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plaît, donner à ses ouvrages une étendue infinie; et pour une intelligence bornée, l'examen de ce qui n'a point de bornes ne peut jamais avoir de fin.

Nous avons chaque jour quelque chose à faire, sans cela nous serions malheureux. Tous les arts, toutes les sciences sont susceptibles de perfectionnement. Si cela n'était pas, l'esprit humain languirait dans l'inaction, le travail de l'homme n'aurait d'autre but que de le distraire; et l'esprit d'invention, et les vicissitudes de l'espérance et de la crainte n'existeraient plus ; état de choses également incompatible avec la vertu et le bonheur d'une créature intelligente telle que l'homme. Les doctrines essentielles de notre religion, ainsi que les parties pratiques et les plus nécessaires de l'agriculture, de la médecine, de la navigation et des autres sciences, ne dépassent pas la portée de quiconque a le désir de s'en instruire. Et cependant il y a encore et probablement il y aura toujours dans la religion, comme dans les arts et

dans les sciences, de nouveaux pas à faire, de nouveaux points à examiner et à éclaircir; et l'homme qui recherchera humblement la vérité, avec un sincère désir de la connaître et de faire du bien en la répandant, aura toujours lieu de se réjouir d'un travail qui ne contribuera pas moins à le rendre lui-même plus heureux et plus vertueux qu'à avancer la moralité et le bonheur du genre humain. Ajoutons, pour ceux qui se consacrent à éclaircir les vérités théologiques, qu'aussi long-temps les hommes seront doués de capacités différentes et sujets à se tromper, la sagacité de l'un servira à rectifier les erreurs de l'autre.

que

QUATRIÈME OBJECTION.

Contradictions apparentes de quelques points da l'histoire évangélique. De l'inspiration.

QUELQUES personnes ne savent comment concilier l'inspiration des évangélistes avec certains points sur lesquels les Évangiles semblent différer. Les écrivains sacrés ne

racontent pas les mêmes choses, et ne rapportent pas les mêmes événemens précisément de la même manière. Les différences sont légères, il est vrai, mais elles sont sensibles. Comment la chose a-t-elle pu avoir lieu, si les historiens étaient inspirés? Je soumets au lecteur, sur cette question, la réponse suivante :

Il y a long-temps que Socrate a observé que l'homme n'a pas besoin d'une révélation surnaturelle, à l'égard des choses qu'il peut suffisamment connaître par le seul secours de ses facultés naturelles. Une lumière surnaturelle était nécessaire pour mettre les apôtres en état de saisir l'ensemble des vérités évangéliques. Ils la reçurent donc le jour de la Pentecôte ou peu de temps après, conformément à la promesse de leur maître. Je dis ou peu de temps après, parce que, postérieurement à la descente du Saint-Esprit, une révélation particulière fut accordée à saint Pierre, au sujet de la conversion des païens, et que le plan entier de l'Évangile, accom

pagné de dons et de grâces miraculeuses, fut communiqué à saint Paul par une inspiration immédiate. Dès-lors nous trouvons que les apôtres, dans leurs enseigne, mens, revendiquent l'infaillibilité en termes formels. Leur maître leur avait également promis que, durant le cours de leur ministère, et dans quelques circonstances extraordinaires et imprévues, comme dans le cas où ils seraient cités devant les rois et les chefs des nations, ils recevraient un secours céleste pour assurer leur défense.

Mais l'inspiration n'était nullement nénessaire, pour mettre les premiers disciples en état de voir et d'entendre; ou pour leur enseigner comment ils devaient se conduire dans les affaires ordinaires de la vie. Nous n'avons aucune raison de penser, qu'après sa conversion saint Jean devint un pêcheur plus habile, ou saint Luc un médecin plus expérimenté. Il n'est donc pas nécessaire, je pense, de les envisager, comme historiens, sous un autre point de vue que sous celui de gens probes et ver

tueux, qui racontent ce qu'ils ont vu et entendu, ce qu'ils ont examiné, ce dont ils étaient juges compétens et qui les intéressait vivement: car, dans cette supposition, leur témoignage est bien suffisant pour établir la vérité de l'Évangile.

Si par exemple saint Jean a vu faire à son maître, ou lui a entendu dire des choses que saint Matthieu n'a ni vues ni entendues, ce qui doit être arrivé dans une foule de cas, il était également naturel au premier de raconter ces choses, et au second de les passer sous silence. De même, en supposant que saint Matthieu et saint Marc, témoins de la crucifixion du Sauveur, furent placés dans la foule de manière à entendre que l'un des brigands injuriait leur maître mourant; tandis qu'ils ne distinguèrent chez l'autre que le mouvement des lèvres sans qu'il leur fût possible d'entendre les paroles qu'il proférait : ils ont agi d'une manière assez naturelle, en concluant, dans un moment où tout le monde semblait conjuré contre Jésus, que

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