Page images
PDF
EPUB

»ment & accablé du poids immenfe d'un puif » fant empire. Avant que les maux des guer» res civiles fuffent guéris, les provinces des » Gaules furent inondées d'un déluge de Bar» bares. Les peuples de la Sarmatie ne refpec» terent pas long-tems les barrieres du Da» nube. L'impunité des brigandages avoit ac» cru l'audace & le nombre des farouches » Ifauriens. Ces brigands defcendirent de leurs "montagnes efcarpées, pour ravager les pays >> circonvoisins, & avoient présumé, quoique » fans fuccès, d'affiéger l'importante place de » Seleucie, defendue par une garnison de trois » légions romaines; d'ailleurs, le monarque » Persan, énorgueilli de fes victoires, mena» çoit de nouveau le pays d'Afie, & la pré» fence de l'empereur étoit indifpenfable tant » à l'orient qu'à l'occident. Dès le premier » moment, Constance avoua ingénuement que » fes feules forces ne fuffifoient point pour » une fi grande étendue de foins & de gou» vernement. Infenfible à la voix de la flatte

rie, qui lui affuroit que fon nom tout puif» fant & fa fortune plufque humaine conti» nueroient à triompher de tous les obftacles, » il écouta avec complaifance les avis d'Eufe»bie, qui fervit fa pareffe, fans choquer fon » amour - propre foupçonneux. Comme elle » voyoit que le fouvenir de Gallus étoit en» core prélent à l'efprit de l'empereur, elle fut diriger adroitement fon attention fur les » caracteres oppofites des deux freres, qui, dès » leur enfance, avoient été comparés, l'un à

» Domitien, l'autre à Titus, Elle accoutuma fon époux à envifager Julien comme un » jeune homme d'un naturel doux & peu am» bitieux, dont la fidélité & la reconnoiffance » feroient affurées par le don de la pourpre, » & qui avoit toutes les qualités requifes pour » remplir avec honneur un pofte fubordonné, » fans afpirer, à difputer les fonctions de fon » fouverain & de fon bienfaiteur, ou à om

brager fa gloire. Après une réfiftance obf»tinée, quoique fecrete, le parti oppofé des » eunuques fut forcé de céder à l'afcendant de » l'impératrice; & il fut arrêté que Julien, » après la célébration de fes nôces avec Hé»lene, fœur de Conftance, feroit nommé, » avec le titre de Céfar, gouverneur des pays » au-delà des Alpes. «

Dans le vingtieme chapitre, l'hiftorien rapporte les motifs, les progrès, les effets de la converfion de Conftantin, avec l'établiffement & la conftitution judiciaire de l'églife chrétienne ou catholique. L'établissement public du chriftianifme doit être confidéré comme une de ces importantes révolutions qui excitent la plus vive curiofité & donnent la plus intéressante inftruction. Une grande partie du globe conferve encore l'impreffion qu'elle a reçue de la converfion de Conftantin, & les conftitutions eccléfiaftiques de fon regne font toujours liées par un noeud indiffoluble aux opinions, aux fentimens & aux intérêts du fiecle préfent.

Notre auteur remarque qu'on peut très-difficilement fixer l'époque précife de la conver

fion de Conftantin. (*) Il donne à penser que ce prince pouvoit flotter entre le paganisme & la religion chrétienne; que d'après les principes du polythéisme, il reconnoiffoit dans le dieu des chrétiens une de ces divinités nombreuses qui compofoient la hiérarchie céleste, ou qu'il embraffoit peut-être cette maxime philofophi que & commode, que malgré la diverfité de noms, de rites & de dogmes, toutes les fectes & toutes les nations du monde étoient réunies, dans le culte du pere commun & dụ créateur de l'univers.

» Mais, continue-t il, les deffeins des princes font plus fouvent dirigés par la perspective des » avantages temporels que par la confidération » des vérités abftraites & fpirituelles. Le bonheur

particulier & confidérable de Conftantin doit » naturellement être attribué à l'estime qu'il » avoit pour le caractere moral des chrétiens, " & à la perfuafion où il étoit que la propa»gation de l'évangile inculqueroit la pratique

(*) Lactance, Eufebe & Zozime fe contredifent à ce fujet; mais fi nous pouvons juger des fentimens de Conftantin par fes propres actions, nous pouvons hardiment avancer qu'il ne renonça aux erreurs du paganifme que vers la 40e. année de fon âge, puisqu'à cette époque nous le voyons encore rétablir & enrichir les temples des dieux, & qu'alors nous trouvons des médailles impériales, gravées avec les figures & les attributs de Jupiter, Apollon, &c. A cette épo que, il honora la mémoire de fon frere Conftance par ne apothéofe folemnelle.

» des vertus publiques & particulieres. Quel» que liberté qu'un monarque abfolu montre dans fa propre conduite, quelque licence qu'il fe permette dans fes paffions, il eft fans' » doute de fon intérêt que tous fes fujets ref» pectent les loix naturelles & civiles de la' » fociété; mais l'effet des loix les plus fages » eft imparfait & précaire. Rarement elles inf»pirent des vertus, & elles ne peuvent pas

toujours réprimer les vices; leur pouvoir "eft infuffifant, pour empêcher tout ce qu'elles » condamnent, & elles ne peuvent pas tou

jours punir les actions qu'elles défendent. » Les légiflateurs de l'antiquité ont appellé à » leur fecours la force de l'éducation & du

préjugé; mais tous les principes qui avoient » autrefois maintenu la vigueur & la pureté » de Rome & de Sparte, étoient depuis long»tems éteints dans un empire chancelant &* » defpotique. La philofophie exerçoit toujours »fa douce autorité fur le coeur humain, mais » la pratique des vertus tiroit un très foible » fupport de l'influence de la fuperftition payenne. Dans ces circonftances, où les efprits étoient abattus, un fage magiftrat pou » voit obferver avec fatisfaction les progrès » d'une religion, qui répandoit parmi le peu»ple un système de morale, pur, bienfai» fant, & à la portée de tout le monde, un » fyftême adapté à tous les états & à toutes » les conditions de la vie, recommandé comme la volonté & l'ordre de la divinité" fu» prême, & appuyé par la fanction des ré

> compenfes ou des fupplices éternels. L'expé»rience de l'hiftoire grecque & romaine ne "pouvoit pas apprendre aux hommes.combien » le fyftême des mœurs nationales étoit fuf» ceptible d'être réformé & amélioré par les » préceptes d'une révélation divine; & Conf» tantin pouvoit écouter avec affurance la flat» teufe & très raifonnable promeffe de Lac» tance. L'éloquent apologiste paroiffoit espé »rer avec confiance, & se hasardoit, en quel» que façon, de promettre que l'établiffement » du chriftianisme rétabliroit l'innocence & la » felicité du premier âge; que le culte du vrai » dieu feroit ceffer toute guerre & diffention » parmi ceux qui fe regarderoient réciproque »ment comme les enfans d'un même pere; » que tout defir impur, tout intérêt perfon»nel, toutes paffions feroient réprimées par » la connoiffance de l'évangile, & que les ma» giftrats feroient rentrer dans le fourreau le »glaive de la juftice, le peuple n'étant plus » excité que par les fentimens de vérité & de » piété, de modération & d'équité, d'harmo » nie & d'amour univerfel. «

Notre historien approfondit enfuite avec une pareille liberté, les anecdotes célebres touchant le Labarum, ou étendard de la croix, la vifion de Conftantin & l'apparition célefte; il fépare avec beaucoup de jufteffe les faits hiftoriques, naturels & merveilleux, d'avec les récits extraordinaires qui ont été malicieusement confondus par des écrivains prévenus & intéreffés. Nous obferverons que notre auteur,

« PreviousContinue »