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de tout autre Souverain > à manquer à fon devoir, dans l'efperance de pouvoir enfuite fe retirer dans la Maifon d'un Miniftre Public, & de fe fouftraire à la jurifdiction de fon Souverain; même dans fa propre Cour? Cette reflexion, de même que d'autres qui ne font pas d'un moindre poids, peuvent porter Votre Excellence à folliciter de nouveau le Duc de Ripperda, & à lui perfuader de se retirer de la Maifon de Votre Excellence, en se servant feulement de la precaution que Sa Majefté a offerte pour fa fureté contre les infultes du Peuple de Madrid, comme j'ai eu l'honneur d'en informer Votre Excellence, dans ma Lettre du 18. de ce mois, par ordre de fa Majefté, qui me commande de declarer de nouveau à Votre Excellence la fatisfac tion particuliere avec laquelle Sa Majesté louera Votre Excellence, elle veut s'apliquer à mettre le Duc à la raison, & lui perfuader d'admettre & d'employer, fans reftriction, les precautions que Sa Majefté veut prendre pour fa fureté, dès qu'il voudra quitter la Maison de Votre Excellence. Sa Majefté fe promet, par la confiance qu'Elle a dans la prudence de Votre Excellence, que vous ferez cette demarche avec toute l'activité convenable, afin qu'elle foit une preuve de la fincerité avec laquelle Votre Excellence afpire à être delivrée de cet embaras, qui ne peut que lui caufer beaucoup d'incommodité.

Je fuis, &c.

JEAN BABTISTE DE ORANDAYN.

Du Palais le 21. Mai 1726.

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Le 25. à fix heures du matin le Duc de Ripperda fut enlevé de vive force de l'Hôtel de Monfieur Stanhope & conduit à Segovie. L'Ambaffadeur, après avoir expedić un Exprès à Londres, envoyé la Lettte fuivante au Marquis de la Paz, pour l'informer des taifons de la retraite, partit pour la Campagne.

J

MONSIEUR,

Ai reçu ce matin la Lettre que vous m'écrivites hier, pour me faire part de la refolution de Sa Majefté Catholique, de faire enlever par force Mr. le Duc de Ripperda de Fazile qu'il avoit pris dans ma Maison, mais comme l'execution de cette resolution a été faite en même tems que vous me l'avez fait favoir, il feroit inutile d'y repondre, fi ce n'étoit point renouveller la Protestation que J'ai déja faite contre une violence fi contraire au Droit des Gens, & aux immunitez & azile de la Maifon d'un Ambaffadeur; dont je vais rendre compte fur le Champ au Roi mon Maitre, afin que S. M. étant pleinement informée de toute cette Affaire, Elle puiffe prendre les mefures qu'Elle jugera convenir à fon honneur & à celui de la Nation Britannique; & en attendant des ordres pour ma conduite, j'éfpere que Sa Majefté Catholique ne trouvera pas mauvais que je m'abfente de fa Cour, J'ai l'honneur d'être très-partaitement, &c.

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La Cour a enfuite publié le Manifefte fuivant pour juftifier la conduite dans les Cours de l'Eu rope.

Lettre du Marquis de la Paz au Marquis Pozzo Bueno, Ambaffadeur à Londres, du ດ 25. Mai 1726.

LA Confiance qu'a eue le Roi en la perfonne du Duc de Ripperda, les Honneurs dont il l'a comblé, & les emplois auxquels il a plû à Sa Majefté de l'élever, font connus de toute la terre; & perfonne n'ignore la benignité que Sa Majefté pratiqua à fon égard, lors qu'ayant refolu de le décharger de fes Emplois. Elle ne laiffa pas de lui affigner pour fon Entretien une Penfion de 3000. Piftoles, en attendant que S. M. l'employât convenablement à fon fervice. :

Cependant par un Excès de temerité fans exemple le Duc de Ripperda, après avoir accepté par écrit ladite Penfion, & rendu graces à Sa Majefté de la faveur fpeciale dont Elle l'honorbit, en termes très éloignez des fentimens qu'il avoir aparemment déja con çus, avant que le terme de 24 heures fut expiré, fe tranfporta à l'Hôtel de l'Ambaffadeur d'Angleterre dans le Caroffe de celui de Hol lande, qui Paccompagna jufques-là, & dont les Equipages, pendant cette nuit, tranfpor terent comme furtivement les effets les plus precieux de ce Duc à l'Hôtel où il s'étoit refugié. C'eft de ce lieu qu'il m'écrivit, afin que j'informally Sa Majesté qu'il avoit choifit

cet

cet Azile contre la Populace de Madrid, dont il avoit lieu d'apprehender les infultes.

Je fçai que ces faits font devenus fi publics, qu'il eft inutile d'en faire à Votre Excellence un detail plus au long, & plus circonstancié; mais je ne puis me difpenfer de vous apprendre plus amplement ce qui c'eft paffé en particulier, & quelles en ont été les fuites, afin que lors que cet Evenement fe divulguera dans le monde, vous foyez en état de donner fur ce fujet les éclairciffemens neceffaires, comme étant exactement informé des mûres reflexions, des juftes confiderations, & des pref fans motifs qui ont induit & obligé S. M. à prendre la refolution de faire fortir le Duc de Ripperda d'Hôtel de l'Ambaffadeur d'An gleterre le 25. du courant au matin.

Après que ce Duc eut donné connoiffance de la retraite, & que l'Ambaffadeur, qui en avoit fait autant, eut engagé fa parole à S. M. de lui repondre de la perfonne du Duc de Ripperda, dans une Audience qu'il obtint auffi-tôt qu'il l'eut demandée; le Roi, pour plus grande precaution, & pour empêcher d'autant plus l'évasion de ce Duc, voulut provifionnellement que les avenues de l'Hôtel du fufdit Ambaffadeur fuffent occupées modeftement par quelques Soldats de fes Gardes a pié, qui fe contenterent de se poster aux environs; & en même tems, S. M. eut l'attention de faire favoir à ce Miniftre, que quelque affurée qu'Elle fut de fa parole, dont Elle ne fe defioit nullement, elle avoit crû devoir prendre cette precaution, de crainte que celles qu'il pourroit prendre de fon côté, ne fuffent pas fuffifantes contre les tentatives que le Duc de

Ripperda pourroit faire pour s'évader.

Après cela, le Roi ordonna qu'on employât toute forte d'honnêtetez & de bons offices, pour engager amiablement cet Ambaffadeur à porter le Duc de Ripperda à accepter les offres que S. M. lui faifoit, de le mettre à couvert des infultes de la Populace; faisant entendre à cet Ambaffadeur que S. M. defiroit que le Duc fortit de fon Hêtel: à quoi le Miniftre Britannique repartit, qu'ayant fondé, suivant les intentions de S. M.; le Duc de Ripperda, il en avoit eu pour reponse, qu'effectivement il avoit d'abord écrit à S. M. les raifons de fa retraite telles qu'on les a rapportées, mais que voyant prefentement le Roi irrité par la démarche inconfiderée qu'il venoit de faire, & ayant tout lieu de craindre fon indignation, il fe trouvoit reduit à ne point accepter les of fres de S. M., & à fe tenir dans l'Azile qu'il avoit choisi pour la fûreté de fa perfonne,

Cette opiniâtreté fi injurieuse à l'Autorité d'un fi grand Monarque, qui n'employoit que des moyens fi doux & fi debonnaires, au lieu du Pouvoir qu'il avoit en main, n'empêcha pas S. M. de faire renouveller les inftances auprès de l'Ambaffadeur, afin qu'il follicitât plus fortement le Duc de fortir de fon Hôtel, & d'accepter fans aucune restriction les offres de S. M. Elle fit en même tems representer à cet Ambaffadeur, les confequences de cette affaire, & le prejudice qu'en recevroit l'Autorité que le Roi doit avoir fur les Miniftres, s'il fouffroit impunement la temerité de celui-ci, en le laiffant plus long-tems dans un lieu où il s'imaginoit qu'il pouvoit être en fureté. D'ailleurs de quel fcandale ne feroit point un

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