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droit de propriété des Français à l'étranger. Par conséquent aux termes de l'article 8 de la loi du 16 juillet 1875 ils ne sont définitifs qu'après avoir été votés par les deux Chambres. Cette loi n'a pas été observée. Plusieurs traités de ce genre, notamment les conventions FrancoBrésilienne et Franco-Espagnole, que nous avons citées plus haut, n'ont reçu que la ratification du pouvoir exécutif et n'ont jamais été soumises aux Chambres. Elles ne sont donc pas valables, ne peuvent produire aucun effet juridique et ne sauraient être invoquées utilement devant les tribunaux.

On voit que malgré sa précision et son apparente clarté l'article 8 de la loi constitutionnelle se prête à plusieurs controverses. Après les avoir indiquées et résumées je crois qu'on pourrait formuler en quelques mots notre système actuel en mat ère de traités. La négociation appartient toujours et exclusivement au pouvoir exécutif. La ratification, et il faut entendre ce mot dans son sens le plus complet, lui appartient également en principe; sa seule signature rend doncvalables et exécutoires les traités qu'il a négociés, à l'exception de : 1° les déclarations de guerre ; 2o les traités de paix; 3° les traités de commerce; 4° les traités qui engagent des finances; 5° les traités relatifs à l'état des personnes (controverse relative aux conventions d'extradition); 6° les traités relatifs au droit de propriété des Français à l'étranger; 7° les traités modifiant le territoire national. Pour tous ces traités, mais pour ceux-là seulement, la sanction du pouvoir exécutif est insuffisante et l'approbation des Chambres est une condition indispensable de validité. Pour les autres, elle est facultative.

CHAPITRE IX

CONSTITUTIONS ÉTRANGÈRES

Après avoir parcouru toutes les constitutions qui se sont succédé en France depuis près d'un siècle, après avoir étudié toutes les règles que notre pays a successivement adoptées, rejetées et reprises avant d'en arriver au système actuel, il est intéressant d'examiner ce qu'ont fait nos voisins, et sans remonter aussi loin pour chacun d'eux, de comparer leur législation actuelle à la nôtre. C'est là une étude d'autant plus logique qu'un traité suppose au moins deux contractants. Par conséquent il ne nous suffit pas de savoir à quelles conditions nous pouvons passer un traité valable; il est aussi important pour nous de savoir si, oui ou non, ce traité sera valable chez notre voisin, si, oui ou non, il l'engagera vis-àvis de

nous.

Nous allons donc examiner rapidement les différentes constitutions étrangères et leur demander où réside, dans chaque Etat, le droit de conclure et de ratifier les traités.

ALLEMAGNE

La Constitution actuelle de l'Empire d'Allemagne est du 16 avril 1871. C'est une constitution fédérale. En effet

les différents Etats de langue et de nationalité allemande ont toujours eu entre eux depuis le commencement du siècle des liens politiques qui se sont plusieurs fois modifiés avant d'arriver à l'état actuel. La Constitution germanique, telle qu'elle résultait du Congrès de Vienne, a disparu après Sadowa pour faire place à la Confédération de l'Allemagne du Nord; celle-ci a été remplacée à son tour en 1871 par l'Empire d'Allemagne. Nous avons vu au commencement de ce travail que le lien fédéral avait pour résultat notamment de modifier la souveraineté des Etats qu'il englobe, au point de vue des relations internationales. Mais il faut observer ici que l'Empire d'Allemagne n'est pas un État fédératif existant dans des conditions habituelles; ordinairement, en effet, on appelle ainsi une réunion d'États égaux, indépendants vis-à-vis les uns des autres et qui ont en plus de leurs gouvernements respectifs un gouvernement central et commun, auquel ils ont une part égale, qui est chargé de veiller aux intérêts communs et particulièrement à la politique extérieure. Nous en avons un type complet dans les ÉtatsUnis d'Amérique.

Or, il y a dans l'Empire d'Allemagne, un élément tout à fait contraire à cette conception de l'État fédéral : c'est l'énorme prépondérance de la Prusse, qui a dans le Conseil fédéral et dans le Reichstag un nombre de voix très supérieur à celui des autres pays, dont le roi est en même temps chef héréditaire de la Confédération, et qui a surtout une suprématie absolue en fait d'autorité militaire. C'est donc un état fédératif qui existe dans des conditions exceptionnelles.

La Constitution impériale s'occupe du droit de conclure les traités dans l'article 11: « L'Empereur représente l'Empire dans les relations internationales, déclare la guerre et fait la paix au nom de l'Empire, conclut les alliances et autres conventions avec les États étrangers, accrédite et reçoit des envoyés diplomatiques. Si les traités avec les Etats étrangers se rapportent à des objets qui d'après l'article 4 appartiennent au domaine de la législation de l'Empire, le consentement du Conseil fédéral est nécessaire pour leur conclusion et l'approbation du Reichstag pour leur validité.»

Les traités que passe l'Empire d'Allemagne sont donc régis par un système analogue au nôtre. Le principe est que l'Empereur négocie et ratifie les traités; l'exception, que certains de ces traités limitativement déterminés ont besoin, pour être valables, de la sanction parlementaire. Mais la portée de cette exception est tout autre dans la constitution allemande que dans la nôtre. Chez nous elle comprend les traités les plus importants et les plus nombreux; en Allemagne elle ne vise que certaines conventions ayant un caractère financier ou administratif. En effet, si nous nous reportons à l'article 4 de la constitution de l'Empire, nous verrons que la législation d'Empire comprend:

1o Les prescriptions relatives à la libre circulation, à l'indigénat et à l'établissement des membres de l'un des états de la confédération dans un autre.

2o la législation des douanes, du commerce et des impôts applicables aux besoins de l'Empire.

3o le système des mesures, monnaies et poids.

4° les prescriptions générales sur les langues.

5° les brevets d'invention.

6o la propriété des œuvres de l'esprit.

7° l'organisation d'une protection commune du commerce allemand à l'étranger, de la navigation.

8° les chemins de fer, etc.

Toutes les fois qu'un traité contiendra des dispositions relatives à ces différents objets, il devra, pour être valable, recevoir la ratification du Reichstag. Mais, à côté de cela, l'Empereur peut conclure à lui seul, et pour tous les états de la confédération, les traités de paix ou d'alliance, quelles qu'en soient les clauses; tous les traités politiques, ceux même qui modifieraient l'état des personnes, etc. Il a même, l'article 11 le lui reconnaît formellement, le droit absolu de paix et de guerre et cela sans aucun contrôle.

Telle est la législation de l'Empire, mais on peut ensuite se demander quelle est la situation particulière des différents états qui composent cet empire. Un point certain, c'est que les traités passés conformément à la constitution que nous venons d'examiner sont exécutoires dans toute l'étendue du territoire fédéral et obligent chaque état individuellement. Ceux-ci peuvent-ils de leur côté conclure des traités et dans quelle limite le peuvent-ils ? La constitution de 1871 est muette sur ce point; on peut donc dire qu'elle n'a pas modifié les dispositions précédemment en vigueur dans la confédération de l'Allemagne du nord qui laissent à chaque état le droit de conclure des traités. Il est bien difficile d'enlever aux états allemands ce droit fondamental dans le silence de la

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