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plus distinctes que celles auxquelles purent jamais atteindre, dans les jours du paganisme, les philosophes les plus éclairés. Ce sont là des faits qu'il est de toute impossibilité de rejeter. Et celui qui les admet, conservera-t-il le moindre doute sur l'utilité d'une révélation divine, ou sur les conséquences nombreuses et importantes qui découlent des vérités manifestées par l'Évangile?

Que l'incrédule cesse donc de prétendre que la seule raison suffit à l'homme pour lui faire connaître l'ensemble de ses devoirs, et pour établir dans le monde un système complet et satisfaisant de religion naturelle ! Il est certain que, même chez les nations les plus policées, la raison abandonnée à elle-même ne l'a jamais fait, et au jugement de Socrate ne l'a jamais pu [E]. Pour ce qui est des nations barbares, personne ne soutiendra que leur raison ait jamais fait des découvertes importantes dans aucun genre. Et ce qui mérite une attention toute particulière,

c'est que nos incrédules, de l'aveu même de Rousseau, qualifient de religion naturelle, des principes tirés en grande partie de nos saints livres, qu'ils sont toutefois assez déraisonnables ou assez injustes pour rejeter. Je ne veux point dire que les idées qu'ils ont acquises sur ce sujet, soient le fruit d'une lecture assidue de l'Écriture. Je doute que dans le nombre il s'en trouve beaucoup, si même il s'en trouve quelqu'un, qui aient jamais fait de grands progrès dans cette étude. Ces idées proviennent des impressions faites sur leur esprit dans l'enfance ou dans la première jeunesse, à cette époque probablement où ils possédaient encore les qualités qui devraient constamment distinguer chaque chrétien, savoir l'humilité, la candeur et la docilité des petits enfans. Il peut arriver aussi que les écrits et la conversation des chrétiens, qui doivent nécessairement s'offrir à eux quelquefois, leur présentent certains principes qu'ils admettent comme raisonnables, bien que

peut-être ils fussent disposés à les rejeter dédaigneusement, s'ils venaient à reconnaître que ces principes sont tirés de nos saints livres.

Si la révélation est pour l'homme d'une importance si grande, il est on ne peut plus conforme à la sagesse et à la miséricorde divine de la lui accorder : et quelques personnages, même chez les païens, principalement Socrate, n'étaient point sans espoir que, tôt ou tard, cette révélation serait en effet accordée. Ce grand homme était si loin de prétendre que ses connaissances fussent suffisantes dans ce qui concerne les choses divines ou humaines, que, sans qu'on puisse en aucune façon l'accuser de scepticisme, un excès de modestie le portait à répéter souvent « Qu'il ne savait qu'une chose, c'est qu'il » ne savait rien. » Il enseigne que les dieux accordent des communications extraordinaires de sagesse aux mortels qu'ils veulent favoriser ; et il recommande particulièrement à ses amis de recourir aux

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oracles et aux autres cérémonies religieuses, dans le but de recevoir du Ciel quelque connaissance utile et nécessaire, que la raison par elle-même était incapable de donner (1). Les oracles en effet, les présages et les augures auxquels les païens, comme nous l'avons déjà insinué, attachaient tant d'importance, prouvent qu'ils étaient pleinement convaincus de leur propre ignorance, et du besoin qu'avaient les hommes d'être éclairés d'une lumière surnaturelle.

Nous savons peu de chose de leurs oracles; nous pouvons affirmer seulement qu'ils se fondaient plus ou moins sur des conjectures. On a dit qu'ils étaient une invention de la fourberie des prêtres, et cela peut être vrai en partie. On a dit aussi que les démons y avaient quelque part; et quel homme, après y avoir mûrement réfléchi, oserait affirmer que la chose soit impossible? Peut-être ces ora

(1) Xenoph. Memorab. lib. 1.

cles entraient-ils dans le plan de la Providence, pour entretenir dans l'esprit des hommes un sentiment de l'insuffisance de leur raison, et pour leur faire penser, comme Socrate, que la révélation divine était au moins une chose désirable. Il est certain que Socrate ajoutait foi à ces oracles; que si l'on explique facilement quelques-unes de leurs réponses, d'autres sont bien extraordinaires; que la Providence les a laissés subsister pour un temps; et que peu après que la grande révélation les a eu remplacés, ils ont tous gardé le silence. Ces faits méritent l'attention de ceux qui rejettent l'Évangile.

Mais quelque désirable, quelque bienfaisante que soit la révélation, n'ayons pas la présomption de croire que la Divinité fût tenue de nous l'accorder. Cette prétention ne serait pas mieux fondée que s'il nous plaisait d'imaginer qu'Elle était obligée, au commencement, de créer l'homme, ou qu'Elle est forcée, par quelque détermination qui découle inévitable

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