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«Les Français n'auront pas appris sans dou» leur, qu'une multitude, égarée par quelques » factieux, est venue, à main-armée, dans l'ha» bitation du roi, a traîné du canon jusques dans » la salle des Gardes, a enfoncé les portes de son » appartement à coups de hache; et là, abusant » audacieusement du nom de la nation, elle a » tenté d'obtenir, par la force, la sanction que sa » majesté a constitutionnellement refusée à deux » décrets. Le roi n'a opposé aux menaces et aux > insultes des factieux que sa conscience et son » amour pour le bien public. Le roi ignore quel > sera le terme où ils voudront s'arrêter; mais il ≫ a besoin de dire à la nation française, que la vio» lence, a quelqu'excès qu'on veuille la porter » ne lui arrachera jamais un consentement à tout » ce qu'il croira contraire à l'intérêt public. Il » expose sans regret sa tranquillité, sa sûreté; il » sacrifie même sans peine la jouissance des droits » qui appartiennent à tous les hommes, et que la » loi devroit faire respecter chez lui, comme chez » tous les citoyens; mais, comme représentant » héréditaire de la nation française, il a des devoirs

juin, avoit fait ouvrir la grille aux brigands, l'aborda, lui adressa les reproches les plus vifs; et en ayant reçu une réponse impertinente, lui répliqua par le plus rude soufflet que j'aie jamais entendu. J'étois dans ce momentlà à une des fenêtres de l'appartement du roi.

» à remplir; et, s'il peut faire le sacrifice de son » repos, il ne fera pas le sacrifice de ses devoirs. » Si ceux qui veulent renverser la monarchie ont » besoin d'un crime de plus, ils peuvent le com» mettre. Dans l'état de crise où elle se trouve, le » roi donnera, jusqu'au dernier moment, à toutes » les autorités constituées, l'exemple du courage » et de la fermeté, qui seuls peuvent sauver l'Em» pire. En conséquence, il ordonne à tous les » corps administratifs et municipalités de veiller » à la sûreté des personnes et des propriétés. »

Les pressentimens exprimés dans cette dernière phrase, étoient malheureusement trop fondés. L'exécution du plan des jacobins, détaillé dans la lettre de M. de Lessart, étoit commencée, et se poursuivoit avec activité; le roi ne pouvoit plus attendre son salut des moyens de force; outre que son caractère y répugnoit, à un degré insurmontable, on les lui avoit tous enlevés par le licenciement de sa garde, par la réunion des gardes suisses aux troupes de ligne, et par l'émigration de la noblesse. Il ne lui restoit donc d'autre ressource que celle de s'éloigner de la capitale, d'une manière quelconque ; mais l'issue, à jamais déplorable du voyage de Varennes, les attentats et les humiliations qui en avoient été le résultat, avoient attaché à toute entreprise de ce genre des souvenirs si amers, que sa majesté n'auroit pas balancé à rejeter le plan de fuite le mieux concerté, s'il n'eût pas été

les

accompagné des preuves les plus positives que jours de la famille royale étoient dans le plus grand danger, et qu'il n'y avoit pas d'autre moyen de la soustraire aux poignards des assassins. Je dis les jours de la famille royale et non pas ceux du roi; car, depuis son arrestation à Varennes, ce malheureux prince étoit singulièrement frappé de l'idée que sa destinée étoit d'être assassiné; que toutes les tentatives qu'il pourroit faire pour échapper à son sort, ne lui réussiroient pas, et ne pourroient que compromettre sa famille et ses amis. Il attendoit la mort avec une résignation si tranquille et si froidement héroïque, qu'on l'auroit prise pour de l'insouciance. La lecture ordinaire de sa majesté, étoit l'histoire de Charles Ier.; et sa principale attention, étoit d'éviter, dans tous les actes de sa conduite, tout ce qui lui paroissoit pouvoir servir de prétexte à une accusation judiciaire. Il auroit fait aisément le sacrifice de sa vie, mais non celui de la gloire de la France, qu'un assassinat, qui n'eût été que le crime de quelques individus, n'auroit pas entachée.

Ce ne fut que dans la conversation secrète que j'eus avec le roi, le 21 juin, à neuf heures du soir, que je fus à portée de juger à quel point il étoit dominé par ces pressentimens funestes; à toutes mes félicitations, sur le bonheur qu'il avoit eu d'échapper aux dangers de la journée précédente, S. M. me répondit sur le ton le plus indifférent :

<< Toutes mes inquiétudes ont été pour la reine et » pour ma soeur; car, pour moi........... Mais il » me semble (lui dis-je) que c'étoit principale»ment contre V. M. que cette insurrection étoit » dirigée. Je le sais bien; j'ai bien vu qu'ils » vouloient m'assassiner, et je ne sais pas com» ment ils ne l'ont pas fait; mais je ne leur échap» perai pas un autre jour; ainsi je n'en suis pas » plus avancé; il est assez égal d'être assassiné » deux mois plutôt ou plus tard.-Grand Dieu! » sire (m'écriai-je) est-ce que votre majesté croit » donc fermement qu'elle doit être assassinée ?— » Oui, j'en suis sûr, et j'ai pris mon parti. Est-ce » que vous croyez que je crains la mort?-Non, » certainement; mais je voudrois voir votre ma» jesté moins décidée à l'attendre, et plus dispo» posée à adopter des mesures vigoureuses, qui » sont aujourd'hui les seules dont le roi puisse » espérer son salut.-Je le crois bien; mais il y » auroit encore beaucoup de chances contre, et » je ne suis pas heureux. Je ne serois pas embar» rassé si je n'avois pas ma famille avec moi; on » verroit bien que je ne suis pas aussi foible qu'on » le croit; mais que deviendroient ma femme et » mes enfans, si je ne réussissois pas ?- Votre » majesté pense-t-elle que si elle étoit assassinée, » sa famille seroit plus en sûreté? — Oui, je le » crois; je l'espère au moins; et, s'il en arrivoit » autrement, je n'aurois pas à me reprocher d'en

» être la cause; d'ailleurs, que pourrois-je faire? » Je crois que votre majesté pourroit sortir de » Paris plus aisément aujourd'hui que jamais, » parce que la journée d'hier n'a que trop prouvé » que ses jours ne sont pas en sûreté dans la ca» pitale. Oh! je ne veux pas fuir une seconde » fois; je m'en suis trop mal trouvé.—Je crois >> aussi que votre majesté ne doit pas y penser,

> au moins dans ce moment-ci; mais il me semble » que les circonstances actuelles, et l'indignation » générale que la journée d'hier paroît avoir exci»tée, offrent au roi l'occasion la plus favorable » qui puisse se présenter pour sortir de Paris pu»bliquement et sans obstacle, non-seulement » avec le consentement de la grande majorité des » citoyens, mais avec leur approbation. Je de» mande à votre majesté la permission de réflé- : >> chir sur cette mesure, et de lui faire part de » mes idées sur le mode et les moyens d'exécu» tion. — A la bonne heure; mais c'est plus diffi»cile que vous ne croyez. »

Une des circonstances de la journée du 20 juin, qui avoit le plus affligé les amis du roi, étant celle du bonnet rouge, resté sur sa tête pendant près de deux heures, je me permis de lui demander quelques éclaircissemens sur ce fait, qui contrastoit si fort avec l'intrépidité et le courage extraordinaire que S. M. avoit montrés dans cette horrible journée; voici quelle fut sa réponse: « Les

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