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de Latour-Dupin, ancien ministre, fut interrogé. Lorsque le président lui adressa ces mots: Connaissez-vous l'accusé? il se tourna vers la Reine, s'inclina profondément devant elle, pénétré de douleur et de respect. « Ah! oui, j'ai » l'honneur de connaître Madame. »

Manuel, fameux à jamais par ses crimes et ses tardifs remords, fut entendu; l'histoire doit le dire, il pouvait sauver sa vie en calomniant la Reine, il ne voulut point l'acheter à ce prix.

Bailly, célèbre dans les sciences, et plus tristement célèbre dans les annales de la révolution, fut appelé pour déposer comme témoin. Après avoir dit qu'il n'avait jamais eu de relation avec la famille royale, il déclara que l'acte d'accusation contre Marie-Antoinette était fondé sur des faussetés.

Le tribunal de sang, voulant feindre un respect dérisoire pour les formes, donna à la Reine deux défenseurs, Chauveau-Lagarde et Tronçon-Ducoudray: ce fut seulement deux jours. avant l'arrêt fatal qu'ils furent choisis; à peine curent-ils quelques instans pour lire avec l'acte d'accusation une foule de pièces et préparer la défense. Chauveau-Lagarde fit entendre quelques nobles paroles, que n'osèrent recueillir aucun des journaux du temps; mais on demeure

confondu quand on lit la réponse que fit Tronçon-Ducoudray au président, qui interpellait les défenseurs de déclarer s'ils avaient quelques observations à faire après la lecture de la condamnation: «Citoyen président, osa-t-il dire, » la déclaration des jurés étant précise et la loi formelle, j'annonce que mon ministère, à l'égard de la veuve Capet, est terminé. »

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Sans doute les discours des plus grands orateurs n'auraient point arraché l'auguste victime à ses bourreaux; l'assemblée régicide avait résolu sa mort: mais un tel langage, en présence de telles adversités! c'est là une de ces hontes qu'une lâche terreur peut scule expliquer.

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Pendant les vaines formalités du tribunal révolutionnaire, Marie-Antoinette avait été conduite hors de la salle; elle fut ramenée pour entendre sa condamnation; l'héroïque fille de Marie-Thérèse', dans cet instant terrible, fixa ses regards vers ses bourreaux, puis les éleva vers les cieux; on eût dit que l'auguste victime venait de condamner ceux qui s'appelaient ses juges; ils restèrent immobiles et semblèrent frappés de la foudre. Dans les fers, au milieu des outrages, sur les marches de l'échafaud', toujours elle fut Reine, toujours on retrouva ce grand caractère qui l'élève au-dessus de tout ce qui fut grand sur la terre.

Pendant le cours de ces funèbres séances, à peine permettait-on à l'auguste victime de prendre quelque nourriture. Un jour un officier de gendarmerie, appelé de Busnes, ayant été chercher un verre d'eau à celle qui fut Reine de France, il fut dénoncé pour cet acte d'humanité. Les membres du comité de salut public et les juges du sanglant tribunal avaient résolu de réduire Marie-Antoinette à un degré extrême de faiblesse; ils s'irritaient de la fierté de ses regards. En entrant pour la dernière fois dans sa prison, elle se jeta toute vêtue sur son lit, et s'enveloppa les pieds avec une de ses couvertures. La Reine avait beaucoup souffert du froid; elle dormit quelques heures du sommeil le plus calme; puis elle écrivit, dans cet instant suprême, à madame Élisabeth, cette lettre sublime, qu'après trente années la Providence. a permis de retrouver.

Comme au jour du 21 janvier, on avait ordonné à un peuple glacé par la terreur de prendre les armes; et le bruit des canons, que l'on traînait dans toutes les rues, sur toutes les places, redoublait encore l'épouvante; il était onze heures quand on vint avertir la Reine et la conduire à l'échafaud. L'auguste fille des Césars fut placée sur une charrette; ses mains furent liées : un prêtre constitutionnel s'était introduit auprès de

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l'auguste victime. Une tradition de cette époque assure que ce prêtre s'approcha de la Reine, et osa lui dire : « Votre mort va ex

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pier... » La Reine l'interrompit avec dignité ; « Oui, Monsieur, des fautes, mais pas un seul >> crime. »

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Quelques instans après ce prêtre l'exhortant à avoir du courage: « Ah! Monsieur, lui répondit la Reine avec un accent plein d'élé»vation, il y a plusieurs années que j'en fais l'apprentissage; ce n'est pas au moment que » mes maux vont finir qu'on m'en verra man» quer (1). »

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Les bandes du 10 août et de septembre attendaient l'auguste victime au pied de l'échafaud, et faisaient retentir l'air des cris de Vive la république! à bas la tyrannie! Toujours calme

(1) Nous transcrirons ici un passage du récit des événemens arrivés au Temple, écrit par Madame la Dauphine.

« On donna à la Reine un prêtre jureur pour ses derniers » momens; quelque chose qu'il lui dit, après l'avoir refusé >> avec douceur, elle ne l'écouta plus et ne voulut pas se ser>> vir de son ministère: elle se mit à genoux, pria Dieu toute » seule pendant long-temps, se coucha ensuite et dormit >> quelques heures. Le lendemain, sachant que le curé de >> Sainte-Marguerite était en prison en face d'elle, elle s'ap>> procha de la fenêtre, regarda la sienne et se mit à genoux; >> on m'a dit qu'il lui avait donné l'absolution ou sa bénédic>>tion. >>>

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