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exalté toutes les têtes, M. Malouet ait constamment repoussé ces idées si généralement adoptées de nouvelle constitution, de liberté, ou au moins de réformes plus ou moins considérables; peutêtre s'est-il trop exagéré les avantages et la possibilité de donner à la France une constitution plus libre, peut-être des mécontentemens fondés, ou le ton impérieux et tranchant de quelque ministre, lui ont-ils fait accuser trop légèrement le gouvernement du despotisme d'un individu : quoiqu'il en soit, on lui doit la justice que ses intentions ont toujours été pures; qu'il a été un des premiers à prévoir et à annoncer les résultats horribles de la révolution ; que personne n'a défendu avec plus d'intrépidité les droits et les prérogatives du roi, à qui il a donné, jusqu'au dernier moment, des preuves signalées de zèle et de fidélité; enfin qu'il est le seul qui, après l'acceptation de la constitution ait eu le courage périlleux de monter à la tribune de l'assemblée, pour y prononcer la protestation la plus formelle contre

cet acte.

Cependant les factieux étoient parvenus à subjuguer entièrement la majorité de l'assemblée. Ils lui fesoient décréter chaque jour la mention honorable et l'envoi aux départemens, des adresses ou des pétitions les plus violentes et les plus propres à provoquer dans toute la France, l'insurrection et le désordre. Je me bornerai à en citer

un exemple. Le club des jacobins de Brest, informé que le roi avoit réfusé sa sanction au décret concernant le cantonnement d'une armée de vingt mille volontaires aux environs de Paris, avoit adressé le 22 juin, à ses frères et amis, dans les quatre-vingt trois départemens, une lettre circulaire conçue en ces termes: Amis, la patrie est en danger; nous voulons la défendre. Si vous l'aimez comme nous, suivez notre exemple : le rendez-vous est sous les murs de Paris. VOS FRÈRES ET AMIS LES BRESTOIS. Non contens d'avoir ainsi sonné le tocsin de la révolte, ces dignes auxiliaires de la bande des Marseillais se présentèrent en députation à la barre de l'assemblée, pour lui annoncer qu'ils se disposoient à venir partager les travaux de la garde parisienne.

« Nous sommes debout, dirent-ils, et les cent » cinquante lieues qui nous séparent de cette » ville seront bientôt franchies. Si un décret » sanctionné ne nous guide pas, notre civisme »nous guidera. » C'est ainsi que ces amis zélés de la constitution, que ces patriotes ardens qui avoient juré tant de fois la constitution ou la mort, violoient une de ses dispositions les plus essentielles! Et l'assemblée, au lieu de réprimer cette violation, comme son serment l'y obligeoit, en fesoit honorablement mention dans son procèsverbal, et la proclamoit dans les quatre-vingt-treis départemens, comme un exemple à imiter! Quels.

attentats ne devoit-on pas attendre d'un tel excès d'audace!

Une nouvelle importante et inattendue vint faire diversion aux vivés inquiétudes qui nous agitoient. On apprit que l'armée avoit fait éclater l'indignation la plus violente au récit des évènemens du 20 juin ; que plusieurs corps de troupes avoient voulu marcher sur Paris, pour châtier les brigands, et que M. de Lafayette n'étoit parvenu à les en empêcher, qu'en se chargeant de venir lui-même porter le voeu des soldats à l'assemblée. Il arriva en effet dans la matinée du 28 juin; le roi, instruit de l'objet de son voyage, en conçut d'abord les plus grandes espérances; j'en avois une opinion bien différente, et je ne devinois que trop juste, quand j'écrivois à S. M., ce même jour, que M. de Lafayette avec de bonnes intentions fesoit une entreprise fort au-dessus de ses forces, qu'il la commenceroit foiblement, et qu'il étoit incapable de la terminer. Le discours qu'il prononça, et les deux ordres qu'il déposa sur le bureau étoient aussi énergiques que les circonstances l'exigeoient; en voici la teneur:

« Je dois d'abord, messieurs, vous assurer que » d'après les dispositions concertées entre M. le » maréchal Luckner et moi, ma présence ici ne > compromet aucunement ni le succès de nos » armes, ni la sûreté de l'armée que je com» mande.

» Voici maintenant les motifs qui m'amènent. » On a dit que ma lettre du 16, à l'assemblée na» tionale, n'étoit pas de moi; on m'a reproché » de l'avoir écrite au milieu du camp: je devois » peut-être, pour l'avouer, me présenter seul, et » sortir de cet honorable rempart que l'affection » des troupes formoit autour de moi.

I

» Une raison plus puissante m'a forcé, messieurs, à me rendre auprès de vous. Les vio» lences commises le 20 aux Tuileries, ont excité » l'indignation et les alarmes de tous les bons ci>toyens, et particulièrement de l'armée. Dans > celle que je commande, où les officiers, sous> officiers et soldats ne font qu'un, j'ai reçu des » différens corps des adresses pleines de leur » amour pour la constitution, de leur respect » pour les autorités qu'elle a établies, et de leur » patriotique haine contre les factieux de tous les » partis. J'ai cru devoir arrêter sur-le-champ les » adresses, par l'ordre que je dépose sur le bu» reau; vous y verrez que j'ai pris, avec mes » braves compagnons d'armes, l'engagement » d'exprimer seul nos sentimens communs; et le » second ordre que je joins également ici, les a » confirmés dans cette juste attente. En arrêtant » l'expression de leur vou, je ne puis qu'approu » ver les motifs qui les animent. Plusieurs d'en» tr'eux se demandent si c'est vraiment la cause de » la liberté et de la constitution qu'ils défendent.

» Messieurs, c'est comme citoyen que j'ai l'hon» neur de vous parler; mais l'opinion qué j'ex» prime est celle de tous les Français qui aiment » leur pays, sa liberté, son repos, les lois qu'il » s'est données, et je ne crains pas d'être désa» voué par aucun d'eux. Il est temps de garantir » la constitution des atteintes qu'on s'efforce de » lui porter, d'assurer la liberté de l'assemblée » nationale, celle du roi, son indépendance, sa » dignité; il est temps enfin de tromper les espé»rances des mauvais citoyens, qui n'attendent » que des étrangers le rétablissement de ce qu'ils » appellent la tranquillité publique, et qui ne » seroit, pour des hommes libres, qu'un honteux » et intolérable esclavage.

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» 1o. D'ordonner que les instigateurs et lés » chefs des violences commises, le 20 juin, aux » Tuileries, soient poursuivis et punis commé » criminels de lèse-nation."

» 2o. De détruire une secte qui envahit la » souveraineté nationale, tyrannise les citoyens, » et dont les débats publics ne laissent aucun » doute sur l'atrocité de ceux qui la dirigent.

» 3o. J'ose enfin vous supplier, en mon nom et » au nom de tous les honnêtes gens du royaume, » de prendre des mesures efficaces pour faire » respecter toutes les autorités constituées, par»ticulièrement la vôtre et celle du roi, et de

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