la dénonciation du ministre de la justice. Cette objection, plusieurs fois répétée par quelques députés du parti constitutionnel, ne fut réfutée que par des cris ou par des injures; et après six heures de débats les plus violens, le malheureux Larivière fut décrété d'accusation comme s'étant rendu coupable d'attentat contre la dignité de la représentation nationale, en fesant exécuter un mandat d'amener contre les trois plus vils scélérats qu'il y eût dans l'assemblée. Ceux qui dans ce moment composoient les tribunes, et qui pouvoient à bon droit se considérer comme plus spécialement représentés par Merlin, Bazire et Chabot, approuvèrent ce décret par de grands applaudissemens, et par les cris de. vive l'assemblée nationale (1).

(1) Larivière avoit exactement observé dans cette pro

Cette délibération étant consommée, la discussion auroit dû s'ouvrir sur la lettre du roi, et la motion en fut faite. Les membres du côté gauche n'osèrent pas la combattre, mais ils manoeuvrerent assez adroitement, pour empêcher qu'elle fût mise aux voix. « Je ne m'oppose pas, dit Gen» 'sonné, à la motion qui vient d'être faite; mais » si l'assemblée veut m'entendre, je demande au» paravant la parole pour dénoncer le comité au»' trichien. » Cette demande fut accueillie par les plus vifs applaudissemens, et appuyée par Brissot, qui promit de rapporter dans le plus court délai, sur l'existence de cé comité, des preuves

cedure toutes les formes prescrites par les nouvelles lois mais il y avoit mis une rigueur et un éclat, qui ne pou voient que déplaire à l'assemblée. Il s'étoit si fort exagéré l'importance de cette affaire, qu'il croyoit de très-bonne

que la contre-révolution en seroit la conséquence im-. médiate, s'il parvenoit à démasquer la perfidie des plans et des manoeuvres des jacobins, Quelques propos indiscrets qui lui étoient échappés, n'annonçoient que trop que tel étoit son but ; et ce fut-là le véritable motif de son décret d'accusation. Il fut envoyé à Orléans, et subit le sort des prisonniers de la haute-cour nationale, qu'un détachement des brigands de Paris alla arracher des prisons, pour les conduire à Versailles, où ils furent tous massacrés le 8 septembre 1792, à l'exception de quelques domestiques et d'un officier d'artillerie, nommé Loyauté, qui eut le bonheur de se sauver malgré ses blessures.

assez fortes pour faire retomber sur la tête des coupables les coups qu'on vouloit coups qu'on vouloit porter à l'assemblée nationale.Voici comment cette promesse fut remplie :

Dans la séance du 23 mai, le président annonça avec emphase, que l'ordre du jour appeloit la discussion sur l'engagement pris par MM. Brissot et Gensonné, de dévoiler et de constater l'existence d'un comité autrichien à Paris. Aussitôt une motion d'ordre rappela à l'assemblée l'impassibilité, et la justice qui devoient présider à cette délibération. «La France et l'Europe entière, dit l'ora» teur vont nous reconnoître digne du poste » éminent que nous occupons, par le calme im» posant dans lequel nous saurons écouter et pro» noncer sur les plus grands intérêts de la patrie. » Il invita aussi le président à recommander le silence aux excellens citoyens qui composoient les tribunes, et cette recommandation leur fut faite. Gensonné prit alors la parole, et divisa son rapport en deux parties. Dans la pemière, il s'attacha

à

prouver que l'accusation et la poursuite des délits qui compromettoient la sûreté de l'état, étant exclusivement attribuées, par la constitution, au corps législatif, et leur jugement à la haute-cour nationale, la lettre du roi à l'assemblée, et l'ordre donné à l'accusateur public, près le tribunal criminel de Paris, au sujet du prétendu comité autrichien, étoient tout à-la-fois injurieux au corps

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