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branche de la physique de belles découvertes et d'ouvrages considérables, sont des étrangers; et les ingénieuses expériences de M. Gay-Lussac sont exposées dans de simples Mémoires qui ne paroissent pas former un ouvrage tel que ceux que nous sommes appelés à désigner.

Le Traité élémentaire de physique de M. Haüy ne sauroit recevoir trop d'éloges, et pour sa clarté, son élégance même, et pour le soin que l'auteur a pris d'y rassembler tous les faits dont se compose la physique, jusqu'aux expériences les plus récentes de nos derniers temps. Mais il avoit peu à y mettre du sien ; et cet ouvrage, qui pourroit mériter le prix de l'utilité, n'a point de prétention au prix de prééminence qui fait l'objet du concours.

C'est par sa Minéralogie que M. Haüy s'est placé aux premiers rangs de ceux qui peuvent présenter des titres pour ce prix. Cet ouvrage donne une face toute nouvelle à une science importante. L'ingénieuse théorie de la structure des cristaux, toute entière de l'invention de l'auteur, y est appliquée, avec une patience et une sagacité admirables, à tous les minéraux cristallisables connus. Elle s'y allie aux expériences les plus délicates de la physique, pour faire distinguer ces corps les uns des autres; et les recherches érudites de l'auteur, pour rassembler toutes les lumières dont la chimie et la géologie ont enrichi la minéralogie, font de ce Traité à la fois le corps de doctrine le plus complet et le modèle le plus achevé de l'art d'exposer avec rigueur et avec clarté une science difficile.

M. Brongniard mérite aussi des éloges pour avoir introduit la doctrine de M. Haüy dans l'enseignement public, et pour

avoir mis dans son livre beaucoup de détails sur les variétés des minéraux et sur leur usage dans les arts, dans lesquels M. Haüy n'avoit pas jugé à propos d'entrer.

Nous devons à M. Brochant une Minéralogie suivant le système de M. Werner, qui a contribué à répandre des vues utiles, auparavant peu connues en France.

La Géologie, ou la science si intéressante des positions respectives des minéraux et des débris des corps organisés qu'ils renferment, a éprouvé une révolution heureuse. Abandonnant ses systèmes, elle s'est attachée à faire connoître des faits; jusqu'à présent cependant elle a donné plus de Mémoires isolés que de grands ouvrages.

De toutes les sciences naturelles, la plus étendue est l'Histoire des animaux. Le nombre de leurs espèces est si effrayant, les détails de leurs mœurs et de leur structure si multipliés, que les Savans sont obligés de se restreindre chacun à une classe ou deux du règne dont ils ont encore à peine le loisir d'épuiser l'étude,

M. le comte de Lacepède, chargé par Buffon de continuer le magnifique édifice que ce grand génie avoit commencé et tant avancé, a terminé, dans l'espace qui nous est fixé, sa grande Histoire des Poissons, et publié celle des Cétacés. Le premier de ces ouvrages sur-tout est plein de faits nouveaux : le nombre des espèces auparavant inconnues qui y sont décrites est très-considérable; elles y sont disposées dans un ordre propre à l'auteur, et fondé en grande partie sur des observations nouvelles et exactes. En un mot, c'est un des meilleurs ouvrages d'histoire naturelle dont la France puisse s'honorer.

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Un des élèves de M. le comte Lacépède, feu M. Daudin, a publié une Histoire des Reptiles, remarquable aussi par de nombreuses espèces et par des divisions méthodiques utiles. Mais cette histoire a été faite un peu trop rapidement pour être partout exacte et bien écrite. Le même défaut se trouve dans la grande Histoire des Insectes, par M. Latreille, qui compose, avec celle de M. Daudin, une partie de la continuation de Buffon. Mais on ne peut pas faire ce reproche à l'ouvrage du même auteur, intitulé Genera Insectorum et Crustaceorum. C'est un traité aussi complet qu'approfondi, où cette multitude innombrable de petits êtres, à peine connus du vulgaire, sont examinés jusque dans les moindres détails de leur structure, et classés d'après tous leurs rapports. On ne sait ce qu'on doit admirer le plus, ou de la nature qui a produit cette prodigieuse foule d'existences dont chacune ellemême est une foule de prodiges, ou de l'homme patient qui a eu le courage de chercher à les connoître toutes et à les faire connoître. S'il y avoit des prix pour les les ouvrages détaillés d'histoire naturelle, celui-là en seroit bien digne.

M. Lamark s'est occupé avec succès d'un ouvrage où il embrasse bien plus de classes, mais où il donne moins de détails sur les genres. C'est son Tableau des animaux sans vertèbres qui mérite aussi des éloges.

La France a produit d'ailleurs beaucoup de grands ouvrages ornés de planches enluminées, d'une belle exécution, et qui se rapportent à la zoologie : ceux de M. Vaillant, sur les oiseaux, sont au premier rang; après lui viennent ceux d'Audebert, de M. Vieillot, etc. Mais tous ces livres magnifiques sont plutôt du ressort de la Classe des beaux arts que de celle des sciences.

La botanique n'a pas été moins féconde en ces sortes de productions; et s'il y avoit un prix de magnificence, M. Ventenat et ses émules formeroient une nombreuse concurrence. Mais le Jury attache une telle importance à un prix décennal, qu'il ne se croit pas même autorisé à le provoquer pour des ouvrages plus étendus encore et plus savans, tels que la Flore atlantique de M. Desfontaines, la Flore française de MM. Lamark et Decandolle.

La physique végétale, qui peut être considérée sous deux faces, celle de l'anatomie et celle de la chimie, a produit des travaux excellens sous ces deux rapports: tels sont ceux de M. Mirbel pour l'anatomie, et ceux de M. de Saussure pour la chimie. L'ouvrage de celui-ci, intitulé Recherches chimiques sur la végétation, est généralement regardé comme un modèle.

En résumant sous un seul point de vue général les ouvrages dont on vient de faire mention, le Jury observe qu'un assez grand nombre se distinguent par leur utilité; par le nombre de faits qui s'y trouvent rassemblés, par l'esprit de critique et de discernement avec lequel ils ont été recueillis, par la sagacité qui a été nécessaire pour en découvrir une partie; mais il n'hésite point à prononcer que celui qui porte l'empreinte la plus originale, qui présente les vues les plus nouvelles, qui peut influer le plus puissamment sur les progrès d'une science importante, c'est la Statique chimique de M. le comte Berthollet. En conséquence, il propose à VOTRE MAJESTÉ Cet ouvrage comme digne du grand prix destiné au meilleur ouvrage de physique..

L'ouvrage qui paroît, après celui-là, offrir le plus de qualités du même genre, où se montre également un esprit créateur, et qui est le plus complétement guidé par une pensée propre et

féconde,

c'est la Minéralogie de M. Haüy, pour lequel le Jury regrette qu'il n'y ait pas un second prix.

Il ne peut pas non plus se dispenser de faire une mention très-honorable du Système des Connoissances chimiques de M. le comte Fourcroy, et de l'Histoire des poissons de M. le comte Lacépède, comme recueils très-complets, en grande partie remplis de faits nouveaux, découverts ou observés par les auteurs, et comme formant chacun un ensemble satisfaisant sur des branches importantes de sciences naturelles.

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RAPPORT D'UNE COMMISSION

Composée de MM. LELIEVRE, HAUY, VAUQUELIN, CHARLES et DESFONTAINES, sur le troisième grand Prix de première Classe, destiné au meilleur ouvrage de Physique proprement dite, Chimie, Minéralogie, etc.

LA Commission, chargée par la Classe de faire un Rapport raisonné sur l'ouvrage qui, au jugement du Jury, a mérité le troisième grand Prix pour les Sciences Physiques, et sur ceux qui en ont le plus approché, a cru devoir suivre à la lettre le Décret de Sa Majesté Impériale, où il est dit, titre 2, article 8 : « Chaque Classe fera une » critique raisonnée des ouvrages qui ont balancé les suffrages, de » ceux qui ont été jugés, par le Jury, dignes d'approcher des Prix, et » qui ont reçu une mention spécialement honorable; cette critique sera » plus développée pour les ouvrages jugés dignes du Prix, etc. » La Commission s'est donc bornée à l'examen de la Statique Chimique de M. le comte Berthollet, que le Jury a désignée comme digne du Prix; du Traité de Minéralogie de M. Haüy, pour lequel le Jury regrette qu'il n'y ait pas un second Prix; du Système des Connoissances Chimiques de M. le comte Fourcroy; et de l'Histoire des Poissons de M. le comte Lacépêde, les seuls ouvrages qui aient reçu des

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