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les titres, notes et renseignemens qu'il pouvoit avoir relativement au comité autrichien. Il ne vit heureusement aucun inconvénient à cette démarche, et ses collègues au bureau central, l'approuvèrent si fort, qu'ils se décidèrent tous à accompagner Larivière à la barre de l'assemblée,

afin

que la demande qu'il avoit à former, étant faite en leur nom, éprouvât moins de difficultés. Cette affaire prenant ainsi la marche la plus sûre pour atteindre le but que je m'étois proposé, je ne pouvois que m'applaudir de l'avoir engagée, et je jouissois d'avance de la satisfaction qu'éprouveroient le roi et la reine, en voyant confondre et anéantir pour jamais une imposture qui depuis long-temps les tourmentoit et les inquiétoit, d'autant plus que leurs majestés ne pouvoient pas s'abaisser à la réfuter.

La députation du bureau central des juges de paix se rendit à l'assemblée le 18 mai, et Larivière y présenta sa demande sous le point de vue le plus propre à en faire sentir toute l'importance. Elle fut d'abord accueillie par de grands applaudissemens, et convertie en motion par un des membres du côté gauche, qui n'étant point initié dans les mystères du comité des jacobins, croyoit de bonne foi, comme un grand nombre de ses collègues, à l'existence du comité autrichien, et à la réalité de ses complots.

Les membres du comité de surveillance, vive

ment alarmés de cette motion, la combattirent avec la plus grande chaleur. « C'est un piège, » dirent-ils, qu'on veut tendre à l'opinion pu

»

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......

blique.. La plupart des dénonciations qui » existent au comité de surveillance sont données » par des personnes attachées au service du roi ou » de la cour, et qui perdroient leur place et peut» être même la vie, si on divulguoit les rensei» gnemens qu'elles ont fournis....... Ces renseignemens n'ayant rien d'authentique, ne peu» vent pas faire preuve devant les tribunaux, ni » motiver un décret d'accusation; mais ils nous » servent à suivre la trace des complots qu'ils » indiquent; nous avertissons le public qu'ils exis » tent, et leur publicité est le plus sûr moyen de » les faire avorter. Ils concluoient en conséquence à ce que l'assemblée passât purement et simplement à l'ordre du jour.

Un des membres de ce' comité qui conservoit encore quelques principes d'honnêteté et de justice (1), s'éleva avec force contre ces viles et odieuses manoeuvres. « Vous m'avez hommé au » comité de surveillance, dit-il, et je rends trop » justice à mes collègues, pour croire qu'ils » veuillent faire de ce comité un tribunal d'in

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quisition qui feroit frémir la France... Au » surplus, le comité de surveillance est absolu

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» ment étranger à l'affaire présente; il n'a fait » aucune dénonciation; c'est à MM. Merlin, » Bazire et Chabot à soutenir devant les tribu»naux celle qu'ils ont faite : voilà les principes » de la justice et de la morale; je demande qu'ils » soient observés indistinctement à l'égard de » tous les citoyens; qu'on laisse les tribunaux » agir et rendre justice à tous, et que ce soit par, » ces motifs, les seuls dignes de l'assemblée » qu'elle se décide à passer à l'ordre du jour.»

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Cette motion, généralement applaudie par les membres du côté droit, termina la discussion, et l'assemblée passa à l'ordre du jour. Larivière crut pouvoir en conclure qu'elle vouloit laisser un libre cours à la justice, et décerna en conséquence le même jour un mandat d'amener contre Merlin, Chabot et Bazire. Il se flattoit d'obtenir par leur: interrogatoire les déclarations qu'ils n'avoient pas voulu faire dans leur déposition; mais moins occupé de conduire cette affaire avec prudence, que de lui donner le plus grand éclat, et de rendre ainsi plus remarquable. le rôle qu'il y jouoit, il employa pour l'exécution du' mandat d'amener les formes les moins respectueuses pour l'assemblée, et les plus offensantes pour ces trois députés.. Il les envoya chercher le lendemain par des gendarmes nationaux, à cinq heures du matin, sous prétexte de leur laisser la liberté de se rendre à l'assemblée à l'heure ordinaire de ses séances. Il

ajouta à ce premier tort celui de rester dans son lit jusqu'à ce que ces messieurs fussent arrivés, et par conséquent de les faire attendre sans nécessité.

Merlin et Chabot, dans leur interrogatoire, protestèrent de nullité contre toute procédure relative au comité autrichien, et refusèrent, avec autant d'insolence que d'obstination, de répondre à toutes les questions qué leur fit le juge. Ils soutinrent que ce qu'ils avoient dit au journaliste Carra tenoit à l'exercice de leurs fonctions de représentans du peuple; que par conséquent, ils ne pouvoient, aux termes de la constitution, être recherchés, accusés ni jugés en aucun temps pour ce qu 'ils avoient dit, écrit ou fait en cette qualité. Bazire, pâle et tremblant de peur, subit son interrogatoire, et prouva jusqu'à l'évidence, par ses réponses, que les prétendus titres, notes et renseignemens du comité de surveillance, relativement au comité autrichien, se réduisoient à de simples conjectures qu'aucun indice n'appuyoit.

Larivière, fidèle à la constitution, regarda sa mission comme terminée, et écrivit au président de l'assemblée une lettre, par laquelle il demandoit d'être admis à la barre, pour rendre compte de l'état de la procédure, et mettre le corps législatif à portée de statuer sur le silence de deux des accusés, et sur les aveux du troisième, s'il y avoit lieu à accusation; mais lorsque cette lettre arriva il étoit déjà dénoncé. Les trois députés accusés

avoient été entendus, et s'étoient plaints avec amertume de la rigueur et de l'indécence des formes que le juge de paix s'étoit permis d'employer à leur égard. Un attentat aussi grave contre la dignité de la représentation nationale, ne pouvoit qu'exciter l'indignation et le courroux de l'assemblée; aussi fut-il décidé sur-le-champ qu'il ne devoit pas être admis à la barre, et la discussion s'ouvrit en même-temps sur la question de savoir s'il y seroit traduit comme accusé, ou mandé pour rendre compte de sa conduite. Après d'assez longs débats, il fut décidé qu'il seroit mandé. Il se présenta avec une grande assurance, et justifia sa conduite, à l'égard des députés, par les dispositions de la constitution et des décrets, qui n'établissoient arcune différence dans la manière de mettre à exécution les mandats d'amener à l'égard de quelque personne que ce fût, et qui n'avoient point laissé aux juges la faculté d'introduire des formes différentes de celles qui avoient été décrétées. Cet hommage rendu à l'égalité des droits, lui obtint les applaudissemens des tribunes et d'une partie de l'assemblée; mais les doutes qu'il laissa appercevoir sur l'existence du comité autrichien, dans le compte qu'il rendit de la déposition de Bazire, indisposèrent si violemment la majorité, qu'il ne tint à rien qu'il ne fût décrété d'accusation; et ce ne fut qu'après des débats très-vifs et très-tumultueux, que l'assemblée dé

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