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temkin à Bender, elles eussent fini par succomber quand d'heureuses diversions vinrent les tirer d'embarras.

Tandis que le sang des deux partis coulait depuis Belgrade, et même depuis Dubicza et les rives de la Sawe, jusqu'à Oczakow, sur la mer Noire; la Prusse et l'Angleterre s'entendaient en secret pour susciter des ennemis à Catherine, et mettre des obstacles à ses entreprises: elles animaient les Polonais et les Suédois, en les engageant à profiter de l'absence des armées russes pour reprendre leur rang et reconquérir les provinces qu'ils avaient perdues.

Gustave III, roi de Suède, jeune prince doué d'une ambition démesurée, d'une imagination ardente, plus que d'un jugement solide; d'une valeur impétueuse plutôt que d'un courage soutenu, n'hésita pas à se prononcer. Favorisé par la position de ses établissemens maritimes dans le golfe de Finlande, et par la médiocrité de l'escadre que la czarine entretenait sur la mer Baltique, il se berça des plus belles espérances, et forma le projet de porter le théâtre de la guerre jusque dans Saint-Pétersbourg, au moment même où toutes les forces de son irréconciliable ennemie s'avançaient dans la Moldavie jusque sur le Danube.

La Pologne ne pouvait perdre une si belle occasion animée par les instigations du ministre

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prussien Hertzberg, la diète et la noblesse commencèrent en 1788 à faire entendre les mots de réforme et d'amélioration. Catherine, instruite des démarches du cabinet prussien, qui visait à la possession importante de Thorn et de Dantzig, inquiète peut-être de la fermentation qui régnait en Pologne, fit proposer au gouvernement de ce pays de s'unir avec elle par une alliance.

Comme l'observe fort bien M. de Segur, cette proposition était une faute politique (1). Les Polonais jugeant leur position, en appréciaient tous les avantages: il est donc facile de concevoir l'effet que l'offre de Catherine dut produire sur la diète à l'instant même où les armes des Turcs et des Suédois, jointes aux promesses de la Prusse, faisaient naître dans tous les coeurs l'espoir d'une liberté prochaine; la faiblesse que l'impératrice semblait témoigner par cette démarche, doubla à tous les yeux l'embarras où on la supposait.

L'ambassadeur Luchesini excitant ces passions,

(1) Si l'on devait toujours raisonner d'après les événemens, il paraîtrait que la Pologne, en s'alliant frauchement à Catherine et à ses projets, aurait évité le sort cruel qui la frappa plus tard; ou du moins qu'elle l'eût retardé long-temps. Mais, en se reportant l'état des affaires en 1790, on trouvera que cette alliance n'était pas naturelle. En tout cas, si le partage total avait été à prévoir, il eût incontestablement mieux valu associer la Pologne entière à la gran deur de Catherine, que de la voir morceler et détruire.

prétendit << que la nation polonaise avait un » allié plus sûr et plus naturel dans le roi de » Prusse, qu'elle était trop éclairée pour tomber » dans un piége si grossier, et oublier tant d'in» jures; qu'elle devait repousser avec mépris >> une alliance honteuse, briser un joug odieux, >> et reconquérir des droits sacrés. » Le ministre d'Angleterre appuyait ces discours.

Les Polonais regardant Frédéric-Guillaume comme un ange tutélaire envoyé par le ciel, se prononcèrent avec vigueur, repoussèrent l'alliance, refusèrent le passage aux troupes russes, renvoyèrent celles qui se trouvaient sur leur frontière, et firent enfin casser le conseil de gouvernement et la constitution de 1775.

Cette résolution énergique excita naturellement dans Catherine un ressentiment proportionné au danger dont elle la menaçait; mais ayant trop à faire chez elle pour s'occuper alors de ses voisins, elle dissimula sa vengeance, sans négliger aucun des moyens qui pouvaient la rendre plus terrible.

Le ministère prussien, alors dirigé par Hertzberg, déploya à cette époque une activité et un système remarquables. Une alliance offensive conclue avec les Turcs le 31 janvier 1790, et un traité de garantie signé avec la Pologne le 29 mars suivant, en sont des monumens durables.

Cet homme élevé à l'école du grand Frédéric voyait bien à quel danger la Prusse serait exposée, si la chute de l'empire ottoman laissait disponibles les forces colossales des deux souverains alliés; alors d'autant plus dangereuses pour elle, que sa rivalité avec l'Autriche était trop récente et trop prononcée pour laisser le moindre doute sur les suites graves qui en résulteraient. En conséquence, il décida Frédéric-Guillaume à rassembler une armée de 80 mille hommes en Silésie, pour empêcher l'empereur Joseph de continuer ses hostilités contre la Porte Ottomane, et faire ainsi retomber sur Catherine tout le poids de la guerre.

Sur ces entrefaites, Joseph mourut, et son successeur Léopold apportant sur le trône des dispositions plus pacifiques que belliqueuses, les démonstrations de la Prusse eurent leur effet. Léopold retira une partie de ses forces de la Servie, pour les porter en Bohême. Le cabinet de Vienne, fatigué d'une guerre qui lui coûtait d'immenses sacrifices, et dont le plus beau résultat n'était peut-être pas même dans ses intérêts, ne demandait pas mieux que de saisir cette occasion pour se tirer d'affaire et pour isoler sa cause de celle de Catherine. Mais Hertzberg offrait des conditions un peu dures; il voulait faire cesser définitivement tout

point de rivalité entre la Prusse et la Pologne, en se faisant céder les places si fort convoitées de Thorn et de Dantzig; en échange il proposait de faire rendre la Galicie aux Polonais, en indemnisant l'Autriche sur une partie de la Servie; ces prétentions mirent quelque temps des entraves à un arrangement, auquel néanmoins Léopold eût été forcé d'accéder, pour éviter une double guerre.

Les préparatifs redoublaient de part et d'autre, et tout annonçait un embrasement général en Europe, lorsqu'un événement auquel personne ne s'attendait, changea totalement les affaires. Frédéric-Guillaume avait un goût prononcé pour les plaisirs, et un grand éloignement pour les embarras et les fatigues de la guerre. Bischoffswerder prenait chaque jour plus d'ascendant sur son esprit, et les agens de Léopold ne manquaient pas de l'appuyer. Le roi sourdement prévenu contre son vieux ministre, ou contre son système, prit tout-à-coup la résolution de terminer malgré lui ses démêlés avec l'Autriche, et ordonna impérativement à Hertzberg de signer des préliminaires opposés à ses vues, et dans les intérêts de la cour de Vienne, bien plus que dans ceux du cabinet de Berlin. Une convention conclue le 27 juillet 1790 à Reichembach en Bohême mit fin à ces démonstrations. L'Autriche

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