Page images
PDF
EPUB

ANECDOTES.

SINGULARITÉS.

FEU

1.

EU M. Duclos n'écrivoit jamais fans s'être auparavant entretenu plufieurs fois avec fes amis fur la matiere qu'il avoit deffein de traiter, & cela, non pas pour mendier des idées, mais pour en faire naître chez lui par la chaleur d'imagination qu'il fe procuroit en parlant. Avec ce fecours, je trouve en un moment, remarquoit-il, ce qui m'auroit coûté des journées entieres dans mon cabinet, ce que peut-être même je n'aurois pu trouver. Je parlerois à mon laquais, faute d'un auditeur plus compétent. Cela anime toujours plus que de penfer tout feul.

1 I.

Le P. Porée, qui profeffoit la rhétorique avec tant d'éclat au college de Louis le Grand, rencontra un jour dans la rue un magiftrat qu'il avoit loué dans une de fes harangues. Le célebre jéfuite s'inclina pour le faluer. Celuici ne lui rendit point le falut. Mon frere, dit

le P. Porée au religieux qui l'accompagnoit, voilà un magiftrat bien droit.

III.

Le maréchal de Villars dit un jour à madame de Maintenon: » Les vrais ferviteurs, » Madame, font ceux qui grondent; les cour »tifans approuvent tout. «

I V.

M. Lefebvre, neveu de Lamotte, examinant les papiers de fon oncle, en trouva un fur lequel il étoit écrit. » Je viens de lire une » tragédie angloife où deux petits enfans ex» citent le plus vif intérêt. J'inventerai cela » quelque jour au théatre François. « Et Lamotte fit depuis Inès de Caftro.

V.

Un gros avocat à face ronde, bon réjoui, intrépide mangeur, médiocrement riche, faifoit une cour affidue à une veuve qui avoit de la fortune, mais qui ne vouloit pas le remarier par rapport à fes enfans. Elle avoit éconduit plufieurs fois le perfonnage. » Vous n'y pen» fez pas, lui difoit le légifte importun; jé » ne vous demande que part d'enfant. « Le précepteur du petit-fils de la veuve, inftruït de la prétention de l'homme de loix, en profita très bien, comme on va le voir. La veuve

donna un grand dîner de famille, où l'avocat fut invité. L'inftituteur étoit auffi de la fête. Le jurifconfulte qui avoit la réputation d'être le plus grand gourmand de France, joua le fobre à table. Après les premiers fervices, on lui propofa l'aile d'un poulet gras. Il fit beaucoup de façons pour l'accepter. » Allons donc, » Monfieur, lui dit le précepteur en lui met» tant l'aîle fur fon affiette, allons donc, vous » badinez, ce n'est-là qu'une part d'enfant. «

V 1.

M. de Bombarde qui tenoit une excellente maifon où il raffembloit les artiftes du premier ordre, n'eut d'autres foins que de paffer doucement fa vie en éprouvant fans ceffe les charmes de l'amitié, des arts & des talens. La mufique fut fon goût le plus décidé; la poéfie, la littérature ancienne, les romans, l'occuperent enfuite; enfin la peinture, l'hiftoirematurelle & la botanique leur fuccéderent, & il s'y livroit entièrement, lorfque M. de la Place lui témoignant de l'inquiétude fur ce qu'il pourroit devenir quand ce dernier genre d'occupation & d'amufement n'auroit plus rien de piquant pour lui: » Oh! mon ami, lui ré»pondit-il, tranquillifez-vous là-deffus j'ai » bientôt foixante ans, il me refte, graces au » ciel, encore cinq à fix goûts en réserve; » & c'eft plus qu'il n'en faut pour achever agréablement ma carriere. «

[ocr errors]

BIBLIOGRAPHIE

DE L'EUROPE.

ITALIE.

DE vitiis publicæ educationis, &c. Difcours fur les défauts de l'éducation publique, prononcé dans l'univerfité de Ferrare, à la rentrée des études, au mois de novembre mil - fept cent quatre-vingt; par François-Etienne de Bartholomei, &c. A Venife, 1781. In-4to. De l'imprimerie de Pierre Savioni.

L'AUTEUR

'AUTEUR commence fon difcours par marquer l'incertitude & la vanité de plufieurs découvertes & fpéculations; il montre enfuite que la plus utile occupation des gens-de-lettres eft celle, dont le but eft de traiter & d'éclaircir la philofophie morale, & par-là d'améliorer les mœurs des hommes. L'éducation de la jeu neffe devroit être le principal devoir d'un philofophe, parce qu'étant perfectionnée, elle ren droit meilleures les mœurs des citoyens. Comme l'on ne manque pas de projets & de plans concernant l'éducation publique & particuliere, l'auteur ne s'eft attaché qu'à montrer les défauts, qui accompagnent toujours l'éducation ordinaire de la jeuneffe. D'après l'exemple de toutes les nations anciennes M. Bartho

2

lomei voudroit qu'en premier lieu on infpirâc à la jeuneffe l'horreur du faux, de l'injufte, & en général de toute forte de vices, & qu'on l'entretînt dans l'amour de la vérité, de la droiture, de l'honneur & de toutes les vertus. La négligence de cette pratique a produit dans tous les tems des hommes méchans ou vicieux. L'auteur en apporte cette raifon » Si les hommes, » dit-il, diftingués par leur favoir & leur ef»prit euffent fuivi cette maxime, on n'eût » point vu un Velleius-Paterculus & un Va» lere-Maxime donner les plus grands éloges » aux actions & à la mémoire de Tibere, le » plus fcélérat des princes; on n'eût point va » un Séneque louer à fa mort Claude, fur le» quel il fit enfuite la plus fanglante fatyre en » forme d'apothéofe, après avoir exalté fa fa» geffe & fà modération. Ce même écrivain, » verfé dans tous les genres de littérature, fit » l'apologie de Néron, dont le nom feul com» prend tous les forfaits, dans le deffein de le » laver du crime de parricide, & de prouver

la juftice de la mort de fa mere Agrippine. » Aucun homme vertueux ne fe trouva, pour » faire ce que des gens-de-lettres pouvoient » faire. De nos jours, abufant exceffivement » de fes talens & de fon efprit, Linguet ne » femble-t-il pas s'être propofé d'imiter les au"teurs, que nous venons de nommer, en pré. » tendant venger de l'injuftice des hiftoriens, » comme il le dit lui-même, des monftres de» voués à l'exécration de l'univers? « Notre rhéteur loue enfuite les colleges & les féminaires où l'on enfeigne fur-tout les belles-lettres & les fciences; mais il fe plaint de ce qu'on néglige les bonnes maximes, qui peuvent infpirer aux jeunes gens l'amour de la vigilance, de la

« PreviousContinue »