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diminueroit notre courage, & la vigueur de nog entreprises.

Le Roi de Pruffe toujours attentif à s'aggrandir, profiteroit peut-être d'une telle occafion, pour fe rendre maître d'une partie de la Livonie & du peu qui nous refte en Pomeranie; & cela fous pretexte de fecourir fon Alliée l'Imperatrice de Ruffie.

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Cette Princeffe feroit alors forcée de fe jetter entre les bras de ceux, contre qui Elle auroit eu befoin de notre appui, pour la fou tenir dans l'execution des intentions où elle eft, & où elle a été de remplir nos juftes defirs.

L'Empereur Romain fe fauroit alors mauvais gré, de nous voir rangez du côté de ses Ennemis, dans un tems ou par principe d'amitié & d'équité, il s'eft attiré une partie de leur haine, pour avoir refufé l'inveftiture des acquifitions illegitimement faites, & où il pourroit par hazard trouver occafion de reparer ces injuftices.

Outre ces pertes vifibles, nous nous expoferions encore à une dependance, pour ainfi dire, efclave de ces Puiffances, qui s'obligeroient de nous fournir l'argent neceffaire pour le foutien de nos entreprises, nous ferions obligez de leur obéir, à peu près comme un Soldat, libre avant d'être enrôlé, mais qui ceffe de l'être dès qu'il a pris des arres.

Si nous entrons dans la Galere, on nous fera fans doute ramer à leur gré, fans jamais nous rendre beaucoup plus heureux. Quand même la fortune nous riroit, ces mêmes Princes proportionneroient toujours nos Victoires & nos Conquêtes à leurs interêts, & au

ifte me

fifteme convenu entr'eux, de terminer à nos depens & à ceux de la Ruffie, l'affaire de Schlefvik, qui eft la comme de dicorde dans le Nord.

Après tout, eft-il prudent de fe lier trop avec un Prince qui veut accorder les interêts irreconciliables de fon Royaume, avec ceux de fon patrimoine, & dont le deftin depend de plus d'un évenement.

Les contrarietés qui fe trouvent dans les mefures qu'il a à prendre & à garder, rendent fon alliance dangeureuse, difficile, & fujette à des changemens continuels cela eft fi vrai, qu'en Suede on auroit balancé moins, à s'allier avec la France & l'Angleterre, ci la premiere, par un enchainement d'affaires, dont dans le fond du coeur elle eft peut-être fâchée & defire d'en revenir, n'étoit pour le prefent dans des engagemens trop étroits avec la derniere; ou fi celle ci n'étoit gouvernée par un Electeur d'Hanovre, qui dirige la plupart de fes Confeils fur le bien de fon Patrimoine, qu'il fait ne pouvoir jamais être enlevé à fes descendans, à moins de fe rendre refractaire volontaire & obftiné aux Loix fondamentales de l'Empire.

L'Auteur de la Réponse aura la bonté de remarquer, que pour établir l'inutilité de nôtre Acceffion au Traité d'Hanovre, on n'a pas befoin d'alleguer l'apprehenfion de deplaire à la Ruffie.

Bien loin de là, je fuis du fentiment que nous ferions indignes de la liberté dont nous jouiffons, & que nous dementirions la repu tation de bravoure que nos Ancêtres se font acquife depuis un tems immemorial, fi nous Tome IV,

nous

nous laiffions gêner dans les Confeils & les rea folutions falutaires à nôtre Patrie, par la feule peur des infultes de qui que ce puiffe être.

La Ruffie fera trop difcrete pour exiger d'un Peuple Souverain une deference que fon propre Roi a affez de bonté pour ne point pretendre ni ambitionner.

L'opinion que nous devons avoir de nousmêmes, doit nous empêcher d'être frapez d'aucune terreur lâche, & fi quelqu'un a avancé que nous devons prendre garde de deplaire à la Ruffie, il a fans doute voulu dire, que pour notre propre honneur & nos propres interêts nous devons éviter de lui donner de l'ombrage, en bleffant mal à propos directement les Traitez que nous avons avec Elle ; mais il n'a jamais dû nous infinuer qu'il faut craindre fes forces & fa Puiffance; Fun & l'autre à la verité font très-redoutables, mais elles ne font pas invincibles: une Nation telle que la nôtre, ne doit être conduite que par des vues d'honneur & d'independan

ce.

Nous devons regarder avec le même mepris les foibles confiderations de ceux qui pretendent qu'il faut nous munir de l'Alliance de Hanovre pour empêcher Son Alteffe Royale le Duc de Holftein, foutenu de la Ruffie, n'entrepren ne d'affoiblir & d'annuller un jour les Conftitutions de notre Royaume touchant notre Liberté & l'Election de nos Rois. Ladroiture de fon cœur, fes vertus magnamines, fes bontez pour nous, & les avantages qu'il peut efperer en fe conduifant à notre gré, nous doivent guerir de ces inquietudes.

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D'ailleurs devons-nous chercher contre de

tels

tels attentats, d'autres reffources, que dans notre propre fermeté, & dans le facrifice de chaque goute de notre fang.

C'eft faire un Théatre de Guerre de notre Patrie, un ombre de notre Liberté, & une efpece de marchandife de la Couronne de Suede, que de fouffrir & encore moins vouloir employer en pareille occafion le concours d'aucune Puiffance étrangere, fi nous voulons que nos Rois nous ayant l'obligation de leur Grandeur, & qu'il ne foit pas dit dans le monde, que notre Trône s'acquiert par des brigues intereffées, leur Elevation ne doit dépendre que de nous feuls, & notre choix doit fuffire pour donner le Sceptre à quiconque eft jugé le meriter, & notre intrepidité pour lui en affurér la poffeffion, fi quelqu'un étoit affez hardi d'ofer vouloir la lui difputet.

C'eft une foibleffe de penfer autrement & c'eft une idée mal dirigée de vouloir dans un tel cas (que Dieu veuille à jamais detourner,) fe fervir des Alliez d'Hanovre pour contrebalancer la Puiffance Ruffienne; cas ces même Alliez n'auroient ils pas lors de nos Elections, les mêmes vûes & peut-être le même eredit dont ils effayent de nous faire peur du côté de la Ruffie?

Ma reflexion n'eft que trop bien justifiée, fi l'on ajoute foi au bruit public, l'Angleterrǝ Alatte dès à-prefent, tantôt des Princes, & tantôt des Particuliers de favorifer & d'appuyer leur Election, en cas que malheureufement le Roi & la Reine vinffent à manquer : Vaudroit-il mieux de recevoir un Roi de la main des Alliez d'Hanovre, que de celle de

la Ruffie? notre Liberté feroit-elle plus en fu reté?

Voilà quels font les raifonnemens publics des idolatres de l'Acceffion; ceux qu'ils nous difent à l'oreille ne font pas mieux fondez. Ils font entrevoir par des énigmes & des tours misterieux, que fi notre acceffion ne facilitoit pas la reprise entiere de nos Provinces cedées à la Ruffie, du moins elle nous mettroit en état d'obtenir une barriere qui nous fauveroit des dangers aufquels ils pretendent que nous fommes expofez à tous momens, & nous gueriroit de la jufte crainte d'être envahis quand bon lui fem

blera.

Cette efperance eft trés-flatteufe, & je conviens que nous devons ardemment defirer cetj avantage; mais quand j'examine le moyen qu'ils veulent employer pour nous le procurer, j'apprehende qu'il n'y ait de l'erreur dans leur calcul, & que nous ne reculions au lieu d'avancer; du moins entrevois-je des difficultés que je n'ai pas affez de lumiere pour combattre.

2

L'Auteur de la Réponse, pour justifier l'Angleterre de n'avoir point rempli les promeffes qu'Elle nous avoit données comme je l'ai dit, pour notre retabliffement dans une partie de nos Provinces conquifes par la Ruffie; jette la faute totale fur le refus de la Cour de Vienne d'y donner les mains, & ajoute que la France par ces mêmes raifons, ne trouvant pas raisonnable de s'engager dans les troubles, pendant que l'Empereur fe tenoit tranquile; l'Angleterre par confequent fe trouva feule, & ne pouvoit abfolument prendre fur Elle tout le fardeau du fuccès.

Ces

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