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de ce qu'il en a été enlevé par force, en ver tu des ordres de Votre Majefté; & ayant en même tems reçu la copie d'une Lettre que le Duc de Newcastle, Miniftre & Secretaire d'Etat, a eu ordre d'écrire à Mr. de Pozzobueno, Miniftre de Votre Majefté à Londres, & dans laquelle il decouvre amplement les fentimens du Roi fur cette Affaire: ledit Ambaffadeur juge qu'il ne peut mieux s'acquiter de ce devoir, qu'en remettant à Votre Majefté la copie ci-jointe de ladite Lettre, comme contenant litteralement tout ce qu'il lui a été ordonné de representer à cette occafion, fans y rien ajouter de fon chef, finon de prier très-humblement Votre Majefté de vouloir bien avoir égard aux folides & juftes raifons qui y font alleguées; fe promettant de la haute fageffe & juftice de Votre Majefté toute la reparation neceffaire de la violence faite aux Immunitez des Miniftres publics, & de lui faire communiquer la refolution que Votre Majefté trouvera à propos de prendre dans ce cas important, afin qu'il puiffe en rendre compte au Roi fon Maitre.

Fait à Madrid le 13. Fuillet 1726.

GUIL. STANHOPE.

Lettre du Duc de Newcastle au Marquis de Pozzobueno. De Whiteahll le 20. Juin 1726.

J'AI

MONSIEUR,

'Ai remis au Roi, il y a quelque tems, comme je l'ai deja fait favoir à Votre Excellence le deux Extraits de Lettres que vous m'avez fait l'honneur de me delivrer, l'un concernant le refuge que le Duc de Ripperda a pris dans la Maifon de l'Ambaffadeur du Roi à Madrid, & la maniere violente dont il en a été enlevé par ordre de Sa Majesté Catholique; l'autre que vous me donnâtes en même tems, contenant les affurances les plus fortes du defir de Sadite Majefté, pour conserver & entretenir une parfaite harmonie & bonne correfpondance avec le Roi mon Maitre. Votre Excellence ne doit pas être furprise de n'avoir pas plutôt reçu une reponse fur une affaire auffi importante que celle dont il s'agit, lorfqu'Elle voudra bien fe fouvenir que, quoique la premiere Lettre de Mr. Stanhope fur ce fujet, fût de la même date que la vôtre, favoir du 25. Mai, elle n'eft, cependant parvenue au Roi que le 10. Juin au foir; & que la caufe de ce retardement a été, que le Courier de l'Ambaffadeur, qui ne partit qu'une heure après celui qui avoit été dépêché par votre Cour, a été arrêté sept jours à Vittoria & même cette Lettre, comme il paroit par fa date, ayant été envoyée dans

un

un tems où il fe trouvoit dans une extrême perplexité au fujet de ce qui venoit de lui être fait, il ne pouvoit qu'écrire en general & confufement dans l'embaras où il étoit, & fe referoit pour une relation plus diftincte & plus particuliere, à ce qu'il enverroit par une perfonne qu'il promettoit de depêcher de Madrid peu de jours après. Vous concevez facilement, Monfieur, que Sa Majesté, avant que d'être exactement & entierement informée du fait dans toutes fes circonstances, ne pouvoit fe determiner fur la reponfe qu'Elle. feroit touchant une affaire fi delicate & fi importante, qui intereffe fi fort non feulement La Gloire & la Dignité de cette Couronne, mais auffi celle de tous les Souverains, fans même excepter Sa Majesté Catholique. Cette perfonne étant depuis arrivée, & le Roi en ayant eu pleine information, j'ai presentement ordre de vous communiquer les fentimens de Sa Majesté sur une affaire auffi defagreable.

Pour venir au fait, je dois commencer par vous dire, que Sa Majefté ne pretend pas que les Miniftres publics puiffent proteger des períonnes qui font au fervice de Princes chez qui ils refident, ou qui font accufées de quelque crime contre eux : & Sa Majesté a remarqué avec plaifir, que fon Amballadeur n'a jamais eu une telle penfée, comme il paroit évidemment par la conduite de Mr. Stanhope envers le Duc de Ripperda, lorsqu'à fon retour de fa Maifon de campagne, il le trouva inopinement chez lui, avec l'Ambaffadeur de Hollande. Son Excellence commença par faire les perquifitions neceffaires, pour être F 3

par

parfaitement informée du cas; comme, dans quelle fituation il étoit à l'égard de fa Majefté Catholique, & quelles raifons l'avoient porté à chercher cet azile, afin qu'elle pût mieux regler fa conduite à cette occafion, & juger s'il étoit convenable de lui permettre de refter

dans fa Maison.

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La premiere queftion que Mr. Stanhope lui fit, & qui effectivement étoit la plus effentielle, fut, s'il avoit encore quelque Emploi fous fa Majefté Catholique ou fi en quelque nianiere que ce fût, il étoit encore à fon fervice? A quoi le Duc repondir que non; que la veille Sa Majefté, à fa requifition, l'avoit entierement remercié & dechargé de tous fes Emplois. La feconde queftion que Son Excellence lui fit, fut, s'il avoit quelque lieu de croire qu'il fût en difgrace & mal dans l'efprit du Roi d'Espagne, ou s'il aprehendoit que Sa Majefté Catholique eût deffein de le charger de quelque accufation, & de le faire poursuivre pour quelque crime ou malverfa tion, qu'il auroit commis dans fon Miniftere; parceque, dans l'un ou l'autre cas, il ne trouveroit aucun encouragement, moins encore aucune protection de la part de Son Ex-. cellence? Le Duc lui repondit que, bien loin d'être difgracié, & encore moins foupçonné, ou en danger de se voir accufé d'aucun Crime, le Roi d'Efpagne avoit eu la bonté de lui accorder une penfion de trois mille Pistoles par an, en recompenfe de fes services; & s'appercevant que ce qu'il lui avoit dit n'avoit pas fait fur l'efprit de Son Excellence toute l'impreffion qu'il en efperoit, il lui montra une Lettre originale, dont je joins ici la copie,

&

& par laquelle le Marquis de la Paz lui marque au nom de Sa Majefté Catholique, que, fuivant ce que le Duc lui-même avoit defiré, Sa Majefté confentoit qu'il fe démit de fes Emplois, & lui faifoit la faveur de lui accorder une pension de trois mille Pistoles par an, jufqu'à ce qu'Elle l'employât à l'avenir à fon fervices de la maniere dont cela lui paroitroit le plus convenable. Tout cela n'ayant pas encore fatisfait fon Excellence, elle voulut favoir les motifs qu'il avoit pour venir lui demander la protection de sa Maison. Le Due repliqua que ce n'étoit par aucune crainte de quelque violence de la part de Sa Majefté Cetholique, de qu'il venoit de recevoir une marque auffi évidente de fa faveur & de fa bonté, que la penfion qu'Elle lui avoit accordée; mais qu'il craignoit pour fa vie, à caufe de la malice inveterée de fes Ennemis, & la rage & la fureur de la Populace qui ce même jour-là avoir infulté les Domestiques, & declaré publiquement que la nuit elle iroit attaquer fa Maifon, & le déchirer en pieces.

Quoique la fufdite Lettre du Marquis de la Paz fût plus que fuffifante pour convaincre Mr. Stanhope, que le Duc de Ripperda n'étoit ni au service du Roi Catholique, ni foupçonné d'aucun crime, mais qu'au contraire Sa Majesté Catholique venoit de lui donner des marques toutes recentes de fa bonté ; cependant Mr. Stanhope, toujours foigneux de ne rien faire qui pût être defagreable au Roi d'Espagne, ne voulut point promettre à ce Duc une retraite dans la Maifon, fans en donner auparavant connoissance à Sa Majesté Catholique, & fans être informé de fes fentimens fur ce fujer.

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