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secourir leurs frères. Les insurgés de Marseille redoublaient d'énergie, et par représailles, ils mettaient hors la loi les membres de la Convention; ils avaient levé des bataillons nombreux dans le dessein de se joindre aux Lyonnais, et si ce plan eût réussi, la Convention eût été perdue; déjà ils s'étaient emparés d'Orange et d'Avignon, lorsque quelques bataillons, venus de l'armée des Alpes et conduits par le commissaire Albitte, devinrent maîtres du pont du Gard: les Marseillais durent évacuer Orange et Avignon, et se replier sur Marseillé. Un décret déclara traîtres à la patrie tous ceux qui auraient quitté leurs demeures pour se rendre dans l'une des villes insurgées; la confiscation de leurs biens fut prononcée.

Les fureurs de la Montagne éclataient contre les députés de la Gironde; c'était sur leurs têtes qu'elle faisait retomber la responsabilité de tant de craintes qui l'assiégeaient encore ; toutes communications furent interdites entre les députés proscrits; ils furent placés sous la surveillance de gendarmes; plus tard, la Convention décréta qu'ils seraient transférés dans une maison nationale; ils n'en devaient sortir que pour aller à la mort. Chabot fit autoriser le Comité de sûreté générale à mettre les scellés sur les papiers de tous les députés dont la cor

respondance lui paraîtrait suspecte. Il fut décrété que la maison de Buzot serait rasée, et qu'on graverait cette inscription sur la place: Ici a demeuré le scélérat Buzot qui a conspiré la perte de la nation.

Vainement Lanjuinais, Barbaroux, Vergniaud, écrivirent à la Convention pour s'élever contre de si rudes atteintes portées à son inviolabilité; dans le parti de la Montagne, quelques-uns des membres les plus modérés redoutant les suites des événemens du 31 mai, avaient imaginé de réclamer une amnistie pour les députés expulsés de la Convention; plusieurs membres de la Gironde déclarèrent qu'ils la refusaient. Fonfrède avait demandé que le Comité de salut public fût tenu de faire sur le champ son rapport sur les motifs qui avaient déterminé la proscription d'une partie de la représentation nationale; mais ce rapport fut ajourné; les restes du parti de la Gironde montraient à peine quelques mouvemens de vie; sans doute il y avait encore sur les bancs de la Convention des partisans de la Gironde; mais comprimés par la peur, ils devinrent invisibles ou se condamnèrent au silence; loin de combattre la tyrannie, ils se courbèrent devant elle; tous n'eurent plus qu'une seule pensée, celle de faire oublier leurs liaisons avec la Gironde ;

et ces conventionnels qui devaient régénérer la nation par la liberté, en face des périls, devinrent tout à coup les muets du sérail!

Les craintes qu'avait pu concevoir la Montagne furent donc bientôt dissipées; si l'insurrection dont le département de l'Eure avait donné le premier signal, sembla se propager dans un grand nombre de départemens; si l'avenir de la Montagne sembla d'abord devenir menaçant, il fut bientôt facile de reconnaître que cette insurrection ne serait qu'une vaine menace; avec tant de divergence dans ses élémens, elle devait périr aussi rapidement qu'elle était née.

La commune de Paris régna sur la Convention et sur la France entière; mais les vainqueurs de la Gironde redoutaient encore l'action de la presse; fortement convaincus que, si elle était libre, elle renverserait un pouvoir élevé au milieu de tant de ruines, ils vinrent déclarer à la tribune que les feuilles publiques étaient des poisons dont il fallait préserver les provinces (1); car, malgré son audace, le conseil

(1) Les journaux étaient arrêtés à la poste. Les lettres étaient ouvertes, et après leur lecture le cachet de l'administration y était apposé.

révolutionnaire n'était pas rassuré encore; il se livrait même à d'étranges frayeurs. Le 8 juin, le procureur-général de la Commune, Chaumette, déclara qu'il lui avait été dit en confidence qu on fabriquait une guillotine à trente colliers pour faire périr trente patriotes d'un seul coup. « Pour mettre un terme à toutes les conspirations, je requiers, dit-il, le conseil géné>>ral révolutionnaire de se rendre à la barre de >> la Convention aujourd'hui, demain, après demain, tous les jours, pour lui demander une constitution; » et le réquisitoire de Chaumette fut adopté, et une constitution nouvelle fut créée.

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La lecture de l'extravagante constitution de 1793 fut faite par Hérault de Séchelles; Robespierre fit décréter que l'œuvre de Hérault de Séchelles serait imprimé, affiché dans toutes les rues de Paris, envoyé aux sociétés populaires, aux départemens, aux armées, partout.

Les députés de la Gironde avaient souvent prononcé des discours sur la Constitution ; Condorcet avait tracé un plan où toutes les conceptions anarchiques étaient présentées comme le dernier terme des progrès de l'esprit humain. Hérault de Séchelles, dépassant les limites de l'absurde, vint proposer à l'assemblée la création d'une constitution révolu

tionnaire, et développer les maximes de la plus stupide démagogie.

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Les régicides souriaient à cet article: Le

peuple Français donne asile aux étrangers, » bannis de leur patrie pour la cause de la li» berté ; il le refuse aux tyrans. » Il le refuse aux émigrés, s'écria Grégoire, dont le délire allait toujours croissant au milieu de tant de fureurs.

Ce fut le 2 juillet que les commissaires de la Commune se répandirent dans les sections pour

y

faire sanctionner la Constitution nouvelle ; et dans les séances des 3, 4 et 5 juillet, on ne vit dans la Convention que des bandes de sectionnaires, hommes, femmes, pêle-mêle, venant annoncer l'acceptation de la constitution. BillaudVarennes fit décréter que toutes les sections souveraines seraient admises dans l'intérieur de la salle. Le 14 juillet, cette tourbe fut célébrer une fête aux Champs-Élysées; sur la motion de Hérault de Séchelles, l'assemblée leva la séance pour aller se confondre avec les braves sans-culottes, et l'on vit les régicides danser avec ces bandes.

La section des Gravilliers avait demandé qu'un registre fût ouvert, où seraient inscrits et les noms des citoyens qui auraient accepté la constitution, et les noms de ceux qui auraient

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