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bricius, Phocion, je n'ai pas vécu avec vous, >> mais j'ai connu Marat. »

C'est ici l'époque d'une dégradation qui laisse loin derrière elle les temps les plus honteux de l'histoire des peuples; des autels sont élevés à Marat; l'image du monstre vient souiller toutes les places; la Convention ordonne que, dans toutes les parties de la France, une montagne sera figurée vers les lieux où se rassemblent les habitans; c'est là que le buste de Marat est placé; c'est là que des fleurs sont jetées, et que l'on adresse des hommages à celui qui répétait chaque jour: Il faut abattre deux cent mille têles; et des enfans sont amenés vers ces autels; et ce sont les meurtriers de leurs pères qui viennent les conduire; leurs mains ensanglantées présentent aux enfans des victimes, les fleurs qu'ils doivent jeter sur ces autels consacrés aux Furies.

Par la dérision la plus sacrilége, des cantiques sacrés sont chantés en l'honneur de Marat, des fêtes sont consacrées au cœur de Marat, et l'on entend ces chants, expressions du dernier degré du blasphème et du délire: Cœur de Marat, cœur de Jésus.

L'assemblée régicide qui, tout entière, vient d'assister à ses funérailles, envoie des membres célébrer l'inauguration de l'autel érigé au cœur

de Marat. L'urne la plus précieuse que renferme le Garde-Meuble de la couronne, est choisie pour recevoir le cœur du monstre; des obélisques sont élevés à Marat. Des canonniers sont arrêtés et jetés dans les fers, pour n'avoir pas salué ses funérailles par les feux de l'artillerie. Des villes, des villages reçoivent le nom de Marat; il est imposé à des ports de mer, comme si la Convention avait résolu de repousser les navigateurs loin des rives françaises. Des enfans, que l'on voulait sans doute dévouer à tous les forfaits, reçoivent en naissant ce nom épouvantable.

Des hommes, qui sacrifient sans cesse à la peur, viennent invoquer Marat et se courber au pied de ses autels.

Un vieillard qui, long-temps, donna un asile à un écrivain célèbre, écrit que sa conduite fut toujours approuvée du digne et malheureux

ami Marat.

Une femme qui porte le nom de Marat, se présente à la barre pour faire entendre des cris de vengeance contre les députés de la Gironde; on cût dit entendre Marat; il semblait sortir des enfers pour reparaître à la Convention et ranimer ses fureurs; de nouveaux députés sont arrêtés. Robespierre fait décréter que la pétition touchante de la veuve de

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l'Ami du Peuple sera envoyée à toute la France. Le député Chénier vient demander qu'une statue soit élevée à J.-J. Rousseau. Montaut, l'interrompant tout à coup, s'écrie: « Rous» seau a consigné dans ses écrits des maximes précieuses; mais Marat les a mises en prati» que, et j'ignore si Rousseau cût agi comme Marat, lorsqu'il a fallu braver tant de fois les poignards des assassins. Il est encore un grand homme pour qui je demande la seconde place; c'est Brutus, car Marat doit occuper la première. »

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La pensée de Montaut, qui décernait à Marat le premier rang entre les grands hommes de tous les siècles, fut consacrée par un décret rendu à l'unanimité.

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« La Convention nationale voulant rendre

justice à Marat, martyr de la liberté, et ho» norer sa mémoire, décrète que son buste » sera placé sur une colonne dans le lieu des » séances de la Convention, et y occupera la première place.

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Une pyramide est élevée sur la place du Carrousel, en l'honneur de Marat, et des soldats sont placés pour veiller à sa garde. Plusieurs membres de la Convention ajoutent à leurs noms celui de Marat.

Montmartre est transformé en Mont-Marat.

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