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de la nécessité de racheter leurs fautes par quelque expiation. Mais si nous réfléchissons à la multitude des cérémonies expiatoires des païens, à l'impiété de plusieurs d'entre elles, à l'absurdité de toutes; si nous nous arrêtons principalement à cette circonstance remarquable, qu'euxmêmes consultaient leurs oracles au sujet de ces expiations, nous en conclurons avec raison, non-seulement qu'ils ignoraient ce qu'ils avaient à faire à cet égard; mais encore, qu'ils étaient intimement convaincus de cette ignorance. Telle paraît même avoir été l'opinion de quelquesuns de leurs meilleurs philosophes de l'école socratique, que, jusqu'à ce qu'il plût à la Divinité de manifester sa volonté d'une manière extraordinaire, les mortels tenteraient vainement de découvrir, quels hommages religieux lui seraient les plus agréables [A]. N'avons-nous pas lieu de présumer, que des hommes qui avaient assez de et de bonne foi pour penser et parler ainsi, s'ils avaient étudié et

sagesse

approfondi les preuves du christianisme, s'ils avaient bien compris cette doctrine de foi et de repentance, se seraient empressés de l'accueillir comme la plus heureuse découverte ?

Quant à nos incrédules modernes, ils paraissent peu disposés assurément à faire à la révélation chrétienne un accueil aussi favorable; car ils assurent qu'elle n'est d'aucun avantage pour eux ; étant, ce semble, pleinement convaincus, quelqu'aveu qu'ait pu faire Socrate de son ignorance, qu'ils possèdent toutes les connaissances qui sont pour l'homme de quelque utilité. Et cependant, sans cette manifestation de la vérité et de la grâce divine, aujourd'hui encore, selon toute apparence, ils consulteraient les oracles, ils offriraient de l'encens aux idoles; ou peutêtre, comme le faisaient, dans une haule antiquité, plusieurs des peuples dont nous sommes descendus, ils souilleraient la terre par des sacrifices humains. Ce qui est sûr, c'est qu'aucune réforme essentielle,

touchant ces objets, ne fut jamais opérée ni tentée par les philosophes de l'antiquité. Non-seulement Pythagore, Épictète, mais Cicéron, plus sage ou du moins plus éclairé que ces deux philosophes, et Socrate lui-même, le plus sage de tous, imposaient aux hommes l'obligation d'adorer les dieux, de faire des sacrifices et d'observer les autres cérémonies du polythéisme, comme des coutumes établies et sanctionnées par la loi. De telle sorte, que si le genre humain n'avait jamais eu d'autre guide que la philosophie, il est probable, même il est plus que probable, que l'idolâtrie serait encore aujourd'hui sa seule religion [B].

4. La révélation si nécessaire, pour faire connaître à l'homme l'ensemble de ses devoirs, l'était bien d'avantage encore pour mettre ces mêmes devoirs à la portée de tous les esprits. Les plus profonds moralistes, parmi les païens, confessent leur ignorance sur quelques-unes de nos obligations. Leur science, d'ailleurs, ne les

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mettait guère en état d'entraîner la masse du peuple, qui, vu le petit nombre de livres répandus autrefois dans le monde, et l'extrême difficulté de les avoir à sa disposition, croupissait dans la plus grossière ignorance. Et quand bien même ces philosophes auraient acquis un tel ascendant; quand ils n'auraient eu tous ensemble qu'une seule manière de voir, ce qui n'était nullement le cas; enfin, quand ils n'auraient pas été poussés, comme le furent la plupart d'entre eux, par l'orgueil, par la vanité ou par l'esprit de contradiction, à introduire constamment de nouveaux systèmes, leurs travaux toutefois n'auraient produit que peu d'effet. Les raisons, à l'appui de ces systèmes, dépassaient la portée de la masse du genre humain; car le vulgaire en général est réellement incapable de saisir la force des argumens qu'on lui présente, surtout si le raisonnement est complexe, et s'il roule sur des sujets aussi étrangers aux sens, que les vérités de la morale et de la religion. La

chose parut si palpable à quelques anciens législateurs, tels que Minos en Crète, et Numa à Rome, que, jugeant convenable d'assigner à leurs institutions une origine divine, ils prétendirent les avoir reçues des dieux [C].

Je suis loin de prétendre qu'il n'y ait rien de bon dans la doctrine des philosophes, principalement dans celle de Socrate et des plus respectables stoïciens. Ce qu'enseigne le sage d'Athènes, ou plutôt ce qu'il conjecture concernant l'immor. talité de l'âme; les opinions qu'il émet sur l'existence de Dieu, sur sa Providence, sur sa toute présence et sa toute puissance, opinions qui lui étaient communes avec les stoïciens, servirent sans doute, bien que son langage ne fût pas toujours clair et solide, à dissiper quelques-uns de ces nuages de superstition et d'erreur qui obscurcissaient alors l'esprit des peuples. Mais, en tant que système de religion naturelle ou de morale, toute l'ancienne philosophie, comme Socrate le reconnaît fort bien,

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