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faire connaître l'horrible position dans laquelle je me trouve. Leur retour ramenerait sûrement l'union dans cette grande famille dont je me plais tant à me regarder comme le père.

En rendant justice à vos offres généreuses, monsieur, et au zèle pur qui les dirige, je ne puis, dans le moment actuel, rien accepter, et encore moins me compromettre par des promesses dont on me ferait un crime. Comptez, monsieur, autant sur ma bienveillance que sur le désir que j'ai de vous en donner des preuves.

NOTE SUR LA LETTRE XLIII

LOUIS.

Toujours même persévérance, même fidélité au serment qu'il a prêté. Rien de plus positif que cette lettre.

Quand le roi a cru que le déploiement de la force était nécessaire pour en imposer aux mêchants, il a autorisé des démonstrations qui, s'il y avait eu un accord entre toutes les puissances, auraient pu arracher les Français et leur roi au joug des factieux. Mais Louis XVI a accepté (en septembre) une Constitution que les factieux eux-mêmes feignent encore de respecter; fidèle à son serment, il repousse tout secours étranger; ce ne sera que, lorsque jetant le masque, les factieux auront renversé cette Constitution (et cette époque n'est pas éloignée), qu'il se croira libre de nouveau de chercher d'autres moyens de sauver la France.

Cette lettre suffirait pour prouver que celle que l'on a supposée écrite en novembre 1791 à M. de Breteuil, est certainement de 1790, ainsi que celle que Louis XVI écrivit au roi de Prusse.

Bertrand de Molleville nous paraît digne de toute confiance, lorsqu'il assure qu'ayant donné une mission à Mallet du Pan, et voulant l'adresser vers cette époque au baron de Breteuil, le roi lui dit que cet ancien ministre n'avait plus de pouvoirs.

Au surplus, voici cette lettre du roi au baron de Breteuil, dont la date est vraisemblablement d'une époque fort rapprochée de celle que Louis XVI écrivit au roi de Prusse.

Monsieur le baron,

Connaissant tout votre zèle et votre fidélité, et voulant vous donner une preuve de ma confiance, je vous ai choisi pour vous confier les intérêts de ma couronne. Les circonstances ne me permettent pas de vous donner des instructions sur tel ou tel objet, et d'avoir avec vous une correspondance suivie : je vous envoie la présente pour vous servir de plein pouvoir et d'autorisation vis-à-vis des puissances étrangères, avec lesquelles vous pourrez avoir à traiter pour moi. Vous connaissez mes intentions, et je laisse à votre prudence à en faire l'usage que vous jugerez nécessaire pour le bien de mon service. J'approuve tout ce que vous ferez pour arriver au but que je me propose, qui est le rétablissement de mon autorité légitime, et le bonheur de mes peuples. Sur ce, je prie Dieu, etc.

LOUIS.

LETTRE LIV

A M. DE N.....

23 décembre 1791.

Les deux partis opposés qui règnent dans l'Assemblée Législative, et qui se sont formés, pour ainsi dire, le jour de son installation, vous effraient, et vous ont obligé d'écouter les propositions qui vous ont été faites, et dont vous me parlez dans votre dernière lettre, datée de votre maison à... Comme vous, je suis réellement effrayé de cette opposition: la haine et l'envie la dirigent. Je vois des maux incalculables naître de cette lutte nouvelle, et j'ai tout lieu de présumer que je serai la première victime des débats scandaleux qu'elle

fera naître. On vous a proposé de me lier au parti le plus violent et le plus audacieux, en prenant dans son sein, ou d'après sa présentation, les ministres qui doivent être mon conseil, et de ne placer que des hommes de leur caractère dans les places qui sont à ma nomination. Tous ces gens-là me plaisent peu, et je ne puis choisir parmi eux. La Constitution est là, qui doit me servir de guide: je ne puis ni ne dois m'en écarter; et soyez persuadé que je chercherai les hommes qui peuvent m'être utiles, parmi ceux qui aiment et veulent défendre cette Constitution. Ceux qui m'ont été désignés dans votre lettre ne sont pas de mon goût; ils n'ont, pour tout mérite, que l'audace du crime; ils ont tous une arrière-pensée, qui toujours sera subordonnée aux événements; et je les crois encore plus attachés à quelques chefs adroits et déguisés qu'à la Constitution, dont ils feignent vouloir prendre la défense. Il y a encore parmi eux de beaux parleurs, mais gens sans tenue, sans génie, incapables d'agir. Condorcet a la tête farcie de démonstrations, de problèmes. Ce n'est pas de la théorie qu'il nous faut, c'est une expérience active. Vergniaud n'est pas assez froid pour le cabinet; S..... fourbe et maladroit; L..... d'une franchise rebutante; il croit donner des conseils, et il vous dit de grosses injures assaisonnées de patriotisme. Je ne choisirai point mes ministres parmi ces hommeslà. Il me faut des hommes prudents, assez généreux pour se sacrifier, attachés par devoir et par honneur au nouvel ordre des choses, et qui m'aiment assez

pour daigner s'intéresser encore à moi. Vous voyez bien qu'il m'est impossible de faire un choix parmi les êtres qui me sont présentés par le parti dont la puissance vous effraie. Voyons si je pourrai le vaincre en lui opposant les vrais amis de la Constitution. Adieu.

NOTE SUR LA LETTRE LIV

LOUIS.

Cette lettre du roi à un homme qui a joué un rôle très-actif sous plus d'un régime, prouve qu'il connaissait bien sa position; il sentait la difficulté de former un ministère qui partageât iranchement ses bonnes intentions. Il paraît que tous les hommes que M. de N... propose, étaient parfaitement connus du roi; fls étaient en effet « plus attachés à quelques chefs adroits et déguisés qu'à la Constitution, dont ils feignaient de vouloir prendre la défense. »

Louis XVI voulait des hommes sages, prudents, attachés par devoir et par honneur au nouvel ordre de choses...

M. de N.., est, probablement, le même homme d'état que Bertrand de Molleville a peint de couleurs assez fortes dans ses Mémoires particuliers.

Le roi ne lui dit point qu'il n'a aucune confiance en sa feinte frayeur; mais il repousse avec mépris la proposition qu'on a faite à M. de N... de le lier au parti le plus violent et le plus audacieux sans doute le roi pense que la personne à laquelle il répond n'est pas tout-à-fait étrangère à ce parti.

Veut-on connaître en effet les hommes qui menaient alors? Ce sont ceux qui ont été désignés dans cette lettre à M. de N... « Jls n'ont, pour tout mérite, dit le roi, que l'audace du crime; ils ont tous une arrière-pensée, qui toujours sera subordonnée aux événements... » Les personnes qui, à l'époque où cette lettre fut écrite, n'avaient pas encore prononcé sur le caractère de ces hommes, ont pu se convaincre, depuis, que Louis XVI les avait bien jugés.

LETTRE LV

A M. VERGNIAUD

Ce 19 janvier 1792.

Votre plan est sublime, monsieur; mais il n'est plus temps de feindre. Vous proposez, et je ne puis rien; je n'ai pas même le pouvoir de faire croire au désir que j'ai de faire le bien. Vous-même, monsieur, quand bien même je le voudrais, ne pouvez espérer aucun succès. Le crime veille; on conspire; la Constitution doit succomber, et avec elle le fonctionnaire public qu'elle a créé. Vous avez des idées grandes et libérales, mais votre gouvernement mixte ne peut durer qu'un jour. Les novateurs n'ont aucun but; ils visent à la nouveauté, et ne s'attacheront jamais à rien; ils détruiront toujours; ils renverseraient le lendemain la Constitution qu'ils auraient établie, les fonctionnaires publics qu'ils auraient nommés: ils tendent à se détruire eux-mêmes. Il faut, monsieur, se rallier de bonne foi à la Constitution; elle a des imperfections, je l'avoue; mais, dans un temps orageux, elle est une planche salutaire: sauvons ensemble, de bonne foi, cette Constitution.

NOTE SUR LA LETTRE LV

LOUIS.

Quoique le roi connût bien les vices de la Constitution de 1791; quoiqu'une expérience de quelques mois lui eût fait pressentir le sort de cette Charte et celui du fonctionnaire public qu'elle avait créé, il ne cherchait pas moins à rallier les Français à ct acte qui, malgré ses imperfections, lui paraissait une planche salutaire.

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