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victoire, dont l'Orateur Romain a dit, Hee qui faciat non ego tum cum fummis Viris comparo fed fimillimum Deo judico; ce Prince avoit de juftes fujets de reffentimens contre quelques-uns des Principaux Miniftres de feu fon Pere, il facrifia ces reffentimens au bien public, & convaincu de l'habileté de ceux qui l'avoient offenfé, il alla au devant de leurs craintes; & à l'imitation d'un grand Monarque, il crut qu'un Roi de la Grande-Bretagne ne devoit pas fe fouvenir des offenfes que le Prince de Galles avoit reçues.

Cette fage conduite de Sa Majefté Britannique releva les efperances de fes Alliez, & ranima le credit de l'Angleterre. Alors l'Efpagne ne parla plus fi haut, & elle prêta l'oreille aux infinuations de la Cour de France, qui lui declara formellement, que les pretenfons de la Grande-Bretagne étoient conformes aux Preliminaires. Neanmoins elle ajouta de nouvelles difficultez aux precedentes; dans la vue de tirer partie de tout.

En confequence des Preliminaires, les Effets de la Flotille, arrivée dans les Ports d'Efpagne dès le commencement de Mars, devoient être diftribuez aux Intereffez. La France & la Republique des Provinces - Unies pouyoient fur tout le flater que les chofes,fe pafferoient à cet égard par raport à leurs Sujets fur le même pied qu'avant les démêlez prefens, puifque Sa Majefté Catholique avoit declaré que fon intention n'étoit pas d'entrer en guerre avec le Roi Très-Chrêtien, ni avec. Leurs Hautes Puiffances, contre qui elle n'avoit aucun mecontentement, ce qui paroit par le Memoire fuivant.

Copie du Mémoire prefenté par le Secretaire d'Espagne aux Etats Generaux, le 17. Mai 1727.

E Confeiller Secretaire d'Espagne, char

Lgé des affaires de Sa Maj. Catholique au

près de Meffieurs les Etats Generaux des Provinces-Unies. Je me donne l'honneur de dire à Vos Seigneuries, que le Roi a apris par des avis differens, que depuis le fiege de Gibraltar, les Sujets de cette Republique doutoient qu'ils puiffent continuer leur Commerce avec fureté dans les Ports d'Espagne, quoique Mr. le Marquis de la Paz eut fait connoitre à Mr. l'Ambaffadeur Vander Meer, avant & après la Tranchée ouverte, que le Roi ne vouloit pas entrer en guerre avec Sa Majesté Tres-Chrêtienne, ni avec vos Seigneuries, encore bien que Sa Majesté étoit obligée de la faire aux Anglois, pour les motifs que la Cour de Londres lui en avoit donnez, mais qu'Elle en agiroit envers Mrs. les Etats Generaux de la même maniere qu'ils en uferoient envers le Roi, & que puifque les Sujets de la Republique offroient d'ignorer les veritables fentimens. de Sa Majefté, il fembloit qu'ils leur étoient

inconnus.

C'est pour cette raison que le Souffigné a ordre exprès du Roi fon Maitre, de reiterer la Declaration faite à Mr. Vander Meer, d'affurer Vos Seigneuries en fon nom des intentions pacifiques de Sa Majefté, & de ne vou-. loir commettre la moindre hoftilité contre Meffieurs les Etats Generaux auffi long-tems

qu'ils feront difpofez à conferver une parfaite harmonie & bonne intelligence, tant avec le Roi qu'avec fes Alliez. Fait à la Haye le 17. Mai 1727.

Nonobftant cette Declaration, il parut que dans la diftribution des Effets de la Flotille on vouloit traiter les Sujets de ces deux Etats fur le même pied que s'il y avoit rupture avec PEfpagne. En effet l'Intendant Patino ayant reçu ordre de faire des arrangemens pour la diftribution des Effets, il fut propofé dans le Confeil du Roi de paffer les Piaftres qui feroient delivrez aux Intereffez à raifon de 91. Reales de Plata, quoique dans l'enregiftement elles euffent été chargées & comptées fur le pied de 8 Reales de Plata; le Miniftre des Etats Generaux chargé des Interêts de la France & de la GrandeBretagne informa ces Etats de cette nouvelle pretention de l'Espagne, qui parloit outre cela, d'exiger un indult exorbitant. On tint fur ce fujet une Conference à la Haye entre les Deputez des Etats Generaux, l'Ambassadeur de France, & le Ministre de la Grande-Bre tagne.

Les Deputez de Leurs Hautes Puiffances communiquerent à ces Miniftres la Refolution que leurs Maîtres avoient prife fur ce fujet le jour precedent (20 Juillet) qui portoit, que l'on écriroit à Mr. Vander Meer de reprefenter à Sa Majefté Catholique,,, que » l'augmentation des Piaftres de 8. à 9. faifoit » une perte pour les Intereffez de 20: » pour cent, ce qui étoit contraire à ce qui , étoit ftipulé par l'Art. V. des Preliminai» res, où l'on eft convenu qu'on laifferoit re

» venir

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;, venir librement les Gallions en Espagne dans la perfuation certaine où l'on étoit, ,, que Sa Majefté Catholique en uferoit par ra"port aux effets defdits Gallions & de la Flotille ainsi qu'il en a toujours été ufé en tems libre; que cette charge étant beau ,, coup plus confiderable que celle defdits tems libre, ne s'accordoit nullement avec ledit Art. V., ce qui ne pouroit être que d'une pernicieufe confequence dès le commencement on s'éloignoit d'une partie fi effentielle des Preliminaires, &c.

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Le Marquis de Fenelon, après la communication de cette Resolution, demanda quel ques Eclairciffemens fur cette augmentation des Piaftres, & de l'indult ordinaire, & fit remarquer qu'il conviendroit, avant d'envoyer des ordres en conformité de cette Refolution, de favoir les fentimens des Cours de France & de la grande Bretagne fur ce fujet, pour faire conjointement quelques representations à l'occafion des Contreventions aux Articles Preliminaires, en quoi la France la Grande-Bretagne & l'Etat font également intereffez; Les Deputez repondirent touchant l'éclairciffement de l'augmentation des Piaftres & de l'indulte, qu'ils etoient informez, que, forfque le Duc de Ripperda étoit dans le Ministère d'Efpagne, les efpeces y avoient été augmentées, & la Piaftre de 8. mife à 9 Reales de Plata; mais qu'eux Deputez croyoient qu'il ne convenoit pas que cette augmentation fat appliquée aux effets chargez fur la Flotille ou Gallions pour le compte des particuliers, vu que ces effets apartenoient en efpece & en nature aux Inte

reffez,

reffez, & ainfi qu'il convenoit, qu'ils leur fuffent délivrez de même; Que de faire tranfporter lefdit effets à la monoye, & puis les délivrer avec ladite augmentation, n'étoit effectivement qu'une charge indirecte; Que pour ce qui concernoit l'Indult, ils étoient informez qu'encore qu'il eut été augmenté en tems de Guerre, il n'avoit neanmoins été pris en tems de Paix qu'à raison de cinq pour cent, ou environ, principalement les dernieres années, ce qui differe confiderablement de la charge prefente. Que par les tems libres, dont l'Art. V. des Preliminaires fait mention, on ne pouvoit entendre d'autres que ceux de la Paix, principalement les dernières années & que par confequent l'Indult ne pouvoit pas être plus augmenté que les dernieres années de Paix, fuivant le bon fens mentionné dans ledit Article V. Que pour les representations à faire de commun accord fur ce fujet, Leurs Hautes Puiflances avoient communiqué leurs Refolutions à cette fin aux Srs. Ambaffadeur & Envoyé Extraordinaire, dans l'efperance, qu'au moyen de leurs bons offices, l'inten tion de leurs Hautes Puiflances feroit fecondée par leurs Majefté Très-Chrêtienne & Britannique, & quelles fouhaitoient que pareille reprefentation fut faite de leur part.

Ces fages reprefentations firent à Londres & à Paris tout l'effet que l'on en pouvoit attendre, & ces trois Puiffances s'étant expliquées unanimement fur ce fujet par leurs Miniftres à la Cour d'Efpagne, on gagna l'Article d'être payé fur le même pied que l'argent avoit été embarqué, mais on ne peut rien

obte

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