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Tout cela ne doit gueres nous encourager à entrer dans l'Alliance que l'on nous propofe; mais nous devons nous en éloigner encore davantage, quand nous remarquons qu'on ne le defire, que pour rendre par là, la fatisfaction de Son Alteffe Royale plus difficile, pour mettre les Duchez de Bremen & de Verhden à couvert des dangers auxquels ils pourroient alors être expofez; en un mot, pour fe fervir de nous-mêmes pour nous barer le chemin qui peut nous conduire à quelque retabliffe

ment.

En nous follicitant d'entrer dans le Traité d'Hanovre, c'eft nous propofer indirectement de renoncer de concourir à faire rendre justice à Son Alteffe Royale. C'est là le vrai fruit qu'on fe propofe de notre Acceffion; car après avoir reçu l'Empereur comme partie Contractante dans nôtre Alliance avec la Ruffie, on ne compte point fur nôtre fecours contre lui, ni contre aucun de leurs autres Ennemis.

Pour prouver cette verité nous n'avons qu'à declarer que nous accederons à leur Traité, à condition qu'ils indemniferont Son Alteffe Royale des pertes qu'elle a faites, & qu'ils retabliront par ce feul & infaillible moyen la tranquillité dans tout le Nord. Alors on verra, que malgré l'amour qu'ils fe vantent d'avoir pour la Paix, ils renonceront plutôt à notre acceffion, comme ils ont fait, pour le même fujet à l'Alliance de la Ruffie, que de confentir à un tel acte de juftice.

Avant donc dé penfer à aucune Acceffion, nous devons examiner, s'il eft de notre interêt d'abonner ceux de Son Alteffe Royale, de faciliter au Dannemarc le moyen de gar

der

der fon Duché de Schlefvic, & de renoncer dans les conjonctures prefentes, aux avantages que nous paroiffons pouvoit efperer des évenemens qu'elles peuvent nous preparer.

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Si les Etats de Suede perfiftent dans le fentiment où ils etoient à la derniere Diete, ils ne voudront point favorifer le Dannemarc, dont jamais les engagemens n'ont été finceres, au prejudice d'un Prince qui eft né de nôtre Sang Royal, qui a été élevé dans nos bras qui a participé innocemment à nos malheurs, & qui avec le tems peut nous en relever. II n'eft pas douteux qu'il paroît de notre devoir de le foutenir, d'autant plus, que fans cela nous nous expofons pour l'avenir à des interpretations dont les fuites font toujours trésfâcheufes.

La France & l'Angleterre conviennent, que l'objet de leus garantie envers le Dannemarc, eft de l'engager à rendre à la Suede quelques morceaux de la Pomeranie.

Or fi Son Alteffe Royale avoit un jour un Succeffeur moins jufte qu'Elle ne l'eft, ce Prince, appuyé de quelque grande Puiffance, ne pourroit-il pas faire valoir que le Duché de Schlefvic a été l'équivalent cedé & garanti au Dannemarc, de la reftitution faite à la Suede de quelques morceaux de la Pomeranie: Qu'aurions nous à repondre à l'indemnité que Ice Prince nous demanderoit? La question feroit épineufe, & il eft de notre prudence de la prevenir.

L'Auteur de la Reponfe fe garde bien de developer tous ces inconveniens; au contraire, pour nous furprendre, & nous faire don

ner

ner dans le piege, il tâche de nous amorcer par les douceurs de la paix, dont il dit que no us ne pourrons jamais mieux affurer la durée, qu'en accedant audit Traité, &c.

que

Mais que ce fondement eft peu folide. S'il ne s'agiffoit fimplement que de conferver notre repos & nôtre tranquillité, nous n'aurions abfolument befoin d'aucune alliance étrangere. Non certes, car qui nous attaqueroit ? Le Dannemarc, qui ne choifit que le moment dans lequel nous fommes accables d'ailleurs, ne voudroit jamais nous infulter, tout affoiblis que nous foyons, & tandis que nous n'aurons lui à combattre. Il fe compte bien heureux de jouir des avantages qu'il a emporté fur nous, il ne s'expofera point à les perdre en courant legerement à de nouveaux.. Nous avons encore moins à craindre de la Ruffie; l'interêt perfonnel de l'Imperatrice, les foins qu'en bonne Mere elle doit prendre de fa Famille, & les partis qu'on balance dans fes Confeils, par ce qu'ils peuvent influer fur Son Alteffe Royale, nous font des garants furs, que loin de vouloir former des deffeins fur nous, Elle peut regarder nos interêts comme les fiens, & doit contribuer de plus d'une maniere à notre conservation & agrandiffement.

Je fais que le parti contraire fait courir des bruits très-differents, mais ce font des fantômes imaginés pour couvrir leur jeu, & pour nous aveugler auffi-bien que la Nation Angloife Car quoi qu'elle faffe valoir ce dernier envoi d'une Escadre dans la Mer Baltique, comme neceffaire pour nous fauver de je ne fais quelle invafion chimerique, nean

moins des gens defintereffez comprennent trèsailement que cette Efcadre n'a été envoyée que pour le service de Dannemarc; contre qui feul ils favent que la Ruffie eft en droit de prendre

les armes.

Tout cela prouve mathematiquement, que nous n'avons befoin d'aucune Alliance étrangere, pour la confervation de la Paix, & qu'aucun de nos Voifins ne peut trouver le moindre interêt de la troubler. Mais pofons pour un moment; que nous foyons dans cette neccffité; quel effet pourrions - nous efperer de notre Acceflion au Traité d'Hanovre?

Ne voyons nous pas ces Alliés, qui prônent tant leur amour pour la tranquillité de l'Europe, prendre tous les jours des mefures qui reffemblent à des actes d'hoftilités, & qui vont directement à fa destruction?

Que peut-on faire de plus dans une Guerre ouverte, que d'envoyer, comme l'Angleterre a fait, des Efcadres dans la Mer Baltique, & la Mediterranée, avec des Declarations orgueilleufes & infultantes? & fuivant toutes les apparences, les infultes & les infultans n'ont pas l'air d'en demeurer là.

Leurs conteftations fur Gibraltar, fur le PortMahon, la Compagnie d'Oftende, & d'autres Griefs qui les animent en fecret, paroiffent ne pouvoir jamais fe vider que par la voie des ar

mes.

Je conviens avec les bon Anglois, que ces demarches font très-oppofées à l'interêt de leur Royaume & de leur Commerce; mais le Roi & le Miniftere y trouvent les leurs: l'un y eft porté par ceux de fes Etats en Al

lemagne,

lemagne, & l'autre par un principe politique de fe conferver en place; & tous les deux par les befoins qu'ils ont d'un pretexte, pour lever de groffes impofitions capables de les mettre en état de faire prolonger un Parle ment qui leur eft devoué, & qui devroit bientôt finir, ou bien de gagner celui qui fuccedera.

Voilà les veritables vûes de la Cour d'Angleterre connues de tous ceux qui ne font pas ingenieux à fé tromper, ou à en imposef à d'autres.

Les indices évidens d'une telle manœuvre, ne font pas les feuls qui doivent nous faire rejetter ces propofitions artificieuses; des principes d'une prudence plus fimple, yous y engagent encore plus fortement.

Reftant neutres nous ne rifquons rien, nouš ferons toujours maîtres de profiter des conjonctures prefentes ou à venir, & nous pourrons peut-être efperer l'honneur d'être Mediateurs entre les Puiffances brouillées; mais nous tomberions en mille inconveniens, en nous liant avec l'un ou l'autre parti, fur tout avec celui d'Hanovre.

Dans le dernier cas, fi nous étions obligez d'envoyer du fecours aux Alliez, nous ne pourrions le faire, fans rompre les premiers avec la Ruffie, qui eft du Parti contraire, & avec qui nous avons des engagemens, par rapport au Duché de Schlefwic, oppofez au Traité d'Hanovre.

Alors nous aurions à effuyer le fort des Armes, qui eft journalier, & qui peut-être nous feroit d'autant moins favorables; que la difference de nos fentimens en Suede là-deffus,

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