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» estoppression, et qu'alors la résistance devient » un devoir, elles ont besoin de déposer leurs » craintes dans le sein du corps législatif; elles » espèrent que les soins des représentans du » peuple vont les en délivrer. Quant à moi, mes» sieurs, qui ne changerai jamais ni de prin»cipes, ni de sentimens, ni de langage, j'ai ✰ pensé que l'assemblée nationale ayant égard à » l'urgence et au danger des circonstances, per» mettroit que je joignisse la nouvelle expression » de mes regrets et de mes voeux, à l'hommage » de mon profond respect. »

Aux premiers mots qui désignoient les jacobins, plusieurs membres du côté gauche interrompirent brusquement le lecteur par les cris à l'ordre du jour! et ce ne fut pas sans peine que l'assemblée parvint à faire continuer la lecture de cette lettre, qu'elle renvoya à la commission des douze.

Un rapport qui venoit d'être fait au nom de cette commission, sur la situation actuelle de la France, étoit dans ce moment l'objet soumis à la discussion de l'assemblée. Le rapporteur, dont la France, au reste, a eu depuis cette époque plusieurs occasions de reconnoître les excellentes intentions, auroit pu présenter un tableau aussi fidèle qu'énergique de toutes les calamités qui désoloient ce malheureux royaume; il en auroit dévoilé les véritables causes, en dénonçant courageusement l'insuffisance des nouvelles lois,

même, les principes séditieux, les manœuvres, l'audace et la puissance des clubs, l'avilissement du pouvoir exécutif dénué de tout moyen d'exécution, etc. etc. etc. Mais il avoit à parler de la tyrannie devant les tyrans, et de l'anarchie devant les perturbateurs; sa voix n'auroit pas été entendue. En dénonçant les crimes de la révolution, il ne crut pas devoir heurter les passions qui enflammoient encore les esprits, et il usa dans son discours de certains ménagemens qu'on pourroit attribuer à une prudence trop timide, si on ne se reportoit pas aux circonstances où il a été prononcé, et si le rapporteur n'avoit pas montré dans plusieurs occasions, qu'il étoit incapable de céder jamais à un sentiment de crainte. Pour donner quelque poids aux reproches qu'il fesoit à la révo lution, il crut devoir en donner à la haute-cour nationale et au pouvoir exécutif lui-même. Il déplora ensuite très - pathétiquement les attentats du 20 juin. « Quelle cause, quelle voix, s'écria-t» il, pourroit les justifier! La liberté de la sanc» tion royale n'est-elle donc plus liée à la cons»titution française? Nous aimons sans doute à » rappeler ces mots du roi: Il n'est point de » danger pour moi au milien du peuple ; mais » loin de nous l'idée de vouloir dissimuler ou af» foiblir des excès que la justice doit poursuivre, » et que la loi doit punir. Déjà vous avez témoi» gné contr'eux cette indignation que la France

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» a partagée; ce sentiment sera celui de l'Europe » entière et de la postérité. » Il est vrai qu'en dé plorant ainsi les attentats du 20 juin, il ne proposa aucun moyen de les réprimer, il se contenta d'observer que le devoir de l'assemblée étoit d'assurer au roi, dans tous les temps, dans toutes les circontances, les égards dus au premier fonctionnaire public, et de ne pas souffrir que des pétitionnaires oubliassent que le roi étoit aussi l'organe du peuple. « C'est encore un de» voir pour nous, ajouta -t-il, de prêter à ses » agens principaux l'appui de notre confiance, » non de cette confiance qui sommeille, mais » de celle qui espère et qui croit à la vertu.... » Loin de nous ce besoin perpétuel de dénon»ciations, systême destructeur de l'organi»sation sociale ! » En parlant des sociétés populaires, il soutint que le corps législatif n'avoit pas le droit d'interdire leur réunion paisible et sans armes ; mais qu'il devoit les resserrer dans des limites qui les empêchassent d'être nuisibles; qu'il ne s'agissoit pas de faire à cet égard de nouvelles lois, mais de faire exécuter celles qui excitoient. « Il est vrai, dit-il, que la » force des lois n'est pas dans elles-mêmes; elle » est dans la soumission et la confiance des peu

ples; mais une nation devenue libre, une na» tion qui choisit elle-même et les mandataires

» et les interprêtes de sa volonté, est plus natu»rellement portée à l'obéissance, puisque c'est » à elle-même qu'elle obéit (1). » Enfin, après avoir annoncé que la commission préparoit et présenteroit incessamment différens rapports sur les nouvelles mesures répressives que les troubles religieux rendoient indispensables, sur les abus de la liberté de la presse, sur l'armée et sur la grande question de savoir si le droit de pétition devoit subsister tout entier pour les généraux, sur les objets qui ne tenoient point au métier des armes, le rapporteur s'écria affectueusement : « Loin de nous cette méfiance qui a si souvent » troublé ou suspendu nos travaux. O mes col»lègues, permettez-moi de le dire, ô mes amis! » puisque nous le sommes tous du peuple et de » la liberté, aimons-nous, unissons-nous, et la » patrie est sauvée......... N'est-ce donc pas assez » des discussions politiques, sans y joindre les » discussions civiles? On nous a souvent dit, la » constitution ou la mort, et moi je vous dis » l'union ou l'esclavage. »

Ce rapport n'attaquant ouvertement aucun

(1)- Tel étoit le langage ordinaire des optimistes de la révolution; mais dans le fait, les lois n'avoient jamais été aussi généralement méconnues, aussi effrontément, aussi impunément violées qu'elles l'étoient alors. Le peuple n'en suivoit d'autre que sa volonté et ses caprices.

VIII.

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parti, et flattant même quelques-unes des opinions de chacun d'eux, fut d'autant plus applaudi, que le rapporteur avoit eu l'adresse de l'assaisonner de quelques phrases patriotiques sur la souveraineté du peuple, sur la liberté, l'égalité, l'attachement à la constitution, etc. etc. L'impression et l'envoi aux départemens en furent ordonnés à une grande majorité, malgré l'opposition de quelques énergumènes du côté gauche, qui trouvoient ce rapport insignifiant. Ils furent bien plus satisfaits des déclamations forcenées dont un de leurs orateurs (Delaunay d'Angers) fit retentir la tribune dans cette discussion. Celui-là n'hésita pas à avancer en principe, « que jusqu'à » la clôture définitive de la révolution, dans les » mesures de surveillance ou de répression à » déterminer contre les conspirateurs, les per»turbateurs et tous les ennemis de la liberté, les » représentans de la nation ne devoient consulter. » que l'imminence du danger public et la loi su» prême du salut de l'état ; que si les autres pou>> voirs sociaux ne pouvoient faire que ce à quoi » ils étoient spécialement autorisés par la loi, il » n'en étoit pas de même du corps législatif, qui » seul avoit le droit de faire tout ce que la loi ne » lui défendoit pas textuellement; que le main» tien de la constitution elle-même exigeoit des » mesures qu'elle n'avoit pas prévues, mais » qu'elle n'avoit pas formellement interdites. >>

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