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vérité sur des faits généralement connus, mais dont le rapprochement, fait sous des rapports qui n'avoient pas été suffisamment saisis jus-que-là, les rend féconds en résultats et en applications nouvelles. La seconde partie dans laquelle sont ses observations sur la mort a paru plus curieuse, en ce qu'elle est appuyée sur un grand nombre d'expériences qui n'avoient point été faites, ou qui l'avoient été d'une manière moins démonstrative.

La mort naturelle est rare; celle qui est lentement amenée par les maladies, se compose d'une foule de désordres qui en compliquent l'étude; celle qui tranche plus ou moins subitement la vie, lorsque la plupart des organes sont dans leur intégrité, se présente avec une grande simplicité de causes, et peut être aisément produite dans les animaux par la voie des expériences : c'est celle-ci que l'auteur a spécialement présentée dans cette partie de son traité.

Il rapporte la mort à la cessation des fonctions de trois organes prin cipaux. Ces organes sont : le cœur, le poumon et le cerveau. L'un où l'autre de ces organes étant mort, c'est-à-dire ayant cessé ses fonctions, entraîne la mort des autres et celle de tout l'individu '; mais avec des phénomènes, et suivant une progression différente pour chacun d'où il résulte différens genres de mort. L'auteur examine donc successivement, 1°. les caractères de la mort quand elle part du cœur et son influence sur la mort du cerveau, sur celle du poumon, sur celle des autres organes et sur la mort générale ; 2o. les caractères de la mort qui part du poumon, et son influence sur celle du cœur, sur celle du cerveau, sur celle des autres organes et sur la mort générale ; 3°. enfin les caractères de la mort quand elle part du cerveau, et son influence sur le poumon, sur le cœur, sur les autres organes, et sur la mort générale. Les phénomènes de la syncope, c'est-à-dire de la mort subite, commençant par le poumon; ceux de l'apoplexie ou de la mort subite, commençant par le cœur, ceux de l'asphyxie ou de la mort subite, commençant par le cerveau, et les morts qui succèdent aux plaies et aux lésions qui attaquent immédiatement quelques-uns de ces organes, sont les exemples dont il se sert pour appuyer ses propositions. Voici les principales:

1°. Le cœur doit être considéré comme un organe double; d'une part est le cœur pulmonaire ou le cœur à sang noir, de l'autre est le cœur aortique ou le cœur à sang rouge. Le terme de la vie dans l'un

et dans l'autre, n'a point les mêmes limites. La mort du cœur commence rarement par les cavités à sang noir; ce sont en général celles dont l'action survit dans presque tous les cas, excepté dans les blessures de ces cavités.

La mort du cœur à sang rouge agit immédiatement sur le cerveau, dont la vie dépend du sang porté dans sa substance; il n'agit que consécutivement sur la respiration, par l'action du cerveau interceptée, et alors l'effet se porte sur les mouvemens mécaniques qui entretiennent cette fonction ; les effets chimiques ne se suppriment qu'ensuite. La mort du cœur à sang noir, en arrêtant la circulation, suspend tous les effets de la respiration, et immédiatement après arrête les mouvemens du cœur à sang rouge, et leur effet sur le cerveau. Ici l'auteur donne des détails intéressans sur la manière dont l'air injecté dans différentes parties du système veineux ou du système artériel, agit sur les organes qu'il traverse; il montre que, dans toutes ces expériences, les premières fonctions éteintes sont celles du cerveau ; mais que quand l'injection s'est faite par les veines, les spasmes du cœur accompagnent cette mort, mais prouvent aussi que les contractions de cet organe survivent à la destruction de l'influence cérébrale.

2o. La mort qui commence par la respiration s'établit de deux manières ou elle est due primitivement à la suspension des mouvemens d'inspiration et d'expiration, ou elle s'établit d'abord par la suppression des effets chimiques du poumon, dont le résultat est la formation du sang rouge. Le premier genre de mort entraîne nécessairement et immédiatement le second; le second ne produit le premier que par un effet consécutif, après avoir d'abord agi sur le cerveau, dont la mort entraîne celle du diaphragme et des muscles du thorax. Quelle que soit la manière dont la respiration cesse, l'influence de la mort du poumon se porte immédiatement, non sur le cœur, dont les cavités gauches elles-mêmes continuent encore de se contracter même sur le sang noir qu'elles reçoivent, mais sur le cerveau, qui pour lors est pénétré par du sang noir au lieu de sang rouge et artériel. L'effet se porte consécutivement sur le cœur, comme sur tous les autres organes musculaires, dont la vie s'éteint, soit par la cessation de l'influence cérébrale pour les uns, soit pour tous par l'influence sédative du sang noir qui finit par pénétrer tous les organes et en éteindre la vie, 3o. La mort qui commence par le cerveau n'agit qu'indirectement

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sur les phénomènes chimiques de la respiration ou sur la vie propre du poumon. Elle influe, au contraire, immédiatement sur les mouvemens respiratoires, dont les muscles sont sous l'influence cérébrale ; elle agit très-indirectement sur le cœur, et en général affecte immédiatement la vie animale seule, et consécutivement, mais plus tardivement la vie organique.

Il n'est aucun de ces chapitres auquel l'auteur, outre des preuves tirées de l'observation des maladies, n'ait joint des expériences trèsingénieuses. Une des plus remarquables est celle par laquelle il démontre que c'est sur le cerveau et non immédiatement sur le cœur, comme on le pensoit généralement, d'après les observations de Goodwyn, que se produisent d'abord les effets du sang noir, quand, privé de l'action de l'air respirable, ce sang passe dans les cavités gauches et dans le système artériel à sang rouge. Il le démontre, non seulement par l'analyse des phénomènes des asphyxiés, mais encore par une expérience directe dans laquelle il fait passer le sang veineux dans les carotides, et par cela même produit immédiatement les effets de l'asphyxic, quoique l'animal ait le poumon libre, et que les voies aériennes ne soient point interceptées (page 280, etc.). L'effet est très-sensible, quoique l'expérience ne soit faite que sur une des carotides, et qu'il en reste une autre libre, ainsi que les deux vertébrales sur lesquelles on ne peut opérer, et par lesquelles le sang rouge continue de pénétrer dans le cerveau. On peut citer encore les expériences par lesquelles l'auteur démontre qu'en vidant d'air, à l'aide d'une pompe, les cellules du poumon, et produisant un état d'expiration forcée et soutenue, dans lequel les vaisseaux pulmonaires sont aussi repliés qu'ils peuvent l'être, la circulation du sang n'est point immédiatement interceptée (page 242). On doit également citer l'expérience par laquelle il fait passer le sang artériel du rouge au noir, et alternativement du noir au rouge, avec des nuances d'effets variés comme les conditions de l'expérience. Pour cela, il adapte, d'une part, un tube à robinet à la trachée artère, et de l'autre, un autre tube à l'artère fémorale. Variant ensuite à son gré les alternatives et le mode d'exclusion ou d'admission de l'air dans les voies aériennes, il occasionne dans les mêmes proportions des changemens alternatifs dans la coloration du sang qu'on laisse à volonté jaillir de l'artère. Ce fait étoit bien connu, quoiqu'il eût été révoqué en doute par Haller; mais on ne l'avoit pas dé

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montré avec cette précision à l'aide de l'expérience. M. Dumeril et l'un de nous avons été témoins et coopérateurs de ces expériences ingénieuses.

Telle est l'analyse que nous pouvons donner de l'ouvrage remar quable de Bichat sur la vie et la mort. Il est, comme nous l'avons dit, la base d'un beau plan de Physiologie. Toutes les parties de ce plan ont été développées à la fin du discours préliminaire de l'Anatomie générale.

Ce dernier ouvrage, dont nous ne pouvons qu'indiquer l'objet et les idées fondamentales, a pour but, en analysant anatomiquement les différens genres de texture qui entrent le plus généralement, comme élémens, dans la composition de nos organes, de suivre en même temps les propriétés vitales ou celles dont l'exercice est intimement lié aux conditions qui constituent la vie, dans les différentes modifications qu'elles prennent selon la diversité de ces tissus. Il faut d'abord distinguer ces propriétés des propriétés purement physiques, qui résultent du mode d'union des parties et de la manière dont elles sont assemblées et tissues. La ténacité, l'extensibilité, l'élasticité, la rétraction ou le racornissement produit par différentes causes qui agissent sur les tissus et les fibres animales, même privées de la vie, et qui en font changer les formes et l'étendue, quoique différemment modifiées dans les tissus différens, ne doivent point être confondues avec les propriétés vitales. La faculté de sentir les impressions venues du dehors, ou d'être excité par les stimulans internes; celle de se contracter, soit en conséquence de l'excitation produite, soit par les déterminations de la volonté, constituent les propriétés vitales: la contractilité est sensible quand le mouvement propre de l'organe est visible; elle est insensible quand elle n'est reconnoissable que par les mouvemens qu'elle imprime à d'autres corps, comme aux liquides contenus dans les organes. La dénomination de sensibilité animale et de sensibilité organique; de contractibilité organique et de contractibilité animale; celle de contractibilité organique sensible et de contractibilité organique insensible répondent à toutes ces diversités, et expriment les variétés essensielles des propriétés dépendantes de la vie.

Après la molécule animale, dont les premiers assemblages se prolongent en fibres ou s'étendent en lamelles, les élémens primitifs de

l'organisation se trouvent dans les textures les plus simples dans lesquelles se combinent ces fibres ou ces lames, et qui entrent ensuite dans la formation d'organes plus composés. Dans ces tissus ou ces élémens organiques, les propriétés se montrent avec des modifications que l'observation ou l'expérience font reconnoître, et qui sont différentes dans chacun d'eux. Ils se répandent, sans perdre leurs caractères, dans les diverses parties du corps, pour entrer dans la composition des appareils destinés à remplir les différentes fonctions de l'économie animale. Cette généralité et cette uniformité leur font donner par Bichat le nom de systèmes, et parmi ces systèmes il en est qui entrent dans la composition de presque tous les appareils, et d'autres qui se trouvent exclusivement dans quelques-uns. Ils oce cupent également un espace plus ou moins étendu dans l'assemblage entier des parties qui composent l'animal,

Prenant donc pour caractères distinctifs des tissus ou des systèmes, la différence des propriétés, ainsi que la diversité des textures, et établissant ses divisions sur ces bases, M. Bichat distingue huit systèmes généraux qui se combinent dans le plus grand nombre d'appareils, et treize systèmes ou genres de tissus propres à quelques appareils seulement, et qui même en constituent quelques-uns entièrement.

La structure de chacun de ces systèmies, la mesure et la manièrę dont les propriétés vitales s'y manifestent dans l'état naturel ou dans l'état de maladie, leur manière, spéciale de se développer, de se reproduire ; leurs maladies propres, leurs altérations organiques, la manière dont ils se détruisent par la désunion de leurs parties, leurs rapports avec les autres systèmes et leurs influences mutuelles, sont la source d'une multitude de réflexions appuyées sur des faits, et qui s'appliquent utilement à la physiologie et à la pathologie. Chaque article en seroit un exemple remarquable, mais nous indiquerons spécialement l'article du tissu ou du système cellulaire, dont les propriétés sont éclaircies par la théorie des plaies et de leur cicatrisation, par celle des dépôts, des métastases; les expériences sur la différence de sensibilité des ganglions et des nerfs cérébraux dans l'article du Systèmę nerveux de la vie organique ; le développement curieux et nouveau sur les propriétés des systèmes capillaires, et l'exposition des phénomènes qu'ils présentent en santé, dans les affections de l'ame et dans les maladies, par des mouvemens évidens qui ne conservent aucune harmo

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