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Nous croyons terminer dignement cet ouvrage, en y ajoutant ce fragment sur la nécessité d'admettre l'intervention de Dieu pour expliquer les rapides progrès de l'Évangile, tiré des Mélanges religieux, année 1822, page 85.

Si l'on conteste les miracles des premiers apôtres de la foi chrétienne, leur succès sera pour moi le plus grand de tous les miracles. Avec l'intervention de la divinité, tout s'explique dans les rapides progrès du christianisme; mais sans elle tout est inconcevable, tout est miraculeux, dans cette immense et subite révolution des esprits et des cœurs. Je ne conçois pas, en effet, qu'un homme, né de parens pauvres, sans richesses, sans crédit, sans appui parmi les hommes, dépourvu de tout ce qui peut donner de l'influence dans le monde, qui pendant sa vie n'a pu trouver que quelques disciples obscurs, timides et tremblans, qu'une terreur panique a dispersés et rendus infidèles à leur maître; je ne puis concevoir qu'un tel homme, qui durant sa vie ne donne rien, qui ne laisse rien après sa'mort, qui vit de la vie des pauvres et qui expire du supplice des malfaiteurs,

trouve, après une vie obscure et une mort humiliante, des milliers et des millions de sectateurs qui s'immolent pour lui.

Je ne conçois pas mieux que douze hommes, nés dans un pays ignoré, et chez un peuple privé de toute influence politique, persécutés de leur propre nation, sortis des derniers rangs de la société, sans talens, sans éloquence, sans protecteurs et sans cliens, n'ayant rien à espérer pour eux-mêmes, rien à offrir à leurs disciples, aient formé tout-à-coup le projet inoui d'abolir toutes les religions établies, de détruire tous les préjugés, et d'élever sur leurs ruines l'édifice d'une religion qu'ils ont eux-mêmes inventée.

Non, je ne conçois point que de tels hommes, prêchant à des peuples corrompus une morale sévère, à des peuples charnels, les vérités et les maximes les plus sublimes, à des peuples superstitieux, le culte le plus simple et le plus pur; ne ménageant aucun préjugé, ne favorisant aucun intérêt terrestre; ne flattant aucune passion; annonçant, non les triomphes d'un roi conquérant, mais les flétrissures de leur chef; offrant non des trésors, mais la pauvreté, non des plaisirs, mais des persécutions, non des couronnes, mais une croix; ayant à lutter contre la fourbe et l'intérêt des prêtres païens, l'orgueil révolté des philosophes, le pouvoir des princes et la cruauté des

tyrans; prêchant à cent peuples divers, sans avoir appris aucune langue; convertissant les villes et les nations entières, et travaillant de leurs mains pour se nourrir; annonçant l'Évangile au milieu des chaînes; brûlant de courage au milieu des circonstances les plus décourageantes, et portant leur croix après leur maître crucifié; non je ne conçois pas que de tels hommes, si le ciel n'a pas inspiré, conduit, favorisé leur immense entreprise, aient triomphe de tant d'obstacles, manifesté tant de constance et obtenu tant de succès.

Comment a-t-on pu persuader aux Romains, vainqueurs de tous les peuples, fiers de leur puissance, de leurs conquêtes et de leur gloire, de renoncer à leurs dieux; à des dieux associés à tous leurs triomphes, respectés par tous leurs ancêtres, consacrés par tous les monumens publics, de tous temps vénérés comme les fondateurs et les protecteurs de l'empire? et cela pour s'humilier devant le Dieu d'un peuple ignorant, vaincu et méprisé par eux; et que dis-je? pour s'humilier, non devant un dieu triomphant et glorieux, mais devant un homme, juif de naissance, pauvre de profession, persécuté par ses propres compatriotes et mis à mort entre deux brigands? Quelle est l'éloquence, quel est le talent de persuasion qui a pu enfanter un tel prodige? Qu'on m'explique comment tant de préjugés nationaux,

peu

s'accor

politiques et religieux, tant de coutumes et de lois différentes, tant d'intérêts et de passions, en opposition avec l'Évangile, ont pu disparaître devant lui? Qu'on m'explique comment tant de ples rivaux si différens par leur culte, leur langage, leurs mœurs et leurs habitudes, ont pu der à renverser tout ce qui était établi, pour recevoir une religion uniforme, pour plier sous le même joug et sous un joug qui n'était pas couvert de fleurs? Qu'on m'explique comment des peuples mous et dissolus ont pu s'accommoder d'une loi si austère? comment des nations barbares, farouches, indomptées ont pu se plaire à une religion si douce, si paisible, si pleine de tolérance et de magnanimité? Il n'y a que celui qui, des pierres mémes, peut faire naître des enfans à Abraham, qui ait pu changer ainsi et les lois et les mœurs chez les hommes.

Il est vrai que les ministres de la religion n'ont pas toujours été humbles et désintéressés, que le culte n'a pas toujours été simple et dénué de pompe; que l'Église n'a pas toujours été paisible et tolérante; mais quand ces abus se sont introduits dans son sein, elle était déjà propagée; quand elle a cessé d'être tolérante, elle était déjà sur le trône; quand ses ministres ont dépouillé leur humilité, ils jouissaient de tout le pouvoir, de toute l'influence d'une religion dominante.

Mais, ce que j'ai le plus de peine à concevoir, c'est l'existence même de l'Évangile. Où a-t-il pris naissance? chez les nations les plus éclairées et les plus polies? non, chez le peuple étranger aux lumières de la philosophie. Qui l'a écrit? des savans, des rhéteurs célèbres? non, des des hommes sans science, sans éloquence et sans art. Quelle eşt la doctrine qu'il renferme ? est-ce celle du portique? est-ce celle du lycée? est-ce celle des philosophes de l'Orient? non, il renferme quelque chose qui n'a rien de commun avec tous ces systèmes, et qui leur est infiniment supérieur. Quel est l'ouvrage qui en a donné l'idée? Sur quel modèle l'Évangile a-t-il été formé? l'Évangile est un livre seul et unique dans son espèce; il n'a jamais eu de modèle, et n'aura jamais d'imitateur. Si l'on veut des théories brillantes, de fortes preuves, de belles démonstrations, on les trouvera sans doute dans un livre aussi célèbre? non, on n'y prouve rien; on n'y démontre rien; on n'y prévoit aucune objection; on n'y répond à aucune difficulté; on y dit simplement ce qui est, sans chercher à le faire croire, on y parle, saus art, sans apprêt, sans passion, sans enthousiasme, le langage simple et pur de la vérité.

Mais quel attrait y a-t-il donc dans ce livre, qui ait pu lui soumettre les esprits et les cœurs? Ah! un attrait que les hommes ne lui ont pas commu

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