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Le défenseur du christianisme n'a point à répondre des opinions particulières de Luther, de Calvin, de, Bellarmin, ou de tout autre système susceptible d'être altéré par la faiblesse humaine; son devoir est de défendre la vérité telle qu'elle a » été enseignée par Jésus. Je ne me crois donc nullement obligé de réfuter aucune des objections de ces écrivains qui confondent les altérations du christianisme avec le christianisme lui-même [A]. Ceux qui persécutent ou qui haïssent; ceux même qui jugent peu charitablement de leurs semblables, se mettent en opposition directe avec les préceptes les plus clairs et sans contredit les plus essentiels

de l'Évangile; et toute église qui encourage la cruauté, l'injustice ou le manque de charité; toute église qui met à profit la ruse ou la duplicité, sous quelque prétexte et à quelque degré que ce soit, se rend au même degré indigne du nom de chrétienne.

Mais d'où vient que le christianisme est susceptible d'être défiguré? Dieu n'auraitil pas fait briller avec plus d'éclat son pouvoir et sa sagesse, en le mettant à l'abri de tout changement et de toute altération?

Aussi long-temps que les livres sacrés, auxquels toutes les sectes chrétiennes en appellent comme à la règle de leur foi, ne seront pas an antis, aussi long-temps que la rivalité mutuelle de ces sectes ne permettra pas que ces livres soient sensiblement altérés, il sera véritablement impossible de changer ou de falsifier entièrement le christianisme.

Tout ce qui a été confié à une créature aussi fragile et aussi faillible que l'homme, est par là même sujet à s'altérer. Qu'y

a-t-il de plus altérable que la santé, dont il soit plus facile d'abuser que la parole? On ne s'avisera pas de dire toutefois que la bonté et le pouvoir divin auraient brillé en nous avec plus d'éclat, si notre constitution nous eût mis hors d'état d'abuser de notre santé ou de pervertir l'usage de la parole. Dans tout état d'épreuve morale, l'erreur doit être possible, et l'abus peut se rencontrer [B].

Mais, indépendamment du principe général d'altération qui provient de la fragilité de notre nature, d'autres causes d'un genre plus particulier et vraiment extraordinaires, contribuèrent immédiatement après le siècle apostolique, à corrompre la religion chrétienne. La douce influence du christianisme suffisait-elle en effet pour arrêter sur le bord de l'abîme où elle allait se précipiter, la puissance colossale du peuple romain? Pouvait-elle prévenir la confusion, les crimes et la corruption générale des mœurs, qui accompagnent toujours le renversement des empires, et

qui se firent si sensiblement remarquer à la chute de celui des Césars? A travers les farouches clameurs des conquérans ambitieux qui se précipitaient du nord, étaitil possible que les doux accens de l'Évangile de paix se fissent entendre, ou qu'ils fussent pleinement compris? Alors survint cette longue nuit de ténèbres intellectuelles, quimenaçaient d'éteindre complètement tous les rayons de lumière qui, jusqu'alors, avaient éclairé les fils des hommes. Et du sein de ce chaos d'ignorance, comment faire disparaître le génie malfaisant de la superstition? comment étouffer ces cruels démons de rapine et de cruauté qui ne manquent jamais de s'emparer des esprits grossiers? Certes, il n'y a pas lieu d'être surpris que dans de telles circonstances une religion, qui a pour base la paix, la droite raison et la morale la plus pure, ait été d'abord négligée, puis mal comprise, et enfin grossièrement défigurée; il n'y a pas lieu d'être surpris qu'après avoir été employée à servir des

vues purement humaines et souvent à seconder une politique cruelle, elle ait contracté, dans son état de corruption, plusieurs symptômes de barbarie, et qu'elle ait été principalement entachée d'orgueil, de vanité et autres semblables extravagances de l'esprit humain.

En effet, dans l'espace de quelques siècles, le christianisme avait perdu sa beauté et sa vertu, fleur sanctifiante; et semblable à un courant obstrué par des décombres, si le lecteur veut bien me permettre cette figure, il n'offrait plus qu'un spectacle de désolation et de danger, plutôt qu'une image d'utilité et de paix. Mais quoique les eaux en fussent troublées, la source n'en était pas tarie; et lorsque, par l'effet graduel de causes plus ou moins apparentes, les décombres commencèrent enfin à céder et le courant à se frayer un lit, ce fleuve bienfaisant roula de nouveau des eaux abondantes et rapides. Et bien que cette masse vivifiante n'ait pas encore renversé tous les obstacles, qu'elle n'ait

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