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seraient condamnés à l'amende en faveur des pauvres. >>

Voidel, défenseur d'Orléans-Egalité, rappela tous les sacrifices qu'il avait faits à la révolution et la haine profonde que lui portaient les royalistes. Herman, qui présidait le tribunal, prononça le jugement en ces termes :

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«Le tribunal, d'après la déclaration unanime du jury, portant que Louis-Philippe-Joseph d'Orléans-Egalité, ci-devant duc d'Orléans, › et Anne-Pierre Coustard, ex-député à la Con»vention nationale, sont convaincus d'être les » auteurs ou complices de la conspiration qui » a existé contre l'unité et l'indivisibilité de la république, contre la liberté et la sûreté du peuple français, condamne lesdits Egalité et » Coustard à la peine de mort. »

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Coustard, en entendant cet arrêt, éprouva une vive émotion. D'Orléans s'écria d'une voix forte: Eh bien, marchons tout de suite. Puis» que vous étiez décidés à me faire périr, dit-il » à ses accusateurs, vous auriez dû au moins → chercher des prétextes plus plausibles pour » y parvenir; car vous ne persuaderez jamais à » qui que ce soit que vous m'avez cru cou⚫pable de tout ce dont vous venez de me dé> clarer convaincu, et vous moins que per» sonne, vous qui me connaissez si bien, ajou

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ta-t-il en regardant fixement le chef du jury Antonelle. Au reste, puisque mon sort » est décidé, je vous demande de ne pas me » faire languir ici jusqu'à demain, et d'or› donner que je sois conduit à la mort sur le » le champ.

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D'Orléans-Egalité cut pour compagnons de son supplice, Coustard et trois malheureux que le tribunal avait jugés la veille; l'un d'eux, appelé Brousse, était un pauvre serrurier. Il refusait obstinément de monter dans la charrette, et ne cessait de dire: « Je suis condamné à mort, c'est vrai; mais le tribunal ne m'a pas condamné à aller à l'échafaud dans la compagnie et dans la même charrette que cet infâme scélérat d'Orléans,» et l'on fut obligé d'employer la force pour jeter le malheureux serrurier dans le tombereau où était d'Orléans-Egalité.

Ce fut le 6 novembre 1793, vers quatre heures du soir, que le cortège sortit de la Conciergerie. Dès que la nouvelle se répandit que d'Orléans-Egalité allait au supplice, une foule innombrable se précipita de toutes parts sur son passage. Tous ses crimes lui furent reprochés : « Le voilà, disait-on, celui qui, par amour

de l'or, fit périr la princesse de Lamballe! O misérable, tu avais voté la mort de ton parent;

» tu voulais être roi : le ciel est juste, ton trône » sera un échafaud. »

D'Orléans-Egalité semble entendre avec indifférence cette foule qui lui prodigue tant d'outrages; on dirait, à son impassibilité, qu'il n'éprouve ni regrets ni remords; cependant il souffre intérieurement, ses traits sont décomposés, et toutes les excroissances d'un rouge très vif qui couvraient son visage ont entièrement disparu. Quand des imprécations s'élevaient du sein de cette foule qui se pressait autour du fatal tombereau et insultait à son malheur, on assure que, fixant ses regards sur cette multitude, on lui entendit prononcer ces paroles: "Ah! sile vertueux Louis XVI pouvait renaître, » il me pardonnerait, lui!!! »

Lorsque d'Orléans-Egalité fut arrivé sur la place du Palais-Royal, le tombereau s'arrêta près d'un quart-d'heure en face de la grille; on avait inscrit sur la façade du palais, en énormes caractères et aux trois couleurs, les mots suivans: Liberté, égalité, fraternité, unité et indivisibilité de la république ou la mort. Propriété nationale. Les regards d'Egalité fixèrent cette inscription, et l'on remarqua dans tous ses traits des mouvemens convulsifs.

Lorsque la fatale charrette eut passé la rue de Richelieu, il fit signe au confesseur de

s'approcher, le pria de ne plus l'abandonner, et ne cessa de s'entretenir avec lui: au pied de l'échafaud il reçut sa dernière bénédiction (1).

Ainsi périt celui dont les dernières années furent si fatales à la France! Il tomba sous les

(1) Un ecclésiastique, M. Lothringer, a rapporté ainsi, dans un écrit imprimé, les derniers instans d'Orléans-Egalité :

<< De tous les hommes qui l'entourèrent et eurent » sur ses destinées une si déplorable influence, un » seul se trouvait encore près de lui; les autres l'im» molaient; celui-là condamné à périr, cherchait une > distraction dans le vin; il s'était enivré et blasphé» mait. Un prêtre est introduit; il l'accable d'injures » et s'endort. Le duc d'Orléans demande au prêtre s'il » est dans les bons principes de la religion; celui-ci lui ré» pond qu'il a été entraîné par l'exemple de Gobel, » il était son grand-vicaire, mais qu'il a abjuré ses » erreurs et est revenu aux principes de l'Eglise. Alors » le prince s'agenouille et commence le long aveu de » sa vie, en demandant sans cesse s'il peut espérer » d'obtenir miséricorde. Sur l'assurance qu'il en re» çoit, il s'écrie: Je leur pardonne ma mort; ils » m'ont imputé des faits faux, mais j'ai commis un » crime qui mérite la mort ; j'ai contribué à celle d'un » innocent, de mon Roi............... Voilà ma mort ; mais il » était trop bon pour ne me point pardonner. » Il termina en invoquant la miséricorde divine.

coups de ses complices. La révolution avait mission de frapper Egalité; mais l'éternelle morale et l'éternelle justice ont condamné la mémoire du prince à l'éternel opprobre.

Cependant l'assemblée régicide continuait le cours de ses sanglantes proscriptions, et s'abandonnait à tous les crimes avec une fureur tous les jours croissante. Robespierre et Danton, ces deux athlètes rivaux, semblaient s'étudier à se surpasser en cruauté; Danton s'exprimait ainsi :

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Vous venez de proclamer à la face de la France, qu'elle est encore en vraie révolu» tion, en révolution active; ch bien, il faut › la consommer cette révolution; ce n'est pas » assez d'une armée révolutionnaire, soyez révolutionnaire vous-mêmes.

» Il reste à punir et l'ennemi intérieur que » vous tenez, et ceux que vous avez à saisir ; » il faut que le tribunal révolutionnaire soit divisé en un assez grand nombre de sections » pour que tous les jours les aristocrates paient, de leurs têtes, leurs forfaits. »>

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Pendant que Danton faisait entendre ces terribles paroles, Robespierre établissait les principes du gouvernement révolutionnaire en

ces termes :

La théorie du gouvernement révolution

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