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se fissent remarquer par leur courage, aient été dans une ou deux occasions saisis de quelques momens de crainte, ou que le premier de ces deux apôtres ait été censuré par le dernier, pour avoir imprudemment fait paraître dans une circonstance particulière, trop d'indulgence à l'égard de certains préjugés des juifs ses compatriotes (1); sentiment bien naturel en lui-même, principalement chez un homme dont les affections étaient aussi vives que chez Pierre, et qui dans les cas ordinaires n'était nullement condamnable? Tout cela sans doute aurait paru fort sur prenant, si les apôtres avaient jamais prétendu qu'ils étaient aussi infaillibles dans leur conduite que dans leur doctrine. Mais ils déclarent modestement qu'il n'en est point ainsi. Leur témoignage souffrirait-il quelque atteinte d'un tel aveu? Pas la moindre au contraire, cette conduite ho

(1) Gal. II. 11.

nore leur sincérité, et prouve qu'ils furent également incapables de tromperie et d'ostentation.

CINQUIÈME OBJECTION.

De la prétendue incompatibilité du christianisme avec le cours ordinaire des affaires humaines.

LE christianisme, a-t-on dit, est une religion si peu compatible avec les affaires de ce monde, qu'il n'est guère possible de vivre ici-bas, comme on ne saurait se dispenser de le faire; et de s'assujétir en même temps à l'austérité de sa morale. Je conviens que les affaires humaines se règlent trop souvent sur des principes toutà-fait étrangers à ceux de Jésus; que les hommes qui ont placé leurs affections dans ce monde, et qui ont résolu d'agir en conséquence, ne trouveront pas de grands encouragemens dans l'Évangile; et que la conduite d'un vrai chrétien pourra quelquefois paraître bizarre au voluptueux, à l'ignorant, aussi bien qu'aux esprits frivoles et légers. Mais ceux-là porteront un

jugement bien différent, qui réfléchissent que notre Seigneur est venu dans le monde pour apprendre aux hommes, non coinment ils peuvent s'enrichir, acquérir de la renommée ou de la gloire, mais comment ils doivent se préparer pour l'éternité. Cependant, quoique les principes du christianisme ct les maximes du monde, soient si souvent en opposition, il ne s'ensuit point qu'elles le soient nécessairement, ni qu'elles doivent l'être. Si les affaires humaines se réglaient sur les principes du christianisme; ce monde, qui, malgré tout l'empire des lois humaines, n'est trop souvent qu'un théâtre de trouble et de confusion, se transformerait en un séjour délicieux de justice et de paix.

Notre religion proscrit tout espèce d'injustice; les contestations, l'avarice, l'orgueil, la vengeance, les querelles, la haine, le mécontentement: elle interdit tous les plaisirs, toutes les passions, tous les projets qui tendent à dégrader notre nature ou à nuire à notre prochain. Elle prescrit

>

la compassion, la libéralité, la probité; elle déclare qu'aucune autre vertu ne peut suppléer au défaut de cette bienveillance ou de cette charité, « qui est patiente et › pleine de bonté, qui n'est point envieuse, » qui n'est ni vaine ni insolente, qui ne › s'enfle point d'orgueil; qui ne fait rien » de malhonnête, qui ne cherche point » son intérêt particulier, qui ne s'irrite point, qui ne soupçonne point le mal, qui ne se réjouit point de l'injustice, > mais qui se plaît à la droiture (1).» Or qu'y a-t-il dans cette charité, qui ait pour but d'entraver les affaires, de troubler les plaisirs innocens de la vie ou d'anéantir la prospérité des nations? L'injuste, l'orgueilleux, l'avare, le voluptueux, celui qui porte un cœur inhumain, peuvent objecter contre la morale de l'évangile, ce que les fripons et les voleurs de grand chemin objectent contre la loi ci

D

(1) I Corinth. XIII.

vile, qu'elle est rigoureuse outre mesure : mais l'homme juste, intelligent, doué d'un bon naturel, ami de la sagesse, sera toujours d'une opinion différente. Ces pieuses et généreuses affections qui dominent constamment dans le cœur d'un vrai chrétien, ont en elles-mêmes un charme inexprimable; et bien loin de diminuer les plaisirs innocens de la vie, elles ne peuvent manquer de les augmenter, de les ennoblir et de les purifier (1).

L'Évangile, dit-on quelquefois, ne recommande nulle part le patriotisme ou l'amour de la patrie; vertu sublime si fort exaltée par les Grecs et par les Romains, qui donne de l'élévation à l'esprit, qui a développé de si beaux caractères et fait éclore tant d'actions éclatantes. - Il est les principes du chrétien le ren

vrai

que

(1) Voyez Sermons de Cellerier, tom. III, Serm. IV. Voyez aussi les discours du D. Chalmers sur l'apptication des principes du christianisme au commerce et aux affaires ordinaires de la vie.

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