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Parmi les méthodes épilatoires, la calotte a procuré quelques succès, mais c'est un traitement barbare et auquel on a depuis longtemps renoncé. Les méthodes épilatoires simples peuvent réussir, mais rarement et au bout d'un temps fort long. Le traitement des frères Mahon guérit, sinon toutes les teignes, du moins un très grand nombre; iba, il faut le reconnaître, un immense avantage sur la calotte et les autres méthodes épilatoires simples proposées jusque-là; mais, par cette méthode, on prolonge indéfiniment la durée du traitement. La plupart des favus ne sont guéris, ainsi que nous l'avons dit déjà, qu'après six mois, un an, dix-huit mois de traitement. Nous rapportons dans notre ouvrage plusieurs observations dans lesquelles on pourra voir que, trois fois appliqué sur les mêmes sujets, le traitement des frères Mahon a échoué trois fois.

On a reproché aux frères Mahon de comprendre, parmi les teignes, beaucoup d'eczéma, de psoriasis, de lichen du cuir chevelu, de confondre, à dessein, le porrigo scutulata avec le porrigo favost, le premier passant dans l'opinion générale pour être le plus facile à guérir ; je leur adresserais, quant à moi, bien plutôt un reproche contraire. C'est généralement, en effet, dans le porrigo scutulata que nous avons vu échouer la méthode des Mahon, et quant aux autres affections du cuir chevelu, tels qu'eczéma, psoriasis, lichen, je pense que les héritiers du secret des Mahon aiment autant avoir à traiter de petites teignes faveuses, bien circonscrites, qu'un eczéma ou un psoriasis général du cuir chevelu. Il semble vraiment que les dermatologistes, hommes de science et médecins, aient été honteux d'avouer qu'un traitement efficace du favus avait été trouvé en dehors d'eux, et par une personne étrangère aux sciences médicales. Il n'est que trop vrai, cependant, que pour la teigne, de même que pour la gale, l'empirisme a devancé la

science.

Il me reste à faire connaître le traitement auquel je soumets les malades atteints de teigne faveuse du cuir chevelu.

La première indication qui se présente à remplir dans le traitement de la teigne, c'est de nettoyer la tête, de la débarrasser de ses croûtes, des poux quand il y en a. Les cheveux doivent être coupés à 2 ou 3 centimètres du cuir chevelu, les poux détruits par l'onguent napolitain ou le bain sulfureux, les croûtes détachées par les lotions d'eau tiède, les bains dans lesquels on fait plonger la tête, à diverses reprises, les cataplasmes émollients. M. Lebert (1) donne le conseil de faire énucléer les croûtes, avec une spatule, par un infirmier. De cette manière, dit-il, les sporules se dispersent moins sur le cuir chevelu que quand on opère le ramollissement et la fonte des croûtes au moyen de lotions et de cataplasmes. Ce conseil peut être bon, mais seulement dans les cas de favus circonscrit, peu étendu, et aussi quand il s'agit de pratiquer les épilations secondaires, lors de la repullulation des godets faviques. Si la teigne est très étendue, si les croûtes occupent presque la totalité du cuir chevelu, il n'y a aucun avantage à suivre cette méthode, qui d'ailleurs est plus douloureuse que l'autre.

Un jour suffit ordinairement à cette opération préliminaire, à la suite de laquelle nous faisons faire sur toutes les parties malades une première lotion parasiticide avec le solutum de sublimé ou la dissolution d'acétate de

(1) Traité pratique des maladies scrofuleuses et tuberculeuses, p. 255.

cuivre, dans le but de détruire tout ce qui reste de libre des produits faviques à la surface du cuir chevelu, et sur les dépressions cutanées qui succèdent à l'enlèvement des croûtes.

La seconde indication, c'est d'épiler. Quelles sont les parties que l'on doit épiler? quelles sont celles qu'il faut respecter?

J'avoue que dans le principe, la crainte de dégarnir pour toujours une étendue plus ou moins grande du cuir chevelu m'avait rendu excessivement timide, et que je n'osais arracher les cheveux que sur les parties rouges, tuméfiées et antécédemment couvertes de croûtes: je n'allais pas au delà, L'expérience est venue bientôt m'apprendre que non seulement ma crainte était mal fondée et que les cheveux repoussaient constamment sur les parties épilées, malades ou non, mais encore que, par suite de l'application des moyens curatifs il poussait des cheveux là où nous pensions au début du traitement qu'il y aurait calvitie pour toujours. Aujourd'hui je n'hésite pas à donner le conseil d'épiler, non seulement les surfaces malades, mais même les parties environnantes, celles sur lesquelles les cheveux paraissent altérés. Si l'on a affaire à un porrigo dispersé par places sur toutes les régions de la tête, il faut épiler tout le cuir chevelu, et pour peu que la teigne soit étendue, pour peu que les cheveux paraissent altérés et n'offrent qu'une faible résistance à l'arrachement, l'épilation primitive doit s'étendre à toute la tête. Il est important de ne pas laisser une couronne de cheveux au-dessus du front ou de la nuque.

L'épilation primitive peut être assez souvent pratiquée d'emblée, sans aucune préparation et sans douleur, au moyen des pinces. Il faudrait une complication inflammatoire assez sérieuse, une phlegmasie assez intense, un érysipèle du cuir chevelu pour faire ajourner l'épilation. Si les cheveux que l'on juge à propos d'arracher tiennent quelque peu, on fait deux fois par jour, pendant quatre ou cinq jours, des frictions avec une pommade alcaline ou mieux encore avec l'huile de cade pure.

L'épilation est toujours un travail facile mais qui exige cependant quelque dextérité de la part de celui qui la pratique. Les cheveux implantés obliquement dans le tissu de la peau demandent à être extraits dans le sens de leur implantation. Si les mors de la pince ne saisissent, à la fois, que deux, quatre, six cheveux implantés dans le même follicule, on aura ces cheveux avec une grande facilité. Si au petit bouquet uniloculaire, on veut ajouter le bouquet voisin, on occasionnera de la douleur au malade et l'on s'exposera à rompre les cheveux. Nous avons pu cependant extraire aisément et sans douleur, au moyen des pinces, des bouquets formés de douze et quinze cheveux. C'est pour cela que nous avons fait faire, et que nous avons à notre disposition des pinces à mors plus ou moins larges, depuis 3 millimètres jusqu'à 8 ou 10, et dont nous nous servons tour à tour au besoin, suivant les cas.

L'épilation doit être faite avec le plus grand soin. Il faut extraire tous les poils follets que l'on peut enlever avec la pince. Un assez grand nombre de ces poils trop déliés échappent à l'instrument. Ce n'est que quelques jours après la première épilation qu'ils grossissent et peuvent être saisis à leur tour. La chevelure peut se comparer à une forêt dont les grands arbres étouffent les petits qui ne se développent qu'après la coupe ou l'arrachement des premiers.

L'épilation se fait sans douleur; elle n'est suivie en général d'aucun

suintement sanguin. Sur deux sujets seulement, l'un venant d'Alger, l'autre de Marseille, tous deux admis dans notre service pour y être traités de la teigne, il existait un état fongueux des bulbes, et l'épilation, sans occasionner plus de douleur que de coutume, fut accompagnée d'un léger écoulement de sang, qui nous a paru être plus favorable que nuisible.

L'épilation primitive est immédiatement suivie de la lotion d'eau savonneuse, et d'une imbibition parasiticide avec le solutum de sublimé. C'est ainsi que l'on remplit la troisième indication qui consiste à détruire la partie profonde ou intra-cutanée du champignon.

L'épilation primitive demande trois ou quatre jours. Les séances ne peuvent se prolonger chaque jour au delà d'une heure et demie, deux heures. Les enfants ne pleurent pas, ne souffrent pas; mais ils s'ennuient de rester deux heures dans la même position et les mouvements qu'ils font dérangent l'opérateur.

Après la première épilation on se borne pendant trois ou quatre jours à faire, matin et soir, une lotion sur la tête avec la dissolution de sublimé, puis les jours suivants une onction avec l'axonge ou mieux encore avec la pommade ci-dessous :

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S'il survient une éruption pustuleuse, on se borne à vider les pustules en les perçant avec une épingle.

De jour en jour on voit tomber la rougeur morbide; les surfaces malades qui étaient tuméfiées s'affaissent, le cuir chevelu reprend quelquefois un aspect tout à fait normal. Bientôt les cheveux commencent à repousser et l'on dirait souvent le malade tout à fait guéri; mais le plus ordinairement, au bout d'un temps qui varie entre trois et six semaines, il arrive une nouvelle éruption favique, beaucoup plus rare assurément que la première, mais qui, quelquefois encore, est extrêmement multipliée. Celle-ci néces site de nouveaux soins on doit, avec une épingle, énucléer chacun des petits godets faviques, arracher le poil avec les pinces et faire une nouvelle imbibition parasiticide avec la dissolution d'acétate de cuivre.

Il est inutile d'attendre la manifestation de cette nouvelle éruption favique; on doit pratiquer l'épilation secondaire dès que les cheveux peuvent être saisis avec la pince. Pendant deux ou trois jours on continue, matin et soir, la même lotion parasiticide, puis les jours subséquents on fait graisser la tête alternativement avec le saindoux et la pommade d'acétate de cuivre. La rougeur disparaît graduellement; les démangeaisons cessent, les cheveux repoussent, mais avec des qualités physiques bien différentes de celles qu'ils présentaient lors de l'entrée du malade à l'hôpital. Ils sont généralement plus multipliés; on en trouve souvent sur des parties qui paraissaient tout à fait chauves. Au lieu d'être ternes, cendrés, blanchâtres, ils ont une couleur franche: noirs, chatains ou blonds; examinés au microscope ils n'offrent aucune altération pathologique.

Si le traitement a été bien appliqué la guérison radicale de la teigne est obtenue au bout de six semaines, deux mois. Nous avons gardé quelques uns de nos malades pendant six et huit mois afin de nous assurer qu'aucune récidive n'était à craindre.

Ce n'est pas par l'inspection microscopique des cheveux que nous avons

pu acquérir la certitude d'avoir guéri radicalement nos teigneux, pas plus que ce n'a été par la constatation de la mort des acarus que nous avons pu, en 1850, certifier la guérison des galeux après deux frictions insecticides sur tout le corps; car, de même que pour la gale beaucoup d'acarus, les mâles en particulier pouvaient échapper à l'œil investigateur du micrographie, pour la teigne beaucoup de cheveux malades pouvaient également nous échapper, et il eût été bien impossible d'examiner toute la chevelure au microscope. Dans la gale, comme dans la teigne, c'est en gardant les malades, après guérison, au delà du temps nécessaire à la récidive qu'on peut être certain d'être arrivé à une cure radicale. Quand la maladie se reproduit au bout d'un an, ce n'est plus une récidive, c'est une nouvelle attaque.

Dans cette description du traitement de la teigne nous avons supposé le favus répandu sur une grande partie du cuir chevelu et les cheveux plus ou moins altérés, d'où la nécessité de l'épilation générale. Si le favus est très circonscrit, si les cheveux sont sains, le traitement sera le même; mais la surveillance doit être incessante et plus grande que dans le cas précédent; car il arrive souvent qu'au moment où l'on croit le malade parfaitement guéri, on voit apparaître, çà et là sur la tête, de petites places rouges et tuméfiées, avec prurit, indice certain d'une nouvelle éruption favique. Aussi, quand ces choses se passent et se répètent plusieurs fois, vaut-il mieux faire frictionner toute la tête avec l'huile de cade pendant quelques jours et abattre la chevelure entière. On évite ces poussées partielles qui tiennent souvent à la contagion, en recommandant au malade, qui n'a que quelques points atteints de cuir chevelu, de se graisser les cheveux avec la pommade d'acétate de cuivre.

Nous ne saurions trop insister sur la nécessité de pratiquer avec soin les épilations secondaires, quand l'apparition de tout petits godets faviques ou de petites places tuméfiées et rouges indique ces épilations.

Le favus s'est montré à nous et nous l'avons décrit sous trois formes : urcéolaire, scutiforme et squarreux. Ces trois formes sont identiques, quant au fond. Chacune d'elles n'exige aucune indication particulière. Nous dirons seulement que le favus urcéolaire ou favus isolé, regardé généralement comme le plus difficile à guérir, le plus rebelle aux agents thérapeutiques est, au contraire, celui dont on obtient le plus aisément et le plus promptement la guérison, et cela se conçoit, puisque dans cette forme les bulbes sont attaqués isolément, individuellement, tandis que dans les autres formes la maladie est confluente et que le premier effet du traitement est de la rendre discrète, de la faire passer à l'état de favus urcéolaire.

Quand le favus occupe simultanément le cuir chevelu et d'autres régions du corps, les bains seuls débarrassent le malade de son favus du corps, qui le plus souvent ne se reproduit pas. S'il se reproduisait, on l'attaquerait par les moyens que nous venons d'indiquer pour le favus du cuir chevelu, et le succès ne se ferait pas longtemps attendre.

Il est certaines précautions qu'il ne faut pas négliger pendant le cours du traitement de la teigne. Les malades en traitement ne doivent pas communiquer avec les nouveaux venus. Ils ne doivent pas séjourner dans la salle où ces derniers sont reçus. Si l'atmosphère d'une salle est chargée de sporules faviques, il est difficile d'éviter qu'il n'en tombe sur des têtes dégarnies de cheveux, et par conséquent sur un terrain propre à les déve

lopper. Nous avons soin de faire couvrir constamment la tête de nos teigneux avec un bonnet de toile imprégné d'un corps gras. Ils ne le quittent que pour les pansements et au moment de la visite. Après la guérison, la tête doit être tenue proprement, la chevelure enduite de pommade. C'est le meilleur moyen d'éviter une nouvelle atteinte du mal.

Une sécrétion épidermique, comme pityriasique, se montre assez souvent, et pendant un temps plus ou moins long, sur les parties qui ont été le siége de la teigne. Cette sécrétion n'a rien qui doive inquiéter: elle disparaît par les ablutions d'eau simple et l'application d'un corps gras.

De la teigne tonsuranle. Les frères Mahon ont appliqué à la teigne tonsurante le traitement du favus; ils la guérissent généralement dans l'espace de huit ou dix mois.

M. Cazenave ne croit pas qu'il soit possible de fixer la durée du traitement de l'herpès tonsurant. Les moyens qu'il indique sont les lotions boratées, la pommade avec l'onguent citrin et le goudron, avec le tannin, le sulfure de chaux, etc.; il l'a vu guérir au bout de six et huit mois, quelquefois au bout d'un an et plus. Les cheveux repoussent toujours; on n'a pas à redouter, comme dans le favus, une alopécie permanente. Les topiques trop actifs ne conviennent pas (1),

Il est certain qu'on peut obtenir la guérison de la teigne tondante sans épilation et par les moyens qu'indique M. Cazenave. J'ai, moi-même, traité par ces moyens, en ville, cinq enfants atteints de cette affection, Tous les cinq sont guéris, et les cheveux sont repoussés sains sur les places qui avaient été le siége du mal; mais la guérison a été longue à obtenir et le traitement s'est prolongé pendant près d'une année.

Notre méthode épilatoire, suivie de l'imbibition parasiticide, réussirait à merveille dans la teigne tondante, mais la première condition du succès, l'épilation, ne peut être que très difficilement obtenue. Les cheveux s'enlèvent avec facilité et sans douleur sur les plaques, mais on n'en arraché qu'un très petit nombre; ils viennent presque tous sans racine. Le champignon qui les imprègne les rend fragiles et ils se rompent au plus léger effort de traction que l'on fait pour les extraire.

On doit attaquer cette affection dès sa naissance, et alors il est facile d'en arrêter les progrès: il faut épiler toutes les petites places sur lesquelles apparaissent des vésicules herpétiques, et lotionner les points dégarnis avec une éponge ou une petite brosse douce imbibée d'une solution de sublimé (2 grammes de sublimé dissous dans l'alcool pour 500 grammes d'eau distillée). La dissolution d'acétate de cuivre ne convient pas ici, elle est trop active, et, comme l'a très justement remarqué M. Cazenave, les topiques trop irritants accroissent le mal. Sous leur influence, le champignon se multiplie d'une manière souvent effrayante.

Si la teigne tondante est prise au début, la guérison est prompte. On arrête immédiatement les progrès de cette affection.

Lorsqu'il existe déjà des plaques circulaires, squameuses, couvertes de cheveux brisés avec leurs gaines blanches; que la peau est ardoisée, les follicules hérissés, il faut encore recourir au même traitement; mais la guérison n'est plus aussi rapide parce que l'épilation ne peut être que partielle et très imparfaite. Il est bon, cependant, de débarrasser la plaque de

(1) Traité des maladies du cuir chevelu, p. 205.

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