Page images
PDF
EPUB

cipalité, les préparatifs pour un rassemblement armé n'avoient pas été discontinués dans les faubourgs, craignit que cette insurrection, renforcée

par

le

les Marseillais, ne se portât aux attentats les plus graves. Il arrêta en conséquence «< que, » maire, la municipalité et le commandant-géné » ral de la garde nationale, seroient tenus de » prendre sans délai toutes les mesures qui étoient » à leur disposition, pour empêcher tous rassem» blemens qui pourroient blesser la loi; de faire » toutes les dispositions de force publique néces»saires pour contenir et réprimer les perturba»teurs du repos public; recommandant spécia»lement aux citoyens gardes nationales, et à » toutes personnes composant la force armée, de » se tenir prêts à y donner assistance, s'il y avoit » lieu de les requérir. »

Cet arrêté fut imprimé et affiché sur-le-champ, et le ministre de l'intérieur s'empressa d'en adresser une copie à l'assemblée; elle la reçut dans le moment où elle venoit de décréter que l'adresse des Marseillais seroit imprimée, et envoyée aux quatre-vingt-trois départemens.

Les Girondistes s'opposèrent avec force à la lecture de cet arrêté, sous prétexte que si, après l'avoir lu, l'assemblée ne prenoit aucune mesure, ce seroit lui donner une espèce de sanction, et mettre les administrateurs à couvert de leur responsabilité; que d'ailleurs l'assemblée ne pouvoit

pas s'occuper des mesures de police, sans renverser ouvertement l'ordre établi par les lois. Malgré ces représentations faites par Vergniaud, l'avis de lire l'arrêté prévalut. Mais après l'avoir entendu, l'assemblée ne pouvant pas le blâmer, et ne voulant, ou n'osant pas l'approuver, dans la crainte sans doute de déplaire aux redoutables Marseillais, passa sans discussion, à l'ordre du jour.

Cette inaction, cette froide sécurité, à la veille d'une insurrection, dont tout annonçoit la certitude et la violence, indiquoient assez que l'assemblée n'en craignoit rien pour elle, et qu'elle ne s'inquiétoit pas davantage des dangers dont les jours du roi et de la famille royale étoient évidemment menacés. Comment, en effet, auroit-elle pu redouter les attentats que devoient naturellement produire les sentimens séditieux exprimés dans l'adresse des Marseillais? Elle les avoit légitimés d'avance: elle s'en étoit rendue complice, en applaudissant à cette adresse révoltante, en se chargeant de la proclamer dans tous les dépar temens !!!

CHAPITRE XXII.

Attentats du 20 juin.

Le directoire du département avoit parfaitement rempli sa tâche constitutionnelle, par l'arrêté qu'il avoit pris le 19 juin; et la justice m'impose, autant que la vérité, le devoir de consigner ici les éloges qui sont dus à la conduite de tous ses membres, dans cette circonstance critique, et particulièrement à celle du procureur-syndic (Roederer.) Malheureusement, sa vigilance, son zèle et sa fidélité furent aussi mal secondés qu'il étoit possible. Toute la soirée se passa en conciliabules séditieux et en assemblées de sections, où les manoeuvres des jacobins et les déclamations violentes de leurs émissaires firent adopter presque généralement les motions les plus incendiaires et les plus contraires à l'arrêté du département. La nuit fut employée à préparer et à rassembler des armes de toute espèce. La municipalité en fut instruite (1), et resta dans l'inaction. Le lendemain matin, les commandans des bataillons de la

(1) Voyez le rapport fait par Pétion le 20 juin, à la

séance du soir.

1

garde nationale se rendirent tous chez le maire, et lui dirent que les intentions des citoyens étoient bonnes; mais qu'ils vouloient marcher en armes, parce que l'assemblée avoit déjà admis plusieurs fois des pétitionnaires armés. Pétion ne vit aucun inconvénient à autoriser les bataillons à marcher en armes, et crut (ou feignit de croire) qu'en contraignant les autres citoyens armés à se ranger sous les bannières nationales, tout resteroit dans l'ordre, et que la loi ne seroit point violée. (C'est son rapport que je copie.) Voilà ce qui a été fait, ajouta-t-il, et je dis que cela est parfaitement conforme à la loi !

On a beaucoup parlé de la stupidité de Pétion," et je suis loin de la révoquer en doute; mais ce seroit l'exagérer beaucoup, que de croire qu'il fût capable de faire de bonne foi un pareil raisonnement. Il savoit, comme tout le monde, que l'assemblée n'avoit admis à défiler devant elle quelques rassemblemens armés, qui s'étoient présentés en qualité de pétitionnaires, que par la crainte de leur mécontentement, et sur-tout de l'usage qu'ils pourroient faire de leurs armes, si elle leur eût refusé la permission de les lui présensenter. Cet acte de condescendance, où plutôt de pusillanimité, de la part de l'assemblée, étoit une violation manifeste de la loi; mais il n'en étoit, ni ne pouvoit en être l'abrogation; ainsi, rien ne pouvoit dispenser la municipalité d'obéir

à l'injonction qui lui étoit faite par le département, de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher tous rassemblemens contraires à la loi. Il est incontestable qu'elle ne pouvoit pas suivre une autre marche, sans se rendre responsable des évènemens; or, voici qu'elle fut sa conduite.

A cinq heures du matin elle adressa au directoire du département un avis conçu en ces termes :

«La municipalité et les administrateurs de » police, instruits que des citoyens des faubourgs

»St.Marcel et St.-Antoine marchent en armes; » que des sections ont autorisé les commandans » de bataillon à les conduire, et que les habitans » des environs veulent s'y réunir, a mandé » les commandans de bataillon pour en rendre » compte. Ils nous ont assuré que les citoyens » n'avoient que des intentions pacifiques; mais » qu'ils s'obstinoient à vouloir marcher en armes. » La municipalité a insisté auprès des comman» dans de bataillon des faubourgs St.-Marcel et » St.-Antoine : ils ont répondu qu'il étoit impos»sible de vaincre les esprits. Ne seroit-il pas pos»sible de prendre un parti prudent, en autorisant » ces citoyens à se ranger avec la garde natio»nale, et en les fesant fraterniser ensemble? Ils » ne paroissent plus vouloir se rendre à la barre » de l'assemblée, ni chez le roi en armes. »

Le directoire répondit sur-le-champ aux offi

« PreviousContinue »