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existence devait être celui de leur vie. La lot de la destruction ne peut pas être un mal pour eux; ils n'ont ni la conscience d'euxmêmes, ni l'idée de la mort, ni la crainte d'un avenir. La douleur est le seul mal phy→ sique qui puisse les atteindre, et la somme de ce mal, que le plus grand nombre d'entre eux n'éprouve pas, est bien moindre que celle du plaisir que leur donnent des besoins satisfaits. L'ame qui les animait, dépourvue de pensée, de raison, de moralité, de tout pressentiment d'un bonheur plus parfait, de tout moyen de s'élever jusqu'à l'auteur de leur être, ne doit pas leur survivre. La loi de la nature pour eux se termine là; ils ont rempli leur destinée : la suprême bonté leur devait-elle encore quelque chose? Ils n'espéraient rien de plus.

Non, l'IMMORTALITÉ N'APPARTIENT QU'A L'ESPERANCE.... C'est l'espérance qui est le point sur lequel se réunissent toutes les facultés de l'ame humaine. Desirs, actions, imagination, intelligence, tout se porte vers celle qui promet une félicité dont on se forme l'idée. Ce n'est donc point parce que l'ame est spirituelle qu'elle doit survivre à la dissolution du corps; mais parce que la raison et la pen

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sée sont exclusivement son apanage. Elle doit survivre, parce que dans ce monde elle ́ne jouit pas de tout le bonheur qu'elle conçoit; que Dieu ne peut pas lui avoir donné la faculté d'en concevoir l'idée, sans avoir eu la volonté de l'en faire jouir, et qu'autrement le sort des êtres bornés à la faculté de sentir serait infiniment préférable à celui de l'homme elle doit survivre, parce qu'elle a la conscience d'elle-même, la connaissance 'du bien et du mal moral, le desir d'un état plus parfait, et qu'elle peut s'élever jusqu'à l'amour de cette bonté suprême qui ne lui 'donne l'existence que pour la combler de ses bienfaits: elle doit survivre enfin, parce que sa destinée n'est point finie; que la pensée, identifiée avec sa substance, lui fait franchir le terme de la vie ; que souvent elle desire ce terme comme celui des peines physiques et morales qui ne lui paraîtraient qu'un supplice sans but et sans raison, si l'anéantissement total et semblable à celui de la brute était l'accomplissement de son sort.

Les sens que la nature a donnés aux animaux de tout genre sont, dans la proportion de leur organisation plus ou moins compliquée, en harmonie parfaite avec les élé

mens dont le systême actuel se compose. Leurs besoins, leurs desirs, la durée de leur existence, leur destruction même, tout est calculé avec une admirable sagesse; mais dans l'homme, dont l'existence physique se trouve soumise à la même loi, il est d'autres besoins, d'autres desirs qui tiennent au sens intellectuel et raisonnable dont l'animal est dépourvu, et qui n'est en harmonie avec aucun des élémens de ce monde. Ce sens, admis par les meilleurs philosophes comme le sixième et le plus parfait, est, si je l'ose dire, la végétation de son ame, qui cherche l'élément où elle doit se développer toute entière. L'homme sensible et éclairé qui, pendant une suite d'années, se trouverait isolé sur la terre, qui, tourmenté du besoin de communiquer ses sentimens et ses pensées, n'aurait eu pour confidens que des arbres et des rochers, et qui tout à coup rencontrerait un être sensible prêt à partager toutes ses émotions, à calmer toutes ses peines, en lui présentant le bonheur dans l'intimité d'une réciproque tendresse ; cet homme, dis-je, me donnerait l'idée de la jouissance que doit éprouver une créature intelligente dont l'ame, pénétrée de desirs

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qu'elle ne peut satisfaire, faute de rapports entre eux et les objets qui l'environnent, s'échappe enfin de l'asile momentané qui la retenait pour s'emparer du séjour de la félicité qu'elle invoque.

Ainsi donc, appuyer l'immortalité de l'ame humaine sur sa moralité et sur les rapports qui lient évidemment son existence actuelle avec une existence future, c'est établir cette vérité sur la constitution même de l'homme et sur l'invariable loi de la nature. La différence mise par elle entre les animaux et lui en donne la démonstration parfaite. Dans l'ordre de la création, les ames des brutes ne sont, par leurs sensations et même par leurs idées, que dans un rapport physique avec les objets qui les environnent; en finissant, elles accomplissent leurs destinées, tandis que l'ame humaine est, par sa moralité, par ses desirs, par son espérance, en rapport avec un ordre de choses futures qui seul peut, dans l'avenir, lui donner le complément de son existence et du bonheur auquel elle aspire.

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CHAPITRE III.

Du Bonheur après la vie.

Il n'est aucun systême de politique, de morale ou de religion, dont cette idée, ou plutôt ce sentiment profond, n'ait cimenté la base. Une sorte de délire philosophique a pu tenter quelquefois d'étouffer dans le cœur de l'homme ce sentiment qui renaît de lui-même et qu'il doit à la nature : mais la raison, toute pervertie qu'elle est, se débat encore contre un instinct plus fort qu'elle. Le matérialiste et l'athée sont des êtres qui font un songe pénible, et qui, la main appuyée sur un cœur qu'ils sentent plein de mouvement et de vie, nient la circulation du sang, parce qu'ils ne la voient point: ils ne sont pas de bonne foi. La candeur doit être toujours inséparable de la vraie philosophie, bien différente du philosophisme de nos jours. En la rappelant à l'étymologie même du mot, est-elle autre chose que l'amour de tout ce qui peut

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