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encore valable et obligatoire; enfin la sponsio du général qui est faite sans aucune consécration et qui peut toujours être désavouée par les pouvoirs publics.

Les féciaux intervenaient encore dans une autre partie des rapports internationaux : c'est à eux qu'était confiée la déclaration de guerre. Les Romains, qu'on a souvent accusés, comme tous les anciens d'ailleurs, de faire la guerre en sauvages et d'abuser de la victoire, faisaient de la déclaration de guerre un acte diplomatique très minutieux et très compliqué. Les philosophes et les historiens sont unanimes: pour être juste et légale (justum ac pium bellum) une guerre doit être nécessairement précédée d'une déclaration (indictio) faite suivant la loi et les rites: « Nullum bellum est justum, dit Cicéron, nisi quod aut rebus repetitis geratur aut denuntiatum sit ante et indictum (1). » « Cum justo et legitimo hoste res gerebatur adversus quem et totum jus fetiale et multa jura sunt communia (2).

Une députation du collège des féciaux était chargée, quand le sénat le jugeait bon, de porter les plaintes du peuple romain à l'état étranger dont on avait à se plaindre, et de lui demander réparation ad res repedentas. Le pater patratus chef de l'ambassade invoquait Jupiter avant de passer la frontière ennemie et le prenait comme témoin du bon droit des Romains: « Audi Jupiter, audile fines! (cujuscunque gentis nominat) audiat fas! Ego sum publicus nuntius populi Romani: juste pieque legatus venio ver

1. De off. I. 11 §. 36.

2. id. III, 29.

bisque meis fides sit. Peragit deinde postulata. Inde Jovem testem facit: si ego injuste impieque illos homines illasque res dederi mihi exposco tum patriæ compotem me nunquam sinis esse (1). »

Le fécial répète cette formule au premier habitant qu'il rencontre, puis dans la capitale de l'état. Il accorde au peuple étranger un délai de trente trois jours pour donner satisfaction (2). Ce délai passé si les réclamations du peuple romain sont repoussées il en prend à témoin Jupiter et tous les dieux: « Audi Jupiter et tu Jane Quirine diique omnes cœlestes vosque terrestres vosque inferni audite! ego vos testor populum illum (quicunque est nominat) injustum esse neque jus persolvere sel de istis rebus in patria majores natu consulemus, quo pacto jus nostrum adipiscamur (3). »

Le bon droit des Romains étant ainsi mis en évidence le sénat et le peuple peuvent décider la guerre que les féciaux doivent encore déclarer (indicere) (3). Pour cela le pater patratus accompagné de trois témoins se rend à la frontière de l'Etat ennemi, et la tête voilée, se plaignant de l'injustice de ce peuple, il lance un javelot sur son territoire en prononçant la formule suivante qui nous a été conservée par Aulu-Gelle: « Quod populus Hermundulus hominesque populi Hermunduli adversus populum Romanum bellum facere deliqueruntque, Quodque populus Romanus cum populo Hermundulo hominibusque Hermundulis

1. Liv. T. 32.

2. Liv I. T. 32 22. Dionys II, 72, VIII, 35, 37.

3. Liv, T. 32.

4. Liv. De rep. II, 17 Liv. I, 32,

Boyer

bellum jussit obeamrem ego populusque Romanus populo Hermnudulo hominibusque Hermundulis bellum dico facioque (1).

Plus tard, quand les guerres devinrent trop lointaines, les féciaux ne pouvant se transporter à la frontière ennemie, accomplissaient les mêmes formalités dans un champ de Rome considéré fictivement comme territoire étranger. Mais alors le droit fécial avait perdu son caractère d'équité; il consistait uniquement en des formalités vides de sens, conservées pour donner satisfaction à l'esprit superstitieux du peuple romain. Bien qu'il n'eût plus aucune influence ni aucune autorité réelles, le collège des féciaux subsista jusqu'à une époque avancée de l'Empire (2).

1. Gell. XVI, 4, Nuits attiques.

2. Dion Cass. L. 4, LXXI, 33. Mom. Marq. XIX 2, 6.

CHAPITRE IV

FORCE LÉGALE DES TRAITÉS.

-

CONCLUSION

Maintenant que nous arrivons au terme de cette étude, que nous savons par qui et comment sont conclues toutes conventions internationales, nous pourrons nous rendre compte de la conception romaine des traités et apprécier leur valeur juridique.

Dans le monde ancien, les peuples vivent d'une façon normale dans un état sinon de guerre au moins d'inimitié. Elle existe de droit entre eux quand ils n'y dérogent pas par une convention particulière. Aux yeux des Romains, les traités sont donc des contrats ayant pour but de substituer l'état exceptionnel de paix à l'état habituel de guerre. Pour être valables, ces contrats doivent remplir certaines conditions que nous avons successivement examinées. Ils doivent d'abord émaner d'une autorité compétente, comices, sénat ou magistrats et d'une façon générale être approuvés par le peuple romain, maître suprême de ses destinées. Ensuite ils doivent être conclus d'après certaines règles et dans des formes déterminées dont la plus importante est la consécration religieuse et le serment du droit fécial.

Supposons donc que tout se soit passé avec la plus grande régularité. Un projet de traité a été soumis au

sénat et accepté par lui, puis voté par les comices. Le général en chef, assisté d'une députation du sénat, a rédigé la convention conformément aux ordres qu'il a reçus ; enfin il a échangé les stipulations avec les représentants étrangers et sur son ordre les féciaux ont prêté le serment et accompli toutes les cérémonies prescrites. Quelle serait la valeur juridique et la force légale d'un pareil acte?

La réponse est bien simple : ce sera un contrat parsaitement valable, et comme tel productif d'obligation pour les deux parties; chacune d'elles sera obligée de respecter et d'exécuter toutes les clauses du traité. Jusqu'ici nous restons complétement dans la théorie des contrats du droit privé. Mais il va falloir nous en séparer; si, en effet, l'obligation née d'un contrat privé est violée par l'une des parties, cette violation donnera immédiatement une action à l'autre partie, de sorte que le contrat aura engendré d'abord une obligation, puis si celle-ci n'est pas exécutée, une action. Or les contrats internationaux n'engendrent jamais d'action: il n'existait pas plus autrefois qu'aujourd'hui de tribunaux supérieurs pour juger les procès des peuples. La sanction des traités, ou plutôt de leur violation par un des contractants, était uniquement. le droit pour l'autre de ne plus le respecter et de le considérer comme non avenu; c'était par conséquent le retour à l'état primitif de guerre. C'est ce qu'exprime Gaïus dans un passage que nous avons déjà cité. « Si quid adversus pactionem fiat, non ex stipulatu agitur, sed jure belli res vindicatur. »

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