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rotatoires des six alcalis précédents. Considérons d'abord les trois isomères quinine, quinidine, quinicine. La quinine dévie à gauche, la quinidine à droite, et toutes deux considérablement. La quinicine dévie à droite, mais d'une quantité très faible comparée aux pouvoirs rotatoires des deux autres. Les mêmes rapports se présentent dans les trois isomères cinchonine, cinchonidine, cinchonicine. La cinchonine et la cinchonidine dévient l'une à droite, l'autre à gauche, toutes deux considérablement; la cinchonicine dévie au contraire très peu à droite. L'interprétation la plus logique, je dirais presque l'interprétation forcée de ces résultats, est la suivante. La molécule de la quinine est double, formée de deux corps actifs, l'un qui dévie beaucoup à gauche, et l'autre très peu à droite. Ce dernier, stable sous l'influence de la chaleur, résiste à une transformation isomérique, et, persistant sans altération dans la quinicine, il donne à celle-ci sa faible déviation à droite. L'autre groupe, très actif au contraire, devient inactif quand on chauffe la quinine et que celle-ci se transforme en quinicine. De telle manière que la quinicine ne serait autre chose que de la quinine, dont un des groupes actifs constituants est devenu inactif. La quinicine serait également de la quinidine, dont un seul des groupes actifs constituants serait devenu inactif; mais, dans la quinidine, ce groupe très actif serait droit au lieu d'être gauche, comme dans la quinine, et toujours uni à ce même groupe droit peu actif et stable qui persiste dans la quinicine pour lui imprimer sa faible déviation droite. Je pourrais répéter mot pour mot tout ce que je viens de dire en l'appliquant aux trois isomères cinchonine, cinchonidine, cinchonicine, qui sont constitués respectivement comme leurs trois congénères, car ils offrent exactement les mêmes relations.

§ V. Quinoïdine. Je n'entrerai pas dans le détail des expériences que j'ai entreprises sur la quinoïdine; mais il est un point sur lequel je veux appeler l'attention des fabricants de sulfate de quinine et des compagnies qui récoltent les écorces de quinquinas en Amérique. La quinoïdine est toujours un produit d'altération des alcalis des quinquinas. Elle a deux origines distinctes. Elle prend naissance dans le travail de la fabrication du sulfate de quinine, et surtout dans les forêts du nouveau monde, lorsque le bûcheron, après avoir enlevé à l'arbre son écorce, expose celle-ci au soleil pour la dessécher. Alors les sels de quinine, de cinchonine, etc., que renferment ces écorces, s'altèrent et se transforment en matières résineuses et colorantes qui forment la majeure partie de la quinoïdine du commerce. J'ai reconnu, en effet, qu'en exposant au soleil, seulement durant quelques heures, un sel de quinine et de cinchonine quelconque, en solution étendue ou concentrée, il s'altère à tel point, que la liqueur prend une coloration rouge-brun extrêmement foncée. Cette altération est d'ailleurs de la même nature que celle qui s'effectue sous l'influence d'une température élevée. Je crois donc que l'on éviterait des pertes notables de quinine, de cinchonine, etc., et que l'on rendrait plus facile l'extraction ultérieure de ces bases, si l'on avait la précaution de mettre à l'abri de la lumière les écorces de quinquinas dès qu'elles sont récoltées, et d'opérer dans l'obscurité leur dessiccation. Le fabricant de quinine également doit éviter toute action d'une vive lumière.

SUR LES COMBINAISONS DE QUELQUES HUILES VOLATILES AVEC LES BISULFITES ALCALINS, PAR M. C. BERTAGNINI.

Lorsqu'on agite pendant quelques instants de l'essence d'amandes amères avec une solution concentrée de bisulfite de potasse et de soude, on observe une élévation de température, et il se forme des combinaisons blanches et cristallines qui remplissent bientôt la liqueur: ce sont des combinaisons d'huile essentielle et de bisulfite. Pour obtenir le composé renfermant de l'hydrure de benzoïle et du bisulfite de soude, l'auteur ajoute à l'essence d'amandes amères 3 à 4 volumes d'une solution de bisulfite de soude marquant 27 degrés à l'aréomètre de Baumé. Après avoir été agité, ce liquide se remplit d'une masse de cristaux qui renferment, à l'état de combinaison, toute l'essence d'amandes amères employée. On sépare ces cristaux de l'eau mère, et après les avoir fait sécher, on les fait cristalliser trois ou quatre fois dans l'alcool à 50 pour 100.

A l'état de pureté, la combinaison d'hydrure de benzoïle et de bisulfite de soude se présente sous la forme de petits prismes blancs et brillants, qui dégagent une faible odeur d'essence d'amandes amères, et dont la saveur rappelle à la fois celle de cette essence et celle de l'acide sulfureux. Elle se dissout très facilement dans l'eau, et assez bien dans l'alcool bouillant, tandis qu'elle est insoluble dans l'alcool froid. Sa dissolution aqueuse donne, avec le chlorure de barium, un précipité blanc, soluble dans l'acide chlorhydrique; elle précipite abondamment les sels d'argent et de plomb, et les précipités paraissent renfermer une partie de l'huile volatile. Lorsqu'on la fait bouillir, elle se décompose en laissant dégager de l'hydrure de benzoïle. Cette décomposition est favorisée par l'addition d'un acide à la liqueur bouillante. Les acides étendus ne paraissent pas décomposer cette combinaison à froid. Les alcalis et les carbonates alcalins en séparent immédiatement l'hydrure de benzoïle : cette séparation s'opère aussi par l'action du chlore ou du brôme, qui oxydent l'acide sulfureux.

Lorsqu'on chauffe cette combinaison, elle se décompose sans se charbonner en dégageant de l'acide sulfureux et de l'essence d'amandes amères. Elle a donné, à l'analyse, des résultats conduisant à la formule C14 H8 Na S20° Na O, SO, C14 H6O2 + 2 Aq.

La facilité avec laquelle l'essence d'amandes amères forme la combinaison qui vient d'ètre décrite, offre, d'après l'auteur, un moyen facile de purifier l'huile essentielle du commerce. Pour cela, après avoir obtenu les cristaux dont la préparation a été indiquée, on les fait sécher sur une brique, et on les lave ensuite dans un appareil de déplacement avec de l'alcool froid. Le liquide qui passe est d'abord coloré en vert, puis il devient incolore, et laisse dégager de l'acide prussique au bout de quelque temps. Les cristaux, séchés de nouveau, sont redissous dans la plus petite quantité d'eau possible, et la dissolution de l'acide est décomposée par le carbonate de potasse concentré. L'hydrure de benzoïle se rassemble à la surface du liquide. Après l'avoir décanté, on le déshydrate avec le chlorure de calcium et on le distille.

L'auteur a préparé des combinaisons de bisulfite de potasse et de bisulfite d'ammoniaque avec l'hydrure de benzoïle: la dernière combinaison n'est pas cristallisable.

L'hydrure de benzoïle nitré, C14 H5 (AZO) 02, forme, d'après M. Ber-. tagnini, des combinaisons cristallisables avec les bisulfites d'ammoniaque et de soude.

M. Bertagnini a étendu ses recherches à un grand nombre d'aldéhydes, et a constaté que toutes ces combinaisons organiques possédaient la propriété de s'unir aux bisulfites alcalins de manière à former des combinaisons cristallisables. C'est ainsi qu'il a réussi à combiner les aldehydes suivantes avec les bisulfites:

Hydrure de salicyle (ainsi que ses espèces chlorée et bromée): KO, S2 04. C14 H604+ Aq.

Hydrure anisyle (anisol): NaO, S204. C16 H8O4 + Aq.

Hydrure de cinnamyle (essence de cannelle de Ceylan ou de Chine). L'existence d'une combinaison cristallisable d'essence de cannelle et de bisulfite de potasse fournit un moyen facile d'obtenir l'hydrure de cinnamyle pur.

Hydrure de cuminyle (cuminol): Na O, S2O4. C20 H12O2 + 3 Aq. Hydrure d'ananthyle (oenanthol): Na O, S204. C14 H14 O2+3 Aq. Hydrure de capryle (aldéhyde caprique, essence de rue). Az H1 O2, S2 04. C20 H20 02 +3 Aq.

SUR L'ESCULINE, PAR MM. ROCHleder et schwarz.

L'esculine, le principe cristallisable que l'eau bouillante extrait de l'écorce des marrons, se présente à l'état de pureté sous la forme de cristaux prismatiques d'un blanc éclatant, souvent réunis en aigrettes. Elle est inodore, et possède une saveur amère. Sa solution est précipitée par le sous-acétate de plomb, et le précipité jaunâtre se décompose en partie par les lavages. MM Rochleder et Schwarz expriment sa composition par la formule C42 H24 026.

Lorsqu'on la chauffe au bain-marie avec une quantité d'eau suffisante pour la dissoudre à chaud, et à laquelle on a préalablement ajouté 1/8 de son volume d'acide sulfurique, la liqueur se colore en jaune, et, au bout de quelque temps, il se dépose sur les bords de la capsule des aiguilles dont la quantité augmente peu à peu. Ce corps cristallisé est un nouveau principe que les auteurs appellent esculétine: il se forme en même temps une certaine quantité de glucose qui reste en dissolution. L'esculétine forme, à l'état de pureté, des lamelles ou des aiguilles semblables aux cristaux d'acide benzoïque. Peu soluble dans l'eau froide, elle se dissout mieux dans l'eau bouillante, et très facilement dans l'alcool bouillant. Elle possède les caractères d'un acide faible, car elle se dissout facilement dans l'eau légèrement alcaline. Cette solution, colorée en jaune d'or, lorsqu'on y ajoute un acide, laisse précipiter l'esculétine sous la forme d'aiguilles minces et soyeuses. L'esculétine forme, avec l'ammoniaque, une combinaison cristallisable en lamelles jaunes, mais qui perd à l'air toute l'ammoniaque qu'elle renferme.

Les auteurs ont trouvé dans l'esculétine, séchée à 100 degrés : C18 H608. Ils expriment le dédoublement de l'esculine en esculétine et en glucose par l'équation suivante:

C42Я24026 C18H406 + 2(C12H10010).

Esculine.

=

Esculétine.

CHIMIE.

sur L'ARBUTINE, PAR M. KAWALIER,

M. Kawalier a extrait de l'Arctostaphylos Uva ursi, un principe cristallisable qu'il nomme arbutine, et qui forme, à l'état de pureté, de longues aiguilles incolores, réunies en aigrettes, fusibles, amères, solubles dans l'eau, l'alcool et l'éther. L'auteur y a trouvé: C32 1122019 + 2 Aq.

Sous l'influence de l'acide sulfurique, l'arbutine se dédouble en glucose et en arcluvine. On sépare cette dernière substance à l'aide de l'éther, dans lequel elle se dissout. Après l'évaporation de l'éther, on reprend ce résidu par l'eau bouillante, on décolore par le charbon animal, et l'on abandonne la liqueur dans un endroit frais. Elle laisse déposer de volumineux cristaux.

EXAMEN DU PAIN DU MUNITION DISTRIBUÉ AUX TROUPES DES PUISSANCES EUROPÉENNES, ET DE LA COMPOSITION CHIMIQUE DU SON; PAR M. POGGIALE.

Vers la fin de l'année 4850, l'administration de la guerre nomma une commission composée de cinq généraux, de deux intendants militaires et de MM. Bégin et Poggiale, afin d'examiner les résultats obtenus par le système de l'achat direct du pain confié aux ordinaires. La commission étudia toutes les questions posées par le ministre, et chargea particulièrement M. Poggiale de l'analyse chimique du pain de munition distribué aux troupes des puissances européennes, du pain des hospices civils de Paris, des farines de munition et de celles du commerce. Ce sont les résultats de ce travail, continué pendant deux années, que M. Poggiale vient aujourd'hui soumettre au jugement de l'Académie.

M. Poggiale fait connaître dans son mémoire le procédé qu'il a employé pour déterminer la proportion des matières inorganiques de l'eau, desmatières grasses, des matières azotées, de l'amidon, de la dextrine et du glucose. Le poids des matières azotées a été obtenu en détruisant l'amidon par la diastase et en les recueillant sur une toile; quant à l'amidon, on l'a transformé en sucre, à l'aide de la diastase, puis on l'a dosé à l'état de glucose par le tartrate de cuivre potassique.

L'auteur a examiné avec le plus grand soin les pains de munition de France, de Belgique, des Pays-Bas, du grand-duché de Bade, de Prusse, de Francfort, de Bavière, du Wurtemberg, ainsi que ceux d'Espagne, du Piémont et d'Autriche sous le rapport de la fabrication, de la cuisson, de la saveur, de l'odeur, de la nuance, etc., et cet examen lai a permis de constater la supériorité de notre pain de munition. En comparant entro elles les analyses de ces différents pains, on remarque que le maximum de matières azotées est de 8,95 pour 400, et le minimum de 4,85. C'est le pain français qui contient le plus de gluten, et celui de Prusse qui en renferme le moins. M. Poggiale a dosé l'azote pour tous ces pains, par la méthode de M. Péligot.

Il s'est occupé également de reconnaitre la proportion de gluten et d'azote du pain de première et de deuxième qualité de la boulangerie civile, de celui des hospices de Paris et des farines commerciales. En comparant entre eux les nombres obtenus, on reconnaît que le pain et la farine de munition contiennent moins de matières azotées que le pain et la farine

de première qualité; mais ils en renferment plus que le pain des hospices de Paris et la farine de deuxième qualité.

Composition chimique du son. Ce produit est considéré par les uns comme une substance essentiellement alimentaire, plus riche en gluten que le blé, et par les autres comme un élément très nuisible...

La quantité de gluten et d'amidon renfermés dans le son est-elle aussi élevée qu'on l'a admis dans ces derniers temps? Doit-on considérer comme substance alimentaire tout ce qui lui est enlevé par les acides, les alcalis et les dissolvants qu'on emploie pour avoir la cellulose pure? Peut-on, sans inconvénient, laisser dans le pain tout le son contenu dans la farine? Enfin, quelle est la composition chimique du son? Telles sont les questions que M. Poggiale a dû étudier afin de pouvoir fournir les renseignements qui lui étaient demandés.

On détermine généralement la proportion de cellulose contenue dans le son ou dans le blé, en les traitant successivement par les acides et les alcalis étendus, l'eau bouillante, l'alcool et l'éther. Analysé par cette méthode, le son laisse un résidu de cellulose dont le poids s'élève à 5,73 pour 400, et l'on admet que la perte qu'il éprouve représente la proportion de matière alimentaire. Mais cette conséquence n'est pas admissible, par la raison que la cellulose peu agrégée, comme celle qui se trouve à l'intérieur du grain, est dissoute par les alcalis et les acides, et que l'eau elle-même la désagrége facilement lorsque son organisation n'est pas avancée.

Le son contient d'ailleurs d'autres substances qui ne sont point alimentaires. Les recherches auxquelles l'auteur s'est livré lui permettent d'annoncer que la proportion de matière non assimilable contenue dans le son est très considérable, ainsi qu'on pourra s'en convaincre, en répétant les nombreuses expériences qu'il décrit dans son mémoire et que nous nous bornons à indiquer ici.

A. On a traité le son par la diastase; le résidu examiné au microscope ne présentait plus que des cellules, les unes blanches, les autres plus ou moins brunes, et un nombre assez considérable de globules graisseux. Les grains d'amidon avaient complétement disparu; 20 parties de son ont donné 2,55 d'eau, 6, 26 de glucose et 11,19 de résidu insoluble composé de cellulose et de matière azotée.

B. Le son, analysé par la méthode de M. Péligot, a donné 13,403 de matière azotée pour 100; mais tout l'azote n'est pas fourni par une matière azotée assimilable. En effet, du son, ayant traversé successivement les organes digestifs de deux chiens et d'une poule, étant soumis à l'analyse, a fourni 3,516 pour 100 de matière azotée non assimilable. Ces résultats décisifs n'offrent rien d'extraordinaire; en effet, si la valeur nutritive des aliments croit, d'une manière générale, avec la proportion des matières azotées qu'ils renferment, il faut bien admettre aussi que toutes les matières azotées ne peuvent pas être considérées comme nutritives pour l'homme; ainsi, la paille de froment, de seigle, d'orge, d'avoine, les balles de froment, etc., contiennent, d'après les expériences de MM. Boussingault et Payen, depuis 2 jusqu'à 17 pour 100 d'azote, et personne, je pense, n'a soutenu que ces substances fussent alimentaires pour l'homme. Elles sont, comme la partie ligneuse du son, réfractaires à l'action des organes digestifs de certaines espèces animales.

C. Cent parties de son dépouillé, à l'aide de la diastase, des substances

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