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Marat dirige contre eux les feux de ses armes : quelques-uns de ces malheureux ont échappé à la mort; la petitesse de leurs tailles en a mis plusieurs à l'abri des coups de feu; ils délient leurs chaînes, se jettent dans les bras de leurs bourreaux cherchent un refuge entre leurs jambes, qu'ils tiennent étroitement pressées; l'air retentit de cris déchirans; ils appellent à leur secours leurs pères, leurs mères, et ces noms sacrés viennent se placer sur leurs lèvres mourantes; leurs regards, si touchante expression de candeur et d'innocence, eussent enchaîné la fureur des tigres, ils n'attendrissent point ces monstres; le plomb les avait épargnés, ils sont mutilés par le fer.

Bientôt une insatiable férocité invente de nouveaux supplices. La compagnie Marat conduit vers les rives de la Loire toutes les familles que l'assemblée régicide appelle rebelles; les victimes sont précipitées dans le fleuve; celles que les flots ramènent sur les rives sont déchirées par ces cannibales; Carrier ordonne que des femmes et des hommes seront attachés ensemble, dépouillés de leurs vêtemens et jetés dans les flots: c'est là ce que, dans le plus cynique langage, l'envoyé de la Convention appelle des mariages républicains. Des prisonniers sont entassés dans des bateaux à soupapes; on

annonce à ces malheureux qu'ils vont être rendus à la liberté; à peine les bateaux sont-ils éloignés du rivage qu'ils s'entr'ouvrent et livrent aux flots les victimes de Carrier. La nuit d'abord couvre de ses ombres ces épouvantables supplices; mais bientôt Carrier veut en repaître ses regards, et la lumière du jour vient alors éclairer des forfaits que le monde n'avait jamais

vus.

Des femmes qui allaitent leurs enfans sont me. nées à bord de ces gabares; les cris les plus lamentables viennent se mêler au sombre murmuredes flots et au chant des cannibales. Si quelques victimes encore vivantes sont ramené vers les rives, les meurtriers de la compagnie Marat les rejettent aux flots qui les avaient rendues, ou déchirent eux-mêmes leurs entrailles. Carrier pousse des cris convulsifs; sa bouche profère. d'exécrables outrages; il insulte à la pudeur, à l'enfance, à la vieillesse. D'autres fois, il ordonne que des malheureux seront entassés dans des gabares; toutes les ouvertures sont étroitement fermées, l'air ne peut plus y pénétrer; Carrier a enseveli dans un tombeau ses victimes vivantes; elles expirent dans d'affreux tour

mens.

Les eaux du fleuve,. rouges de sang, étaient couvertes de membres mutilés flottant au gré

Marat dirige contre eux les feux de ses armes : quelques-uns de ces malheureux ont échappé à la mort; la petitesse de leurs tailles en a mis plusieurs à l'abri des coups de feu; ils délient leurs chaînes, se jettent dans les bras de leurs bourreaux cherchent un refuge entre leurs jambes, qu'ils tiennent étroitement pressées; l'air retentit de cris déchirans; ils appellent à leur secours leurs pères, leurs mères, et ces noms sacrés viennent se placer sur leurs lèvres mourantes; leurs regards, si touchante expression de candeur et d'innocence, eussent enchaîné la fureur des tigres, ils n'attendrissent point ces monstres; le plomb les avait épargnés, ils sont mutilés par le fer.

Bientôt une insatiable férocité invente de nouveaux supplices. La compagnie Marat conduit vers les rives de la Loire toutes les familles que l'assemblée régicide appelle rebelles; les victimes sont précipitées dans le fleuve; celles que les flots ramènent sur les rives sont déchirées par ces cannibales; Carrier ordonne que des femmes et des hommes seront attachés ensemble, dépouillés de leurs vêtemens et jetés dans les flots: c'est là ce que, dans le plus cynique langage, l'envoyé de la Convention appelle des mariages républicains. Des prisonniers sont entassés dans des bateaux à soupapes; on

qui retentirent en d'autres temps de l'approbation donnée par l'assemblée à tant de forfaits, retentissaient de son apologie. « Il ne s'agit > pas de défendre Carrier, s'écrièrent plusieurs » députés; c'est la cause de la Convention » entière que nous avons à soutenir; le procès ⚫ intenté contre Carrier s'applique à tous les , hommes révolutionnaires. » Et la Convention entendait son inexorable condamnation sortir de la bouche même de ses membres!

Cependant des écrivains, fidèles interprètes de l'indignation nationale, donnèrent à tant de forfaits une si accablante publicité, que l'assemblée régicide, vaincue par l'irrésistible puissance de l'opinion publique, livra enfin Carrier à ses juges. Parmi les conventionnels qui le défendirent dans l'assemblée, un d'entre eux osa demander les preuves des attentats imputés à Carrier; ce fut alors que Legendre, à l'éloquence abrupte, s'écria : « Faites refluer à › Paris les eaux ensanglantées de la Loire; dé>> sormais les navigateurs qui recevaient le baptême en passant le Tropique, n'oseront plus se conformer à cet usage, dans la crainte de recevoir un baptême de sang. Ainsi que Legendre, Tallien s'exprima avec l'accent le plus énergique.

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Carrier osa monter à la tribune; il invoqua

les mânes de Marat : peu de temps auparavant, l'assemblée régicide tout entière avait porté ses dépouilles au Panthéon.

Le proconsul déclare à ses complices qu'il n'a fait qu'obéir aux décrets de la Convention et qu'elle a approuvé sa conduite; il rappelle les deux décrets de l'assemblée : l'un prescrivait de livrer aux flammes les pays de la Vendée, l'autre d'exterminer tous les habitans, Exécuteur de ses volontés, il répète que sa cause est celle de la Convention tout entière.

Cette déclaration de la plus accablante vérité porta la terreur dans l'ame des conventionnels, et si, frémissant à ces souvenirs, ils prirent enfin la tardive résolution de l'envoyer à la mort, ce ne fut point pour venger l'humanité; plusieurs même, fatigués d'entendre de si redoutables déclarations, pensèrent, en frappant ce monstre, qu'ils détourneraient le glaive qu'appelait sur leurs têtes l'effrayante complicité que Carrier rappelait sans cesse à la France.

D'autres jusqu'au dernier instant persistèrent à défendre le proconsul. Un d'entre eux, Bourbotte, déclara que ses crimes étaient des erreurs causées par son ardent amour pour la patrie.

Carrier, deyant le tribunal, répéta ce qu'il avait dit dans la Convention; ses yeux sanglans semblaient encore contempler ses victimes; on

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