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nemarck, la Ruffie & la Pologne, qui fit éclater la derniere Guerre. Depuis Charles Guftave, que nous avons épousé toutes les querelles de la Maifon de Holstein contre le Danemarck, notre complaifance pour cette mêrne Maison n'a pas peu fervi à nous mettre toûjours à dos ce Voifia, & à nous engager dans des depenfes continuelles & excellives.

Voilà les raifons les plus folides que les deux parties alleguent contre & pour l'acceffion au Traité de Hanovre dont j'ai crû vous devoir faire part. Pour celles que les Politiques de la Baffe Cour debitent dans leurs tripots, elles font auffi dignes de leur genie qu'elles le font peu de votre attention. Vous verrez ailement en les examinant que les deux partis pretendent aller à la même fin, mais qu'ils tiennent des routes bien differentes, dont l'une paroit un chemin bâtu & aifé; l'autre un fouterain où l'obscurité embaraffe le voyageur, & l'oblige de s'abandonner à un guide, qui, faifi de peur, n'eft guères propre à l'affurer.

Vous trouverez en faifant le paralelle de ces deux routes que l'une établit notre fûreté fur notre complaifance pour la Cour de Ruffie, l'autre fur l'apui des Puiffances que leur propre interêt rend attentives à notre propre confervation, & qui font en état de nous fecourir. L'un veut que nous choififfions les Ruffes pour nos amis de cœur, & que nous concertions entierement nos mesures avec les leurs, en brusquant la France & l'Angleterre, l'autre trouve que nous aurions tort de quitter des anciens Alliez dont nous avons éprou

éprouvé fi fouvent l'affiftance, pour nous jetter entre les bras d'une Puiffance nouvelle, mal affermie & incertaine dans fes deffeins par raport aux differens évenemens qui les doivent regler. L'un paroit effrayé du voisinage de la Ruffie, & nous montrant la Finlande envahie, veut que nous prenions le confeil de la peur, & que nous en faflions le principe de nos demarches, l'autre prevoit & balance les dangers qui nous menacent, tant du Levant` que de l'Occident, il travaille à nous mettre une bonne fois à couvert de ces aprehensions, qui nous rendent incapables de rien entreprendre, & croit ne pouvoir mieux affurer notre repos qu'en faifant caufe commune avec des Puiffances qui regardent la paix de même que nous, comme le moyen de tenir en bride ceux qui voudroient la troubler. Celui-là rend les fecours, de tout autre Puiffance que la Ruffie, incertains & équivoques. Celui-ci regarde l'affiftance qu'elle nous voudroit fournir, comme très-funefte.

Si nous fuivons l'un, nous aurons le plaifir de nous repaitre des riches aparances, qu'on nous prefente, quoiqu'elles foient très-eloignées: fi nous écoutons les avis de l'autre, nous trouverons des avantages peut-être moins éblouiffans, mais presens & folides.

L'on veut que nous menagions foigneufe ment l'eau du Danube pour éteindre le feu qui fe pourroit prendre chez nous, pendant qu'il ne fait point de cas de celle de la Mer qui eft à notre porte; l'autre croit devoir s'affurer pre-ferablement de celle-ci, fans neanmoins boucher la fource de celle là. L'un enfin fait Tome 111.

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mar

marcher d'un pas égal les interêts de Son Alteffe Royale, & le bonheur & la paix, & la fureté de notre chere patrie, & fait dependre la plus grande partie de notre bonheur, de la reftitution du Duché de Slefwick; & l'autre croit ne devoir pas s'écarter des intentions des Etats, ni exposer tout le Royaume par une tendreffe defordonnée pour procurer la fatisfaction de Son Alteffe Royale, en fuivant des plans impraticables dans leur execution, ruineux s'ils échouent, & dangereux pour notre liberté & notre Gouvernement, s'ils reuffif fent. Au reste aucun des deux partis ne doit pretendre d'être crû fur fa parole, il faut que les faits qu'ils avancent, foient fondez fur des preuves à produire, mais ils ne peuvent tous deux exiger de nous avec justice que nous en decidions fans examiner les pieces fans prevention, & fans nous livrer aux prejugez, qui quelques principes qu'ils puiffent avoir, étouffent fouvent, ou alterent au moins l'amour & la tendreffe que nous devons à notre Souverain, à notre chere Patrie, & à notre poí terité.

C'est à peu près dans le même tems qu'il fe repandit des copies d'un projet attribué au Comte de Baffewitz pour pacifier le Nord & regler les interêts non-feulement du Duc de Holftein Gottorp, mais encore ceux de la Suede, de la Ruffie, & de l'Electeur de Hanovre, voici cette piece, qui, puisque ce Comte se trouve premier Miniftre, eft importante en ce qu'elle expofe fon fifteme.

Pro

Projet atribué au Comte de Baffewitz pour la pacification du Nord, du 15. Nov. 1726.

ARTICLE PREMIER.

A Czarinne prefentement regnante, "t gnera & gouvernera feule l'Empire de la Ruffie avec un pouvoir abfolu & une autorité fouveraine jufqu'à la fin de fa vie, à moins que de fon propre mouvement, elle ne voulut refigner & conferer la regence de l'Empire à fon fucceffeur.

II. La Perfonne qui fuccedera à la prefente Czarinne, après fon decès ou fa refignation volontaire fera le Jeune Gr. Duc Pierre Alexiewitz, fils du defunt Prince Alexis Petrowitz, & à lui fuccedera fa pofterité legitime.

III. Comme il n'y a nulle aparence que les Ruffies confentent jamais au demembrement de leur Empire, le Duc de Holftein les connoiffant à fond fur cet Article, quelque juftes que fuffent les pretenfions des Enfans du feu Czar du moins fur les Provinces conquifes par ce monarque, lefdits Enfans du dernier Czar laifferont à leur Neveu le Jeune Grand Duc la tranquille poffeffion de l'Emp. Ruffien, & fe contenteront de la feule jouiffance des domaines dependans du Cercle d'Oefel, d'Eftonie & de Livonie avec les revenus de la Douane de Riga.

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IV.

IV. Dès que le Grand Duc fera parvenu à l'âge de fe marier, on lui choifira une Epouse dans la Maifon de Lubeck.

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V. En cas qu'il plut à Dieu de retirer de ce Monde le Grand Duc fans qu'il faiffe d'Enfant legitime, l'Empire. de la Ruffie paffera à la Princeffe Anne Epoufe du Duc de Holftein & à leurs Enfans toute fois avec cette restriction expreffe, que celui des Enfans de cette Princeffe qui fera Roi de Suede, ne pourra pas être Czar, le Duc de Holstein connoiffant auffi fur cet Article le fentiment des Ruffes.

VI. La Princefle Anne venant à mourir fans laiffer d'Enfans pour lui fucceder, ce fera la Princeffe Elizabeth, feconde fille de la Czarinne regnante, à qui l'Empire tombera en partage & à fa Pofterité après elle.

VII. Rien ne revenant plus au veritable interêt du Roi de Pruffe que l'expulfion des Hanoveriens du Païs de Bremen, & cette expulfion étant devenue une affaire, dont le repos de l'Europe, particulierement la Paix de l'Empire depend abfolument, on pourra porter le Roi de Pruffe à favorifer cette expulfion tant defirée & à s'employer auffi efficacement à rendre le Roi de Dannemarc traitable, tant fur sa separation d'avec le Roi d'Angleterre que fur la fatisfaction que le Roi de Dannemarc doit donner au Duc de Holftein; le Duc de Holftein difpofera la Czaritze non feulement à confentir qu'il y ait en Courlande un Duc de la Mailon de Brandebourg, mais même il la portera à prêter main forte pour l'y établir & l'y maintenir contra quofcumque.

VIII.

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