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Ce serait faire un étrange abus de la science que de rétrécir nos vues à proportion que le cercle de connaissances naturelles s'agrandit. C'est cependant là le cas de ceux qui pensent qu'il est plus facile au pouvoir divin de créer et de conserver un seul monde, que d'en créer et d'en gouverner dix mille. Si nous jugeons de la puissance divine par ce que nous connaissons de la nôtre, ces deux choses nous paraîtront également impossibles. Mais si nous reconnaissons que le pouvoir de la divinité est infiniment supérieur au nôtre, non-seulement ces choses sont possibles, mais encore elles lui sont faciles, et l'une autant que l'autre.

Il fut un temps où l'on croyait que notre globe comprenait tout l'univers; et que le Créateur, en formant le soleil, la lune et les étoiles, n'avait eu d'autre but que d'éclairer et d'embellir ce séjour où nous sommes placés. Or, si dans cette hypothèse, on ne trouve aucune difficulté à concevoir que le Tout-Puissant surveille les affaires

terrestres, et prépare des moyens d'un bonheur présent et futur pour l'homme, à l'empire duquel il a tout assujéti, comment sera-t-il plus difficile à l'astronome éclairé de concevoir que le Créateur de tous les mondes doit être également puissant, pour conserver les innombrables ouvrages qui sont sortis de ses mains, et également attentif à en prendre soin? Tel doit être l'effet de chaque découverte nouvelle dans le monde visible, qu'elle élève nos sentimens de piété, et qu'elle leur donne un nouveau degré de vivacité : et plus nous apercevons que les œuvres de Dieu sont immenses, plus nous devons être saisis d'un religieux étonnement quand nous contemplons son essence infinie, éternelle et universelle [T].

Des écrivains amis du paradoxe s'étaient flattés que l'incrédulité augmenterait à mesure que la philosophie ferait des progrès. Un auteur de ces derniers temps, qui avait embrassé cette opinion, s'exprimait sur ce sujet d'un ton si tranchant, qu'il

annonça plus d'une fois, à ce qu'on m'a rapporté, que le christianisme finirait avec son siècle. Je souhaite qu'il ait assez vécu pour reconnaître sa méprise. L'art du sophiste peut ébranler la croyance des individus; mais la croyance des nations n'est pas aussi facilement renversée; et les fausses subtilités ne tiennent pas long-temps contre le sens commun. Notre religion n'a rien à redouter de la vraie philosophie, et du libre usage de la saine raison. Plus on mettra d'attention et de bonne foi à l'étudier, plus on en verra briller la vérité et la beauté. Partout où la religion et la nature humaine sont bien connues, elles se trouvent si admirablement enchaînées l'une à l'autre, que le chrétien ne doit pas craindre, et que l'incrédule espère en vain de les voir jamais séparées. Dieu les a étroitement unies, et il n'est pas au pouvoir de l'homme de détruire son ouvrage. Si nous considérions attentivement la nature humaine et le génie de l'Évangile, nous aurions encore lieu de nous réjouir dans

cette espérance, lors même qu'une autorité suprême n'aurait pas déclaré que les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre l'Église de Jésus-Christ.

L'estomac qui transforme les alimens en poison ne peut qu'être dépravé; et l'on ne peut considérer comme sain, l'œil qu'éblouit ou qu'aveugle l'éclat du jour. L'entendement de cet homme qui convertit la science en incrédulité, et qui méconnaît son Dieu à proportion que le monde s'éclaire de la connaissance de ses œuvres, n'est évidemment ni plus sain, ni moins dépravé. Il est possible qu'à force de subtilités, des écrivains sophistiques arrivent enfin à un scepticisme complet: il se peut qu'ils acquièrent une merveilleuse habileté à dénaturer les faits, et à abuser du langage. Mais je ne sais si l'on pourrait citer un seul exemple d'un esprit vraiment philosophique, qui ait bien connu le christianisme et qui n'en ait pas admis la vérité [U].

FIN DU CHAPITRE TROISIÈME.

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NOTES

DU

CHAPITRE TROISIÈME.

[A] C'est une chose digne d'être remarquée, qu'en France surtout la plupart des écrivains dont les ouvrages portent le cachet de l'incrédulité, ont constamment confondu les altérations du christianisme, le christianisme tel que l'ont fait les papes et les conciles, avec le christianisme lui-même, le christianisme tel que nous l'ont laissé Jésus et les apôtres. Leurs difficultés et leurs objections roulent presque toutes sur des dogmes et sur des préceptes qui ont été successivement ajoutés aux dogmes et aux préceptes du pur évangile, dont plusieurs de ces écrivains paraissent avoir peu de connaissance. Il n'est qu'un bien petit nombre d'incrédules qui aient attaqué ou qui attaquent au milieu de nous le christianisme jusque dans sa base; et c'est un hommage que nous

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