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voté contre, afin qu'on pût les connaître lorsqu'il en serait temps. Bicutôt le ministre de l'intérieur déclara que la Constitution était acceptée partout; son établissement, dit-il, doit éteindre toutes les haines; mais Robespierre, du haut de la tribune, annonça que le moment était venu de frapper, d'anéantir les traîtres; et ces paroles retentirent dans toute la France, et la terreur redoubla. Bâillonnaut toutes les bouches au nom des Droits de l'Homme, passant du carnage aux supplices, et des supplices au carnage, l'assemblée régicide marquait chaque jour par des crimes nou

veaux.

C'est lorsque le joug le plus honteux qui fût jamais sur la terre, pesait sur la France, qu'unc femme, entraînée par un mouvement héroïque, vint immoler le monstre qui répétait dans tous les instans du jour : Il faut abattre deux cent mille têtes! Le 11 juillet le bruit se répand tout à coup que Marat vient de recevoir la

inort.

C'est une femme, c'est Marie-Anne-Charlotte de Corday, d'Armans, qui a tranché ses jours! A peine est-elle âgée de vingt-cinq ans ; la fierté de son âme est empreinte sur ses traits; elle est belle, mais simple, et sa candeur la rend plus belle encore; elle n'a point

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connu l'amour; cette ame si fière, si énergique, peut-être a redouté un sentiment, qui en exaltant la puissance du cœur, donne aux destinées des femmes tant de chances de malheur; jamais on ne la vit rechercher de frivoles succès de salons, ou s'occuper du vain désir de plaire. Née avec une ame ardente, Charlotte Corday a subi l'entraînement des idées nouvel

les; c'est la liberté qu'elle rêve. La révolution s'est offerte à sa jeune imagination comme une enchanteresse; car c'est aux grands souvenirs qui dominent l'histoire des républiques anciennes que la jeune fille a voué son culte ; dans ses nuits, dans ses rêves, elle est assise sur les tombeaux de Fabricius, de Virginie et de Caton. La seule passion de son ame, c'est l'enthousiasme de la patrie. La jeune héroïne n'a point été appelée à comprendre les conditions de cette liberté qu'elle adore, et là s'égare son imagination de feu; mais elle s'est indignée d'entendre de lâches tyrans dégrader le nom de liberté; elle a résolu d'immoler le plus abject, le plus féroce d'entre tous : c'est Marat qu'elle frappera; il lui semble que, frappant Marat, elle renversera d'un seul coup la tyrannie qui pèse sur la France.

Livrée tout entière à ces pensées, Charlotte Corday a résolu de se rendre dans la salle de

la Convention, de s'asseoir sur ces bancs où siége Marat, et de le frapper au milieu de ses complices, sur la cîme de la Montagne; mais les sentinelles qui veillent aux portes de cet antre ont repoussé la jeune fille à l'instant même où elle s'est présentée; elle s'informe alors de la demeure de Marat; on l'y conduit: cependant elle ne peut pénétrer jusqu'au repaire du tigre; le crime, toujours défiant, a conçu des soupçons; Charlotte Corday se détermine à tromper Marat, en lui écrivant le billet suivant : Citoyen, j'arrive de Caen; votre amour pour » la patrie me fait présumer que vous connaî» trez avec plaisir les malheureux événemens qui ont lieu dans cette partie de la république. Je me présenterai chez vous vers une heure; ayez la bonté de me recevoir et de >> m'accorder un moment d'entretien. Je vous » mettrai à même de rendre un grand service » à la France. »

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Le lendemain, Charlotte de Corday se présente de nouveau chez Marat : une femme, que ce monstre appelle son amie, vient encore lui disputer l'entrée; Marat l'a entendue, et ordonne qu'on l'introduise; il était dans son bain ; sa figure hideuse était couverte d'une lèpre qui enveloppait tout son corps d'horribles plaies; depuis long-temps il tombait en dissolution,

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