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premier repas. Son fommeil n'étoit jama's » troublé par les vapeurs de l'indigeftion; & » excepté dans le court intervalle d'un maria» ge, qui fut plutôt l'ouvrage de la politique » que de l'amour, le chafte Julien ne prit » jamais de femme pour partager fon lit. Il

étoit éveillé de bonne heure par des fecré »taires, qui fe repofoient tout le jour pré»cédent; & fes domeftiques étoient obligés » d'attendre tour-à-tour, tandis que leur maîntre infatigable, ne fe permettoit d'autre dé» laffement que le changement d'occupations. » Les prédéceffeurs de Julien, fon oncle, fon » frere, fon coufin, fuivoient leur goût » puérile pour les jeux du cirque, fous le » prétexte fpécieux de fatisfaire les defirs du

peuple, & fouvent ils y reftoient la plus grande partie du jour, comme des fpectateurs » oififs, & comme fe donnant eux-mêmes en » spectacle, jusqu'à ce que les vingt-quatre

courfes fuffent totalement finies. Dans les » fêtes folemnelles, Julien, qui reffentoit &

montroit un dégoût particulier pour ces amu» femens frivoles, venoit au cirque par pure » condescendance; & après avoir jetté un » léger coup-d'œil fur cinq ou fix courses, il fe » retiroit à la hâte, avec l'impatience natu»relle à un philofophe, qui regardoit com» me perdus tous les momens, qui n'étoient » point confacrés aux avantages du public ou à la culture de fon efprit: avare du tems, il » femble avoir prolongé la courte durée de fon » regne; & fi les dates n'étoient pas fûres &

» certaines, nous refuferions de croire qu'il » ne fe foit écoulé que feize mois, depuis la » mort de Conftance, jufqu'au départ de fon » fucceffeur pour la guerre de Perfe. C'eft le » foin de l'hiftorien de conferver les actions » de Julien; mais la partie de fes volumineux ». écrits, qui exiftent encore, refte comme un‹ ». monument de l'application auffi- bien que du » génie de l'empereur. Le Mifopogon, les Céfars, fes nombreux difcours & fon fameux ».ouvrage contre la religion chrétienne, fu- : » rent compofés dans les longues nuits des deux » hivers qu'il paffa, l'un à Conftantinople, & »l'autre à Antioche. «

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La réforme dans la cour impériale fut un » des premiers foins de Julien en montant fur » le trône. Dès les premiers momens de fon » entrée dans le palais de Conftantinople, il "eut befoin d'un barbier, Un officier magnifiquement habillé, fe préfenta fur le champ. C'est un barbier, s'écria le prince avec une furprise affectée, que je demande, & non un » receveur-général des finances. Il le questionna " fur les émolumens de fa place. Et il apprit » de lui qu'outre des appointemens honnêtes, » & quelques profits confidérables, il avoit à » lui feul par jour ce qui auroit fuffi pour » vingt domeftiques & autant de chevaux. Le » monarque qui laiffoit à fes fujets la fupério» rité de mérite & de vertu, fe diftinguoit » par le luxe onéreux de fes habits, de fa ta»ble, de fes bâtimens & de fa fuite. Les fu» perbes palais conftruits par Conftantin & fes

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» enfans, étoient décorés de quantité de mar"bre précieux & d'ornemens d'or maffif. Pour fatisfaire leur luxe plutôt que leur goût, on leur procuroit les mets les plus exquis, » les oifeaux des climats les plus éloignés, les » poiffons des mers les plus lointaines, les fruits

hors de faifon, des rofes en hiver, & de » la glace en été. La foule des domestiques » du palais coûtoit plus que les légions. Ce» pendant très-peu de cette multitude magni» fique étoient employés au fervice ou même " à la fplendeur du trône. Ce monarque étoit » déshonoré, & le peuple opprimé, par la » création & la vente d'un nombre infini d'em» plois obfcurs & même titulaires; & les der»niers des hommes pouvoient acquérir le pri » vilege d'être entretenus aux dépens des re» venus de l'état, fans être forcés de travail»ler. Le dégât que caufoient ces nombreux » domestiques, l'augmentation des gages & des » profits, qu'ils ne tardoient pas à demander » comme une dette légitime, les préfens qu'ils "arrachoient de ceux, qui redoutoient leur » reffentiment ou briguoient leur faveur, en. » richiffoient ces audacieux valets. Ils abufoient » de leur fortune, fans confidérer leur condi» tion paffée ou à venir; leur rapine & leur » vénalité ne pouvoient être égalés que par » l'extravagance de leur folle profufion. Leurs » robes de foie étoient brodées d'or; leurs ta»bles étoient fervies avec luxe & avec déli»cateffe; les maisons, qu'ils faifoient construire "pour leur propre ufage, auroient occupé le

terrein de la métairie d'un ancien conful; & » les plus diftingués des citoyens étoient obli»gés de defcendre de cheval, pour faluer ́res» pectueulement un eunuque, qu'ils rencon» troient dans un endroit public. Le luxe » du palais excita le mépris & l'indignation » de Julien, qui d'ordinaire couchoit par terre, » qui fatisfaifoit à peine aux befoins indifpen» fables de la nature, & qui mettoit fa vanité, » non à égaler, mais à méprifer la pompe de » la royauté. En extirpant totalement un mal » que l'on exagéroit au-delà de ce qu'il étoit » réellement, il vouloit foulager la mifere & » appaiser les murmures du peuple, qui fup» porte avec moins de douleur le fardeau des » impôts, lorsqu'il eft convaincu que les fruits » de fon industrie font appliqués aux befoins » de l'état. Mais dans l'exécution de ce deffein » falutaire, Julien eft accufé d'avoir agi avec » une trop grande précipitation, & avec une » févérité imprudente. Par un fimple édit, il » réduifit le palais de Constantinople à un vaste » désert, & diminua d'une maniere ignomi» nieuse cette fuite d'efclaves & de valets, » fans faire quelques exceptions juftes, ou au » moins bienfaifantes, en faveur de l'âge, des » fervices, ou de la pauvreté des fideles do

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meftiques de la famille impériale. Tel étoit » au vrai le caractere de Julien, qui se ráp» pelloit rarement cette maxime fondamentale » d'Ariftote, que les véritables vertus confis» tent à tenir un jufte milieu entre les vices » qui leur font contraires. La parure magni

» fique & efféminée des Afiatiques, la frifure » & le fard, les coliers & les bracelets, qui » avoient paru fi ridicules dans la personne » de Constantin, furent rejettés par fon fuc» ceffeur philofophe, en conféquence des prin. »cipes qu'il s'étoit faits. Mais en méprifant » ces futilités, Julien affecta de renoncer à » la décence des habits, & parut fe faire une » gloire de négliger les loix de la propreté. »Dans un ouvrage fatyrique, destiné à voir » le jour, l'empereur parle avec plaifir & » même avec vanité, de fes ongles & de fes » mains noircies d'encre ; il protefte que, » quoique la plus grande partie de fon corps » fût couverte de poil, l'ufage du rafoir n'étoit » deftiné que pour fa tête; il célebre, avec » une complaisance remarquable, fon menton » qui étoit velu & peuplé de petites bêtes, & » qu'il aimoit à foigner, à l'exemple des phi

lofophes de la Grece. Si Julien eût confulté » les fimples préceptes de la raison, le pre"mier magiftrat des Romains auroit dédaigné » l'affectation de Diogene auffi - bien que celle » de Darius. «

Dans le vingt- troifieme chapitre M. Gibbon traite de l'apoftafie de Julien, de la perfécution des chrétiens, & du projet de rétablir le temple de Jerufalem.

Le vingt-quatrieme chapitre fait mention de l'ouvrage philofophiqué de Julien, connu fous le nom des Céfars, & eft terminé par le regne de Jovien.

Le vingt-cinquieme chapitre contient l'état du

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